jeudi 22 décembre 2011

Lettres - J.R.R. Tolkien


Comme son nom l’indique, ce gros pavé, à ne pas confondre avec ses Lettres du Père Noël, est recueil de la correspondance de J.R.R Tolkien. Cela en fait un ouvrage des plus précieux pour toute personne voulant se plonger dans son œuvre, car bien qu’il ait finalement peu publié de son vivant, l’auteur du Seigneur des Anneaux entretenait une correspondance plutôt prolifique avec son entourage, ses éditeurs et ses lecteurs, correspondance dans laquelle il parlait beaucoup de son œuvre.

Par le biais de cette sélection de quelques 350 lettres et extraits de lettres, on a le droit à une formidable plongée dans ses écrits et dans la façon dont il les perçoit, tout en faisant plus ample connaissance avec l’auteur lui-même.

Un peu comme avec l’essai de Vincent Ferré, je trainais ce livre dans ma PàL depuis des lustres, sans avoir le courage de m’y mettre. Il faut dire que seule et sans contexte, c’est une lecture assez aride, d’autant plus que les premières lettres ne parlent pas ni du Seigneur des Anneaux ni du Hobbit.

Par contre, avec une relecture relativement fraîche de tous les écrits de Tolkien, et notamment de ses écrits fragmentaires qui ont donné l’Histoire de la Terre du Milieu, la lecture est bien plus aisée. Mieux encore, cela se dévore pratiquement comme un roman qui fait le lien entre les multiples œuvres de Tolkien.

Pas que la vie de Tolkien soit particulièrement palpitante (elle est aussi banale que celle d’un hobbit qui ne s’appelle ni Bilbo, ni Frodo et cie), mais il y a presque un côté feuilletonesque dans l’histoire de ses publications.

Il y a d’abord celle de Bilbo, relativement sans encombre toutes proportions gardées, puis ses tentatives de publier le Silmarillion, puis la longue écriture du Seigneur des Anneaux (sans parler des aventures de sa publication, parce qu’il voulait le publier avec le Silmarillion, quitte à changer d’éditeur, sans parler des problèmes de correction et de la pénurie de papier de l’après-guerre).

A cela, il faut ajouter des échanges parfois très pointus avec ses lecteurs, sur des détails de la Terre du Milieu ou sur sa vision de son œuvre, ce qui apporte souvent un éclairage très intéressant sur ses écrits (notamment toute son interprétation du Seigneur des Anneaux, mais aussi pour qui voudrait en savoir plus sur les coutumes d’anniversaire des Hobbits par exemple).

Et puis, ces lettres sont aussi l’occasion de faire connaissance avec le « vrai » Tolkien. Il est assez souvent grincheux quand les choses ne vont pas dans son sens (et c’est souvent le cas), mais aussi très touchant dans ses lettres à ses enfants (notamment à Christopher pendant la Seconde Guerre Mondiale), parfois très drôle, et surtout, il est capable de partir sur des pages et des pages d’explications absolument passionnantes

J’ai beaucoup apprécié de découvrir ses opinions (religieuses, politiques, etc.), toujours très discrètes dans ses œuvres. J’ai été surprise de découvrir à quel point c’était un homme religieux (du genre à aller à la messe tous les matins), ce qui transparait peu voir pas du tout dans son œuvre (à part peut-être dans le Silmarillion, et encore on pourrait retrouver ça chez n’importe qui ayant été élevé dans un environnement chrétien).

Toute sa correspondance pendant et après la guerre (où il écrit des phrases en ancien anglais presque juste pour embêter la censure) permet de voir comment il perçoit la situation mondiale (il n’aimait notamment pas trop les américains). C’est même assez intéressant historiquement parlant, parce que je trouve assez représentatif de cette « masse » dont on parle peu dans les livres, qui subit la guerre sans l’approuver ni la dénigrer complètement.

Bref, ces Lettres sont un ouvrage indispensable à parcourir pour qui s’intéresse à l’œuvre de Tolkien. D’ailleurs, de nombreux passages m’ont semblé familiers, ce qui est tout à fait normal : que ce soit Christopher Tolkien dans son Histoire de la Terre du Milieu, Vincent Ferré dans son essai ou Humphrey Carpenter (qui a compilé et sélectionné les lettres de cet ouvrage) dans sa biographie, tous s’appuient abondamment sur ses lettres dans leurs explications.

D’ailleurs, il n’y a qu’à voir la tranche de mon livre pour comprendre à quel point cet ouvrage m’a passionné !


Je vous rassure, je ne vais pas vous ressortir tous les passages, de toute façon ses lettres sont bien plus intéressantes dans leur globalité qu’en en sortant deux ou trois lignes. Mais voilà une petite sélection pour vous mettre l’eau à la bouche :
Je regrette, mais je ne vois pas bien ce que vous entendez par arisch. Je ne suis pas d’extraction aryenne, c'est-à-dire indo-iranienne : pour autant que je sache, aucun de mes ancêtres ne parlait l’hindoustani, le perse, le tsigane et autres dialectes associés. Mais si je suis supposé comprendre que vous voulez savoir si je suis d’origine juive, je ne peux répondre que je regrette de ne pouvoir compter parmi mes ancêtres personne de ce peuple si doué.
[Lettre 30, ébauche de réponse à un éditeur allemand qui s’enquérait de ses origines en 1938]

[…] nous avons dans les Allemands des ennemis dont les vertus (et ce sont bien des vertus) d’obéissance et de patriotisme sont plus grandes que les nôtres dans l’ensemble. […] Et qui sont, par une malédiction divine, maintenant dirigés par un homme inspiré par un démon fou et tournoyant.
[Lettre 45, 1941, et vu le reste de la lettre je m’étonne qu’on puisse voir Tolkien comme quelqu’un de manichéen]

[…] ai donné un cours médiocre, ai vu les Lewis et C.W. (au White House), ai tondu trois pelouses, ai écrit à John, et me suis débattu avec un passage récalcitrant de l’Anneau. A ce stade, il faut que je sache quel retard prend la Lune chaque nuit quand elle se lève, et comment faire un ragoût de lapin !
[Lettre 63, 1944, où l’on peut qu’admirer sa méticulosité, vu que Marmiton n'existait pas à l'époque pour l'aider]

Car nous essayons de vaincre Sauron avec l’Anneau. Et nous réussirons, semble-t-il. Mais le prix à payer est, comme tu le sais, de faire de nouveaux Sauron, et de lentement transformer en Orques les Hommes et les Elfes.
[Lettre 66, 1944, il n'aime pas les allégories, mais il parle souvent des évènements contemporains avec des métaphores bien à lui]

Par conséquent, n’écrivez pas de manière adaptée aux Enfants ou à qui que ce soit. Pas même dans la langue. […] On n’acquiert pas un vocabulaire convenable en lisant des livres écrits en fonction de l’idée préconçue du vocabulaire que doit posséder une telle classe d’âge. Il vient en lisant des livres qui dépassent celui-ci.
[Lettre 215, 1959, sur les livres pour enfants (avec un passage très intéressant sur la définition d'un public d'enfants)]

Je ne crois pas que l’échec de Frodo ait été un échec moral. Au dernier moment, la pression exercée par l’Anneau devait atteindre son paroxysme – impossible, aurais-je dû dire, pour quiconque de résister […]. Son humilité […] et ses souffrances ont été récompensées avec justice par les plus grands honneurs ; et son exercice de la patience et de la miséricorde avec Gollum lui a valu la Miséricorde ; son échec a été corrigé.
[Lettre 246, 1963, qui se poursuit par une analyse complète de la destinée de Frodo]

Je pourrais continuer des pages durant, mais je vous recommande plutôt d’aller lire directement les Lettres à la source, vous apprécierez bien plus les explorer par vous-même, d'autant plus qu'un index colossale permet une approche thématique de cette matière. 

Par contre j’espère que comme moi, vous ne tomberez pas sur un exemplaire défectueux. En effet, je me suis rendue compte d’une erreur bien ennuyeuse de façonnage en fin d’ouvrage, puisque je me suis retrouvée avec deux fois les pages 481-528, et que j’ai perdu dans l’affaire les pages 529-576. Du coup je me sens un peu flouée, et évidemment, aucune bibliothèque ne l’a dans ses collections pour me permettre de compléter ma lecture !


CITRIQ

6 commentaires:

popoyo a dit…

Je te prête ma version (avec les pages manquantes de ta version) quand tu veux

Vert a dit…

Une très gentille personne m'a fourni les pages qui me manquaient en VO, mais je te piquerais ptêtre ton exemplaire à l'occasion ^^

popoyo a dit…

ok, on fera un échange la biographie contre les lettres, ça m'intéresserait de la lire ^^

Vert a dit…

Ca va être délicat, je l'ai empruntée à la bibliothèque xD
Menfin d'ici là que je la rachète...

Tigger Lilly a dit…

Ca me donne très envie de le lire. Ca existe en poche par hasard ?

Vert a dit…

Hélas non, je peux te prêter mon exemplaire (défectueux) si tu es intéressée et que tu n'as rien contre les 40 000 marques pages à l'intérieur xD