mercredi 31 octobre 2012

Le jeu des sabliers - Jean-Claude Dunyach


Il y a des lectures des fois qui me rendent furieuses. C’est rare, mais ça arrive, et dans ce cas du jeu des sabliers, j’ai surtout été furieuse contre moi-même (et contre Folio SF).

En commençant la lecture du Jeu des sabliers, j’ai eu comme une impression de déjà-vu. Rien de bien grave, cela arrive souvent quand on lit de la fantasy ou de la SF, mais sachant que cette impression allait en s’amplifiant, et que je ne comprenais pas pourquoi, surtout qu’à regarder le copyright, il s’agissait d’un texte inédit.

Arrivée à la quarantième page, j’étais passablement frustrée, et après une rapide enquête sur Internet, j’ai fini par comprendre que j’avais déjà lu ce texte dans son édition précédente (nulle part mentionné dans le poche).

Ca m’a passablement énervé, parce que j’ai en général une assez bonne mémoire de mes lectures, et j’évite d’acheter des livres que j’ai déjà lu (ou alors quand je le fais, c’est que le texte m’a beaucoup marqué, ce qui n’était visiblement pas le cas).

Du coup j’ai eu un peu de mal à apprécier cette (finalement re-)lecture, même si c’est un texte plaisant de space-opera, à forte dominante space-fantasy même. L’histoire est celle de Jern, jongleur qui voyage de monde en monde et qui se voit recruter par un mystérieux personnage, Olym, afin de participer à un étrange voyage, une quête en fait, en compagnie d’une guerrière et d’un bouffon.

On est dans du grand cliché de fantasy, mais avec un univers de SF (vaisseaux spatiaux et pistolasers) doté de quelques éléments intéressants. Cependant je vous avoue avoir relu Le jeu des sabliers sans grande émotion, ce qui confirme accessoirement que la fantasy avec ses héros et ses quêtes n’est vraiment plus ma tasse de thé.

Et puis vu comme ce texte m’a marqué à la première lecture (alors que je me rappelle encore distinctement des nouvelles de Dunyach que j’ai lu au lycée), je crois que je ne suis pas fait pour les romans de l’auteur, et qu’il vaut mieux que je replonge dans ses nouvelles, que je n’ai pas oubliées par mégarde, elles !

CITRIQ

lundi 29 octobre 2012

La brume des jours - Anne Fakhouri


Après avoir terminé Le Clairvoyage, j’ai eu bien du mal à dénicher sa suite, La Brume des Jours, si bien que j’ai fini par l’acheter aux Imaginales (ce qui n’est pas plus mal, cela m’a permis de rencontrer son auteure). Il a un peu trainé dans ma PàL, mais je l’en ai enfin tiré ce mois-ci, pour mon plus grand bonheur.

La Brume des Jours reprend là où s’arrêtait Le Clairvoyage, au départ de Clara (qui est toujours une héroïne qui porte mon prénom, youhouh !) pour le pays des fées, afin de sauver sa tante. Autant dire qu’en terme de lieux oniriques et féériques, on passe au niveau supérieur !

J’ai retrouvé tout le charme du premier volume dans celui-ci : des dialogues frais et souvent très touchants et surtout, une atmosphère tout simplement fascinante. Anne Fakhouri manie vraiment toute la matière féérique avec talent, et c’est un plaisir de visiter le pays des fées avec elle, même si on n’y comprend pas grand-chose.

En effet, un peu comme le premier, je ne suis pas sûre d'avoir compris grand-chose à l’intrigue (pourtant bien plus linéaire et simple que dans Le Clairvoyage), mais peu importe, je me suis laissée porter par les mots, et c’était très agréable. Cependant, il vaut mieux lire les deux tomes d’une traite, car dans mon cas, j’ai dû reparcourir en vitesse le premier tome à mi-chemin pour me remettre certains éléments en tête.

Je suis presque surprise de la classification jeunesse de ce titre, parce que même l’héroïne est une adolescente (avec des problèmes d’ados), il y a plein de choses qui m’ont parlé, et que j’aurais complètement ignoré à quatorze ans je pense. Comme quoi, les classifications…

En tout cas, suite à cette lecture, je suis officiellement accro au style de l’auteure, et nul doute que je vais m’intéresser à Narcogenèse par la suite. A noter que si la première couverture, signée Sarah Debove, est belle, c’est la quatrième de couverture, pleine page, qui a fait chavirer mon cœur pour ce volume-ci, tant on dirait que l'image va s'échapper du papier...


CITRIQ

dimanche 28 octobre 2012

Le tour du monde en quatre-vingt jours (théâtre)


Oui je suis déchainée en ce moment côté sorties, d’ailleurs j’ai encore un ciné-concert dont je dois vous parler, mais ce sera pour plus tard. Vue avec ma cousine (oui le théâtre est une affaire de cousines chez moi), cette pièce est comme vous vous en doutez l’adaptation de l’œuvre éponyme de Jules Verne.

C’est la première fois que j’ai l’occasion de voir à quoi ressemble un café-théâtre, et ma foi, j’ai trouvé très ça très plaisant. Le Café de la Gare (où est monté la pièce) est une petite salle où, comme il est si bien expliqué à l’entrée, on aura forcément mal au cul quelle que soit la place choisie, et presque certainement mal au dos, mais dans tous les cas, on verra la scène !

Du coup c’est très chaleureux, et les acteurs sont très proches du public (au propre comme au figuré, la pièce s’amuse régulièrement du 4e mur dans certaines répliques).

Le tour du monde en quatre-vingt jours est ici une joyeuse comédie qui part dans tous les sens sous prétexte de raconter l’épopée de Phineas Fogg et de son fidèle serviteur autour du monde (à vitesse grand V puisque l’histoire est bouclée en moins d’1h30).

N’ayant pas lu le roman, j’ignore si l’adaptation est fidèle, mais certains tics de Phineas (et la conclusion) me semblent sortir droit d’un roman de Jules Verne. Pour le reste, c’est surtout de l’humour, avec une bonne dose de blagues délicieusement anachroniques. Bref on passe toute la pièce à se bidonner, tout simplement.

J’avoue avoir adoré le décor très cheap (et qui arrive bien à rendre compte des différents pays traversés), les superbes effets spéciaux (j’adore comment ils simulent le train), et surtout les cinq acteurs de la pièce, absolument fantastiques, surtout quand on sait qu’ils passent leurs temps à changer de rôle (et de costume en passant).

Bref c’est drôle, extrêmement bien fait, et pas excessivement cher (entre 22 et 24 euros la place tarif plein), autant dire que si vous trouvez la programmation morne au cinéma ces temps-ci, ou si vous avez besoin d’une bonne dose de rire (ou les deux), n’hésitez pas à aller faire un tour au Café de la Gare.

Quant à moi, j’ai très envie de lire le roman maintenant, mais j’ai idée que je vais le trouver un poil ennuyeux…

samedi 27 octobre 2012

Bohêmes au Grand Palais


Comme ma cousine était sur Paris la semaine dernière, je suis un peu sortie de chez moi pour visiter expos, musées et théâtres. On a un peu cafouillé sur l’expo Edward Hooper (en même temps vu le monde à l’entrée, ça ne fait pas trop envie), mais on a pu profiter à loisir de l’exposition Bohêmes au Grand Palais.

Ca n’a l’air de rien, mais c’est incroyable à quel point on apprécie mieux une expo quand il n’y a personne et qu’on peut prendre son temps pour lire les cartels, et prendre du recul pour mieux apprécier les toiles (et vu la taille de certaines, c’est nécessaire).

Bohêmes est une exposition assez transversale qui s’organise autour de deux grandes thématiques (une par étage !) : la représentation des bohémiens dans les arts (de Léonard de Vinci à Otto Mueller), et la figure de l’artiste bohème de la fin du XIXe siècle.

Il y a de tout dans cette expo : des peintures, des sculptures, des photos, des dessins, de la musique, des objets, avec des noms très connus (Georges de La Tour, Courbet, Renoir, Picasso…) et d’autres moins, de la Renaissance à l’Art moderne. C’est typiquement le genre de mélange que j’aime bien.

J’ai beaucoup aimé la scénographie. Il y a de la musique dans toutes les salles (des chants tziganes d’abord –je suppose- avant de finir sur du Eric Satie si je ne m’abuse), et pour la deuxième partie, il y a de véritables mises en scène façon atelier d’artiste ou café.

Seuls reproches, les cartels sont difficilement lisibles, vu qu’ils sont écrits tout petits et vite illisibles à cause des reflets, et l’expo est tellement axée sur l’art qu’elle laisse complètement de côté l’histoire des roms/bohémiens/gitans/manouches (comme on les appelait selon les époques).

A part pour quelques mentions de lois, une vague allusion aux différentes populations et l'évocation des camps de concentration sur la fin, on manque un peu de perspective de ce côté-là. C'est dommage, un petit volet plus ethnologie n'aurait pas été inintéressant.

Mais ça reste une belle expo, et en plus on peut l’apprécier tranquillement (du moins en soirée). Quelques morceaux choisis pour terminer :


Zingara au tambour de basque - Jean-Baptiste Corot
(parce que j’aime les portraits de Corot)


Chaussures - Vincent Van Gogh
(pour une raison que j'ignore, autant ses tournesols me laissent complètement indifférente, autant ses paires de chaussures me font rêver)



Enseigne du chat noir
(que j’ai acheté en carte postale et en marque-page tellement je l’aime)


La gitane (la curieuse) – Kees Van Dongen
(autre achat de marque page)

jeudi 25 octobre 2012

Lombres - China Mieville


China Miéville est un de ces auteurs autour desquels je tourne sans jamais me décider à découvrir leurs écrits. Il me manquait un excellent prétexte, qui m’a été fourni par Tigger Lilly en sa chronique fort alléchante de Lombres (d’ailleurs du coup j’étais persuadée qu’elle me l’avait offert pour mon anniversaire l’an dernier, elle a des pouvoirs psychiques trop puissants en fait !).

Comme c’est un roman jeunesse, et je me suis dit que ça ne serait pas trop dur de rentrer dedans (et c’est le cas), et comme le pitch ressemble un peu beaucoup au Neverwhere de Neil Gaiman, c’était d’autant plus alléchant.

Lombres démarre comme un roman de fantasy jeunesse tout ce qu’il y a de plus classique : Zanna et Deeba sont deux copines qui vivaient une vie parfaitement ordinaire à Londres. Seulement voilà, depuis quelques temps, Zanna est devenue la cible de phénomènes étranges : des inconnus la saluent, des animaux la fixent, elle reçoit d’étranges courriers (et non ils n’arrivent pas par hibou express !).

Et voilà qu’un soir, elles prennent en filature un parapluie cassé qui les espionnait, et échouent sans rien y comprendre dans la ville de Lombres, sorte d’envers du décor ou de miroir déformant complètement dément de la ville de Londres, où brille un soleil en forme de donut, avec un trou au milieu (de la taille de notre soleil à nous !).

C’est dans Lombres qu’échoue entre autres une bonne partie des déchets de la ville (à commencer par une horde de parapluies cassés et de vieux bus rouges, sans parler des mool, matériaux obsolètes d’origine londonienne), qui trouvent là-bas une seconde vie sous des formes très inattendues.
Les filles restèrent interdites quand elles croisèrent un balai. Il portait un costume trois-pièces dont s’échappait un bouquet de ronces et de feuilles
Il y a ces bus qui volent ou rampent, ce tailleur qui vous réalise des costumes en page de livres, ces bibliothécaires qui descendent en rappel le long des étagères tant ils ont de livres, et tout un tas de créatures étranges qui vivent dans une ville à l’architecture improbable.

Et surtout, il y a une menace qui plane sur Lombres, une terrifiante menace que seule Zanna peut vaincre, car c’est la Shwazzy désignée par les prophéties, qui vaincra le smog une bonne fois pour toutes.

En apparence, on part donc sur quelque chose de très classique avec élu, quête, prophétie et cie, sauf que très vite, Chiné Miéville commence à s’amuser avec les poncifs. Je ne vous en dirais pas plus, mais la notion de destin en elle-même en prend vite pour son grade, et l’héroïne a une façon bien à elle de venir à bout des obstacles sur son chemin.
« Unstible… a toujours eu une interprétation personnelle des écrits, avança Mortier. Il disait vouloir être sûr. Il disait : ‟Cette tâche lui revient ; ça ne signifie pas qu’elle l’acceptera. Je vais voir ce que je peux faire »
L’histoire est du coup très agréable à lire, et même plutôt drôle quand l’auteur se moque gentiment de la littérature pour ado, égratignant même Harry Potter au passage. Il faut dire qu’on ne s’ennuie pas une seconde, que les dialogues sont délicieux, les personnages hauts en couleur (mention spéciale à Caillet, le plus original des animaux de compagnie), et que si on fait abstraction de tout cela, il reste l’univers du livre, absolument sublime.
« Pourquoi croyez-vous qu’il n’y a pas de chats, à Lombres ? Parce que ce sont des crétins. Ils ne savent rien de la magie ou du mystérieux. Par contre, les cochons, les chiens, les grenouilles, toutes les autres bêtes arrivent à nous rejoindre. […] Mais pas les chats […]. Sans doute trop occupés à avoir l’air cool. »
Je vous parlais de Neverwhere en introduction, roman dont j’avais adoré le Londres d’en bas des laissés-pour-compte. China Miéville fait exactement la même chose dans Lombres, et je crois bien qu’il coiffe complètement Neil Gaiman au poteau au passage (et c’est la fan hardcore de Gaiman qui vous dit ça).

C’est le côté foisonnant qui fait ça. Lombres est immense, et le livre n’en donne qu’un bien mince aperçu, de cette ville immense et chaotique, où l’on retrouve des éléments connus de Londres détournés sous des formes parfois improbables, avec des appellations déformées.
« Ah bravo ! s’exclama Jones. Elles ont réussi leur coup. Faire croire que les gentils réfugiés qu’on voit dans les zoo sont des girafes normales. Et vous allez sûrement me dire que si elles ont de longs cous, c’est pour mieux atteindre les hautes branches ! Et pas pour secouer les cadavres sanguinolents de leurs victimes, c’est ça ? »
Il y a d’ailleurs quelque chose d’Alice au Pays des Merveilles dans ce monde de fou (surtout dans l’incroyable quantité de jeux de mots que cela entraine) qui donne un ton très particulier à l’ensemble.

Il y a ces gardes poubelles, les poubanzaï (ou binja en vo), mais aussi les barrapluies, les Porféçogurs, les progénitermes… Même les protagonistes ont des noms qui jouent des mots et des sons, comme Lutrine (qui porte le Livre) ou Brokkenroll, et tout cela est magnifiquement bien rendu à la traduction (qui n’a pas dû être chose aisée d’ailleurs).
« Les premiers temps, j’adorais descendre faire des recherches au fin fonds du puits. En rappel sur des kilomètres. La classification devient anarchique à mi-chemin, mais on apprend à flairer les cotes. Une recherche pouvait durer des semaines. »
(Marguerite Trombonne, bibliothécaire de l’extrême)
Voyager dans cet univers est absolument génial, d’autant plus que celui-ci est illustré par l’auteur lui-même, au fil des pages (un peu comme Abarat, mais en noir et blanc). De la petite miniature à la page complète d’illustrations, ces très jolis dessins permettent de mettre des images sur des mots, et donnent une sacrée valeur ajoutée à un livre déjà très alléchant en soit.

Autant vous dire que j’ai littéralement dévoré ces 600 pages d’aventures, et que j’en aurais presque redemandé 600 de plus. China Miéville a vraiment une belle plume et une imagination foisonnante qui invitent à découvrir ses autres œuvres. En attendant, ce roman-là sort en poche ce mois-ci, vous n’avez donc aucune excuse pour ne pas y jeter un oeil !

CITRIQ

mardi 23 octobre 2012

La mort de la Terre - Joseph-Henri Rosny Aîné


Cet été, j’ai fait un peu de rangement dans la bibliothèque que j’entretiens chez mon père, et j’ai retrouvé tout un tas de livres non lus ou jamais terminés pour des raisons diverses et variées. En tombant sur celui-là, j’avoue avoir eu l’impression de découvrir le Graal.

En effet ce livre n’abrite rien de moins qu’un récit post-apocalyptique publié en 1912 ! Il y a eu bien d’autres textes apocalyptiques écrits depuis la nuit des temps, me direz-vous (les gens ont toujours eu le chic pour inventer des mythes de création ET de destruction du monde), mais là c’est de la SF ! De 1912 ! Il n’y a que moi que ça fait trépigner ?

La mort de la Terre est en fait un recueil de trois textes, la novella éponyme et deux autres nouvelles, et je ne peux résister à l’envie de détailler un peu le contenu de ces histoires.

Le recueil s’ouvre sur Les navigateurs de l’infini, une nouvelle publiée pour la première fois en 1925, qui nous raconte l’aventure des trois premiers hommes à poser le pied sur Mars. Ils y découvrent un écosystème très différent, avec de bien étranges zoomorphes, et toute une panoplie d’espèces dont la particularité est de ne pas présenter la bilatéralité qui domine sur Terre (deux yeux, deux bras, etc.) mais des formes plutôt ternaires (trois jambes, etc.).

C’est assez marrant à lire, car terriblement désuet dans le vocabulaire (ah les radiogènes et les torpillettes), mais pourtant très juste dans l’invention d’une autre espèce intelligente complètement différente mais avec laquelle ils parviennent à communiquer petit à petit (même si le côté « les terriens sauvent tout le monde » est un peu blasant).

Vient ensuite Le cataclysme (écrit en 1888 !), un texte assez halluciné qui m’a fait penser tout du long à Melancholia, avec cette histoire d’un couple vivant sur une péninsule isolée où d’étranges phénomènes annoncent une catastrophe (mais il ne s’agit pas d’une planète qui rentre en collision avec la Terre, promis !).

Et puis il y a la novella éponyme du recueil, La mort de la Terre. Titre un peu trompeur au demeurant, car Rosny Aîné ne raconte pas tant la mort de la Terre que la disparition des derniers êtres humains, conséquence de la disparition progressive des ressources naturelles (surtout de l’eau) et de nombreux bouleversements tectoniques.
« Depuis cinq siècles, les hommes n’occupaient plus, sur la planète, que des îlots dérisoires. L’ombre de la déchéance avait de loin précédé les catastrophes. A des époques fort anciennes, aux premiers siècles de l’ère radioactive, on signale déjà la décroissance des eaux : maints savants prédisent que l’Humanité périra par la sècheresse. Mais quel effet ces prédictions pouvaient-elles produire sur des peuples qui voyaient des glaciers couvrir leurs montagnes, des rivières sans nombre arroser leurs sites, d’immenses mers battre leurs continents ? »
Ca a un petit côté visionnaire non ? C’est vraiment un texte marrant à lire, parce que si certains passages sont presque prophétiques, comme l’auteur s’est vraiment appuyé sur les grandes découvertes de l’époque pour écrire son texte (d’où son « ère radioactive », aujourd’hui on parlerait plutôt d’ère nucléaire), on se retrouve avec des choses désuètes voir complètement fausses à l’heure actuelle.

Il prend ainsi bien en compte l’existence des microbes et autres organismes microscopiques, mais considère qu’avec la disparition de tous les animaux (à l’exception de quelques oiseaux), le vecteur de propagation a également disparu. Et c’est assez rigolo de voir les derniers humains prendre des repas « de gluten concentré et d’hydrocarbures essentiels ».

Cependant le texte est assez touchant, et doucement mélancolique, avec ces communautés humaines réduites, vivant globalement en paix, qui vivent sur leurs réserves et acceptent avec une certaine paix leur disparition prochaine.

C’est assez poétique en fait, surtout que la fin de l’humain est ici présenté comme un début pour une nouvelle ère, celle des ferro-magnétaux, forme de vie basée sur le fer (mais uniquement celui travaillé par l’homme) qui conquiert petit à petit la planète.

Bref, c’est un texte désuet mais extrêmement joli, que j’ai eu grand plaisir à lire. Dans la foulée, je me suis donc renseignée sur l’auteur (j’étais un peu intriguée, il a un prix littéraire à son nom quand même) et découvert qu’il s’agissait en fait de l’auteur de La guerre du feu (on ne se moque pas de mon inculture, déjà je savais que ce n'était pas juste un film, c'est bien non ?).

Serge Lehmann a récemment édité un gros recueil, La guerre des règnes, dans la collection Trésors de la SF chez Bragelonne, qui contient outre La guerre du feu, un certain nombre de nouvelles dont celles dont je viens de vous parler. Ca m’a l’air très alléchant pour qui voudrait découvrir l’auteur plus avant.


Une chose est sûre en tout cas, je suis contente d’avoir retrouvé ce petit bouquin, car j’ai pris grand plaisir à lire cette fin du monde presque ancestrale !

CITRIQ

dimanche 21 octobre 2012

Petit week-end à Lille (2) - Fantastic 2012



Après le concert de Laurent Voulzy, malgré un réveil tardif le samedi matin (et une météo juste abominable), j’ai profité de mon passage dans la région pour commencer à m’intéresser à Fantastic 2012, une gigantesque manifestation qui jusqu’en janvier propose des expositions, spectacles, évènements et autres qui touchent à des domaines qui me sont chers (et qui le sont sûrement pour vous aussi qui lisez ce blog !).

En consultant le programme, on repère assez facilement plein de choses qui font baver, et on est dans le bain dès qu’on arrive en train, puisqu’il y a désormais une soucoupe volante au bout des quais de la gare de Lille Flandres !

Je n’ai fait qu’effleurer la surface, puisque je n’ai guère eu l’occasion de voir toutes les installations urbaines. Et j’ai repéré plein d’expos alléchantes dans le programme. D’ailleurs, pour ceux qui l’ont raté, j’ai bien l’impression que l’expo Science et Fiction de la Villette est reprise à la maison folie Wazemmes.

Pour ma part je me suis contentée de trois expositions d’art assez classiques, mais dont l’univers amène sur des terrains fort fantastiques en effet.


(Musée des Beaux Arts de Lille)

Cette exposition s’intéresse à tous ces paysages foisonnants des peintres flamands du XVIe siècle qu’on retrouve ponctuellement en couverture de certains romans et nouvelles fantastiques. C’est assez fascinant de voir tous les petits détails, toutes ces créatures fantastiques complètement exubérantes.

Ceci dit j’ai moyennement apprécié l’exposition au final parce qu’il y avait du monde, et surtout du monde qui restait le nez collé sur les tableaux (souvent assez petits) des heures durant, ce qui finit par devenir exaspérant. Mais en période creuse, ça vaut le coup je pense !


(Musée des Beaux Arts de Lille)

Une exposition d’art comme je les aime, c'est-à-dire transversale, mais pas trop pompeuse dans son propos, et mettant en parallèle tout un tas d’œuvres et de supports différents sur un thème commun, ici la Tour de Babel.

En plus c’est sympathique de la voir après l’exposition sur les paysages flamands, dans laquelle on trouve des tableaux de la Tour de Babel. Après quoi on enchaine sur des BDs, des photographies délirantes, des planches de BD, des maquettes, une tour de livres… c’est assez fascinant, toute cette imagerie autour de ces immenses tours.

Et puis j’ai trouvé marrant qu’ils présentent d’autres interprétations que celle donnée habituellement au mythe. Ainsi la Tour de Babel est plutôt un évènement positif, car avec l’apparition de langues différentes, c’est toute la littérature qui se diversifie !


(Piscine de Roubaix)

Et puis dimanche, le soleil est revenu, et on en a profité pour aller à la Piscine de Roubaix. Qui n’est pas une piscine mais un musée (enfin une piscine reconvertie en musée). Rien que la visite du bâtiment vaut le détour, pour voir comment ils ont transformé le bassin en galerie de sculpture.

Et puis surtout, il y a avait une expo sur Chagall tout simplement sublime. Chagall c’est déjà chouette en temps normal (avec son univers assez fantasque et toutes ses couleurs), mais là ce qui était absolument délicieux, c’est de voir toutes les supports qu’il a pu exploiter.

On a donc de la poterie, de la sculpture (juste magnifique comment il maitrise les volumes, on est obligé de tourner autour de ses pièces pour tout voir), des costumes de théâtre et des collages ! C’est un vrai bonheur de tout regarder, d’autant plus que l’expo est bien conçu avec un guide très clair.

Voilà pour mon petit week-end visite, je regrette de ne pas avoir mieux planifié ça, parce que l’exposition Phantasia au Tri postal me faisait très envie. Du coup, je vais peut-être bien essayer d’y retourner avant janvier pour profiter un peu des autres animations !

samedi 20 octobre 2012

Petit week-end à Lille (1) - Laurent Voulzy en concert



Le week-end dernier, j’étais en vadrouille dans la région lilloise pour aller voir un concert de Laurent Voulzy. Je n’ai pas fait qu’écouter son concert, mais je vous raconterais le reste plus tard, il mérite bien un billet pour lui tout-seul. On ne se moque pas, Voulzy, c’est l’idole de ma maman, et comme elle a nous a élevé avec ses chansons, ça m’a complètement déteint dessus.

La première fois que je suis allée le voir sur scène, on a eu le droit à un orage monstrueux en guise de concert, du coup j’étais donc bien contente d’enfin le voir en vrai (et avec un toit, à bas les concerts en plein air !). D’autant plus que son dernier album, Lys & Love, avec ses compositions d’inspiration médiéval-Renaissance est juste sublime.

Ma maman disait toujours que les concerts de Voulzy étaient des vrais shows, et j’ai pu le constater en direct. Malgré une acoustique pas géniale dans la salle et ce pauvre Laurent qui n’avait pas beaucoup de voix ce soir-là, j’en ai pris plein les yeux et les oreilles.

Déjà côté scène et lumières y’a un sacré boulot (et même les costumes, bien qu’ils ne gardent pas longtemps leurs vestes et leurs capes, on les comprend !), et les musiciens sont impressionnants. Au nombre de cinq seulement en plus de la star, ils alternent instruments et parties chantées avec une sacrée aisance (une des chanteuses jouait de la guitare, de la harpe et du violoncelle en alternance, rien que ça !).

L’enchainement des chansons est extrêmement bien réalisé avec ses nouvelles chansons (sauf Blackdown à mon grand regret), mais bien sûr des anciennes soigneusement choisies pour bien s’insérer dans l’ambiance (on aurait cru qu’elles faisaient partie du dernier album).

Bien sûr, les classiques étaient au rendez-vous (Belle-île-en-mer tous en chœur sinon c’est pas drôle), et quelques surprises, une petite chanson empruntée à Alain Souchon par ici et une magnifique reprise de Scaborough Fair par là (que je venais de découvrir chez Simon & Garfunkel en plus)

J’ai trouvé le bis très touchant, avec un Laurent Voulzy qui revient tout seul sur scène avec sa guitare et chante quelques-uns de ses tubes avec le public. C’était bien sûr trop court, on aurait voulu que ça dure toute la nuit, mais vu ses difficultés à monter dans les aigus sur Cœur Grenadine, on lui pardonnera d’avoir écourté.

D’autant plus qu’on a eu l’occasion de le voir après le concert (après une bonne petite heure d’attente dans le froid, on est fan ou on ne l’est pas), d’échanger deux trois mots, d’obtenir un autographe et de prendre une photo, et je l’ai trouvé très sympathique (et il a un sacré sens du devoir pour avoir s’être prêté aussi bien au jeu des rencontres à une heure aussi tardive après deux heures de show !).


Ma maman a bien évidemment été conquise (moi aussi !), et comme on a appris dans la foulée qu’il faisait un concert à l’église Saint Eustache à Paris en décembre, et qu’on rêve d’entendre ses nouvelles créations dans une église (on a raté le coche à Saint Denis en juin hélas), on remet ça juste avant Noël ! Mais à part ça je ne suis pas du tout une groupie hein !

vendredi 19 octobre 2012

Timbré - Terry Pratchett


C’est en train de devenir une règle cardinale chez moi, un Pratchett par an, ni plus, ni moins. Quoique je triche, cette année j’ai aussi relu De bons présages… Autre règle qui est en passe de s’installer (et si j’avais un psy il s’en régalerait), il y a toujours un rapport avec ma maman.

Enfin à l’origine ce livre m’a été prêté par Popoyo (qui m’en demandait presque désespérément des nouvelles toutes les semaines depuis bientôt un an), mais je faisais traîner ma lecture. Sauf que cet été, comme ça, ma maman s’est mise à lire un Terry Pratchett, La huitième fille, précisément. Qu’elle a aimé, si bien qu’elle en a acheté un deuxième.

Du coup j’ai eu un peu honte d’en avoir un qui prenait la poussière chez moi alors qu’elle les enchaînait presque (d’autant plus que jusqu’à maintenant c’était moi qui lui fournissait les livres pour la SF et la fantasy, où va le monde si elle les achète elle-même maintenant ? Et surtout, que vais-je lui offrir à Noël du coup ?), et je l’ai sorti de ma PàL.

Timbré, trente-troisième volume des Annales du Disque-Monde, est une histoire relativement facile à lire même avec une connaissance très limitée de l’univers, car à l’exception de quelques références à des têtes connues ici et là, j’ai eu l’impression que tous les protagonistes principaux (à l’exception du Patricien) étaient des nouveaux venus.

En l’occurrence, notre héros s’appelle Moite von Lipwig, escroc de haut vol, qui échappe à sa condamnation à mort pour se voir confier la direction de la poste d’Ankh-Morpork, tombée en désuétude depuis des années suite à l’installation des clic-clac (le télégramme quoi).

Evidemment, cette tâche ne sera pas de tout repos, mais il fallait bien un pareil larron pour arriver à remettre les affaires en marche, grâce à un personnel hors du commun, une communication maitrisée, et des innovations sans pareil.

Ca n’est pas une grande surprise, en lisant Timbré, on s’amuse beaucoup. Comme toujours, Terry Pratchett s’y entend pour monter une intrigue qui part dans tous les sens, avec des personnages ubuesques, sans oublier une bonne dose de parodie subtile qui fait mouche à tous les coups, et une écriture toujours aussi fine.

C’est donc une lecture plaisante, et j’ai tout particulièrement apprécié le parcours de Moite, escroc accompli qui se retrouve à faire « le bien » un peu malgré lui. Et toute l’histoire des timbres, qui m’a rappelé l’époque où je tenais vaguement une collection.

Mais il est vrai que je bloque toujours un peu sur le Disque-Monde. Je soupçonne toutes ces années passées à écrire des fanfictions humoristiques de m’avoir un peu dégoûté du burlesque. Et dans le cas de Pratchett, son écriture est tellement riche que la moitié des jeux de mots et des traits d’humour m’échappent (surtout vu la vitesse à laquelle je lis). Et ça me frustre toujours un peu.

Ceci dit, j’aimerais bien, un jour, explorer un peu plus le Disque-Monde, mais comme je ne pourrais pas m’empêcher de repartir du premier roman et de tout lire, j’ai intérêt à avoir un sacré créneau pour caser cette lecture. Un jour, peut-être… Le temps que ma maman achète toute la série pour que je puisse lui emprunter par exemple !

CITRIQ

mercredi 17 octobre 2012

Les monades urbaines - Robert Silverberg


Après la fin du SSW, je me suis retrouvée un peu bête devant mon carton de PàL, ne sachant plus quoi lire après un été si space-opera. Et puis ma route a croisé l’article de Traqueur Stellaire sur Les monades urbaines, j’ai fait « Hey ce livre est dans ma PàL » (pour une fois), et l’affaire a été réglée, assez vite d’ailleurs, vu la vitesse à laquelle j’ai dévoré ce texte.

Dans un futur relativement proche (en 2381 pour être précis), la population terrestre s’élève à 75 milliards d’habitants, et augmente de trois milliards par an, sans que cela ne cause ni conflit, ni souci d’approvisionnement.

Ce miracle est possible grâce aux monades urbaines, de gigantesques tours de mille étages, complètement autonomes (sauf pour la nourriture, produite sur les sols ainsi libérés par les monades), pouvant héberger quelques 800 000 personnes qui y vivent en autarcie, sans jamais sortir à l’extérieur, ou voyager dans une autre monade.

Cela semble presque utopique, une Terre capable de subvenir aux besoins de 75 milliards d’humains, mais cette vision presque idyllique se révèle assez glaçante, et subtilement, on sent bien que sous l’utopie se cache une dystopie glaçante.

C’est cet aspect que j’ai tout de suite aimé dans Les monades urbaines. La dystopie est à la mode ces temps-ci (depuis Hunger Games), mais souvent, quand je lis les 4e couvertures (je lis rarement les livres en eux-même, je vous avoue), j’ai toujours l’impression que l’auteur y va avec ses gros sabots (ou au bulldozer même).

Ici, ce n’est pas le cas, d’ailleurs, les premières pages semblent presque trompeuses, alors qu’un habitant fait visiter la monade où il vit à un humain de Vénus (qui sert de point d’entrée au lecteur, tout simplement).

On peut bien sûr trouver quelques aspects malsains, comme cette absence totale de vie ou de propriété réellement privées, ou la sexualité très débridé des habitants : la nuit, tout homme a le droit d’entrer dans n’importe quel appartement et de prendre du bon temps avec la femme qu’il y trouve, parfois même avec son mari dormant à côté. D’ailleurs cela ne se fait pas de refuser, car le conflit stérilise.

D’ailleurs si on rationalise les choses, ça semble même plutôt logique comme système de vie pour des gens qui vivent entassés les uns sur les autres dans une tour, avec des familles plus que nombreuses (quatre enfants est considéré comme une petite famille).

Mais, au fur et à mesure qu’on avance dans ces sept nouvelles qui s’entrecroisent (de façon fort brillante, chaque texte a son protagoniste principal, mais celui-ci ne cesse de croiser la route des autres protagonistes, formant comme un roman-chorale), le malaise s’insinue petit à petit, et on se rend vite compte que cette utopie n’est pas si idyllique que ça pour ceux qui ne rentrent pas dans le moule.

Il y a Aurea,quatorze ans et pas encore mère ( !), qui refuse de quitter sa monade pour aller en coloniser une nouvelle, Jason, un historien qui redécouvre le XXe siècle, Micael, qui rêve de visiter l’extérieur, et Siegmund, promis à une carrière brillante, mais…

J’ai trouvé ce livre à la fois horrifiant et extrêmement pertinent. Il est horrifiant parce que c’est une de ces dystopies subtiles, où l’absence de liberté est subtilement masquée aux yeux de la population, qui ne s’en rend même pas compte.

Il est aussi (légèrement) horrifiant sur l’aspect sexuel. Je vous avoue être d’un naturel un peu prude, si bien que le côté « libérons notre sexualité » et « je couche avec qui je veux » (ça va me faire des bonnes stats d’entrée ça) m’a mis un peu mal à l’aise par moment même si ça n’a rien de gratuit dans ce livre (mais du coup je ne le recommanderais pas forcément à tous les publics).

Tout cela s’inscrit dans une réflexion très pertinente. Avec ses 75 milliards d’habitants et sa natalité galopante, Robert Silverberg choque volontairement (il me semble qu’en 1971, date de première parution, on s’inquiétait déjà des questions de surpopulation), et ça marche.

Mais de façon assez marrante, c’est surtout choquant parce qu’on se rend vite compte qu’en dépit du malaise que peut déclencher la société qu’il met en scène, que certaines idées semblent incroyablement logiques et pertinentes (même d’un point de vue purement pratique, puisque la chaleur humaine émise est récupérée pour fournir de l’énergie à la monade).

D’autant plus lorsqu’on vit dans une région aussi surpeuplée que la région parisienne, où l’on passe beaucoup de temps à maugréer sur ses voisins voire carrément à les engueuler. 800 000 personnes vivant ensemble dans une tour sans qu’elle n’explose, ça impressionne !

Du coup, je suis très contente d’avoir lu ce livre, extrêmement bien écrit (je me répète mais l’entrecroisement des destinées est vraiment bien réalisé) et qui fait beaucoup réfléchir. Il n’est pas cité au hasard parmi les classiques de la SF, c’est vraiment un titre à lire absolument.

Et puis, après des années à croiser des textes de Robert Silverberg sans jamais vraiment y accrocher (le mieux que j’ai eu, c’est un bien mais sans plus sur le premier tome du cycle de Majipoor et son adaptation de la légende de Gilgamesh, et ne parlons pas de L'homme dans le labyrinthe), je suis contente d’enfin lire un roman de lui qui me plait complètement !

CITRIQ

lundi 15 octobre 2012

Doctor Who 7x05 - The Angels Take Manhattan


Et nous voilà déjà rendus à la moitié de cette saison 7, avec du temps à tuer jusqu’à Noël. C’est assez frustrant, mais Moffat nous a fait un beau cadeau avec ce The Angels take Manhattan. Sans être parfait, cet épisode offre une belle conclusion pour les Pond, avec une narration un peu alambiquée, et des Weeping Angels qui ne m’avaient pas aussi bien terrorisé depuis Blink.

« New York. The city of a million stories. Half of them are true. The other half just haven't happened yet. »
« Statues, the man said. Living statues that moved in the dark. »
L’introduction de cet épisode est juste somptueuse. New York, les années trente, de nuit et sous la pluie, avec un détective privé, une enquête sur des statues. La voix-off, la machine à écrire, la musique grandiose… J’avais déjà des frissons dans le dos rien que pendant les trente premières secondes. Rendue au générique, je me suis carrément demandé si je survivrais à l’épisode.


Cela continue tout aussi délicieusement après le générique. Petite musique légère, mais des statues, des clignements d’œil, et le Doctor qui fait la lecture d’un roman noir en plein Central Park, Melody Malone.
« New York growled at my window, but I was ready for it. My stocking seams were straight, my lipstick was combat-ready, and I was packing cleavage that could fell an ox at twenty feet... »
Ce début d’épisode est un vrai délice, même au revisionnage : le Doctor qui lit à voix haute, Amy qui se plaint, les lunettes, la remarque sur les rides, Rory qui s’en sort merveilleusement bien sur la question. Je vous épargne tout extrait, j’en aurais cité tout le passage. Mais difficilement de faire l’impasse sur celui-là.
« I always rip out the last page of a book. Then it doesn't have to end. I hate endings. »
« As I crossed the street, I saw the thin guy, but he didn't see me. I guess that's how it began... I followed the skinny guy for two more blocks before he turned and I could ask exactly what he was doing here. He looked a little scared, so I gave him my best smile and my bluest eyes...
- I just went to get coffees for the Doctor and Amy. »
« Hello, River. »
Ça, c’est de l’intro. A ce stade, je trépignais pratiquement sur mon siège. Le jeu entre le livre qui raconte l’histoire, et nos protagonistes qui la vivent… il n’y a que Moffat pour partir dans des trips pareils. Et côté réalisation, c’est quand même superbement bien rendu.

- We're in the rest of the book.
- What?
- Page 43. You're going to break something.
- I'm what?
- "Why do you have to break mine ?" I asked him. He frowned and said : "Because Amy read it in a book and now I have no choice."
- Time can be rewritten.
- Not once you've read it. Once we know what's coming, it's written in stone.
J’avoue avoir trouvé le principe un peu bizarre cette idée. Doctor Who oscille toujours entre « Time can be rewritten » et les « Fixed point in space and time », mais globalement ces derniers temps, le Doctor s’arrangeait toujours bien pour contourner le problème du point fixe, il suffit de voir la saison 6 où tout est une question d’apparence.

D’autant plus que dans ce cas ça rend l’action des méchants de l’épisode précédent absolument absurde, puisqu’ils cherchent à faire disparaître les humains pour prévenir le futur. Vous n’allez pas me dire que dans tous les évènements qu’ils cherchent à éviter (et dont ils ont connaissance), il n’y a pas de point fixe (il y a la mort d’Adélaïde Brooke sur Mars, par exemple).

C’est un peu bizarre, en même temps la série n’a jamais été très cohérente sur la question (ne serait-ce que parce qu’elle traite parfois différemment l’Histoire avec un grand H et l’histoire des héros), et on pourrait en discuter des heures sans trouver de solution. A défaut, on peut se consoler que pour la règle ici posée, Moffat s’y tient jusqu’au bout de l’épisode.

Après une belle séance de timey-wimey (à coup de porcelaine chinoise), le Doctor et Amy arrivent à atteindre l’époque où se trouvent River et Rory.

« Just a moment, final checks. »
Le passage où le Doctor retrouve River est tordant (lorsqu’il se recoiffe), mais aussi très émouvant. Cet épisode est une rencontre assez rare, ils sont tous les deux assez âgés, et leur relation a atteint une certaine maturité.


Leurs dialogues sont plein de mordant, comme toujours, mais la façon dont se comporte Eleven avec elle est très différent. Rien que la façon dont il la frôle en passant… On reproche toujours à Moffat le manque d’émotion dans ses épisodes, mais ce genre de passage tout en subtilité, ça me file des frissons (pas de peur cette fois-ci).

- But we can't read ahead. It's too dangerous.
- I know. But there must be something we can look at.
- What, a page of handy hints ? Previews ? Spoiler free ?
- Chapter titles ?
Et toujours ce parallèle avec le livre, j’aime beaucoup. Doctor Who a toujours été une série qui parlait des histoires, des petites comme des grandes, et quand on dit histoire, on pense livre. C’est une chouette mise en parallèle, et difficile de ne pas penser au premier épisode où apparait River, Silence in the Library, qui lui aussi parlait beaucoup des livres.

Mais il est vrai qu’une partie de moi me dit que si River n’a pas encore écrit son livre, qu’est-ce qui l’empêche de changer ce passage si le Doctor ne lui brise pas le poignet. Ou plutôt qu’est-ce qui l’empêche d’avoir écrit ça en dépit du fait qu’elle ne le brise pas. Ou vu qu’elle l’a écrit après cette histoire, ne pourraient-ils pas ouvrir une page au hasard et tomber sur l’information qu’il faut, parce que c’est comme ça que ça s’est passé ? Bon il ne faut pas trop y réfléchir, la migraine me guette.

- You just changed the future.
- It's called marriage, honey.
Bon en théorie je pourrais vous parler de ce pauvre Rory qui se fait une fois de plus touché par un ange (par des bébés anges même, brrr), et qui est envoyé ailleurs, pas loin du creepy building de l’introduction, mais ce qui se passe entre River et le Doctor est nettement plus intéressant. J’aime beaucoup la façon dont elle lui ment délibérément pour lui redonner espoir, d’ailleurs pendant un instant, on y croit.

- Why did you lie to me?
- When one's in love with an ageless god who insists on the face of a 12-year-old, one does one's best to hide the damage.
- It must hurt.
- Yes. The wrist is pretty bad too.

Et le fait qu’il la soigne après, ça m’a laissé toute flagada tellement c’était trop mignon (et Eleven est tellement alien qu’on ne le voit pas souvent faire des choses aussi humaines). Et j’adore comment elle lui en colle une juste derrière avec sa main tout juste réparée !

Cela donne lieu à un très joli moment mère/fille avec Amy ensuite.

- OK, so why did you lie?
- Never let him see the damage. And never, ever let him see you age. He doesn't like endings.
Cet épisode n’est pas sans défauts, mais j’ai adoré cette façon dont toutes les relations entre les personnages atteignent leur apogée, leur maturité : Amy et Rory, le Doctor et River, River et Amy… C’est un peu triste parce que c’est le cas parce leur histoire arrive à leur fin pour presque tous (Amy et Rory bien sûr, mais aussi pour River qui ne m’a jamais semblé aussi proche de la Library), mais ça fait vraiment plaisir de voir tous ces petits échanges plein d’émotion.

Bon allez, allons plutôt faire un tour dans le creepy building.

« Why's it smiling? »
Avec toutes ces histoires de couples, j’en oublie un peu nos weeping angels dont le piège se referme peu à peu sur nos quatre héros. Et pourtant ils ont leur importance aussi.

Doctor Who est une série qui me fait régulièrement trembler, mais les Weeping Angels ont vraiment été une apothéose. Outre le fait que j’en ai fait des cauchemars, je n’oublierais jamais, le samedi où j’ai regardé Blink, le moment d’hésitation que j’ai eu en allant rendre mes livres dans une bibliothèque dans laquelle se trouve une gigantesque tête en bronze à l’entrée.

Les Silence aussi m’ont terrifié, mais pas autant. Les Weeping Angels ont cela de terrifiant qu’ils puisent vraiment dans le quotidien. Des statues, on en voit de partout.

Bizarrement le double épisode de la saison 5 m’avait moins impressionné que Blink, parce qu’il les dénaturait un peu : on les voyait bouger, ils parlaient, ils tuaient les gens au lieu de les envoyer dans le passé. Du coup ça en faisait de vulgaires tueurs, c’était moins effrayant d’une certaine façon.

Dans The Angels take Manhattan au contraire, ils redeviennent terrifiants. Déjà parce que ça se passe chez nous (le New York des années 30 est bien plus proche que le crash du Byzantium), mais aussi parce qu’on retrouve le jeu avec le spectateur qui fait partie intégrante de l’histoire : les anges ne bougent que quand la caméra ne les regarde pas.

Et, au lieu de discourir avec le Doctor, ils sourient. Un sourire vaut mille mots, je ne vous le fait pas dire, celui-là est à vous coller des sueurs froides.

Le piège des anges, c’est une forme de ferme d’élevage où au lieu d’agresser ponctuellement des passants, ils s’en prennent à la même personne de façon répétitive pour se nourrir. Un peu étrange. Discutable une fois encore, mais si je continue à réfléchir sur la question mon cerveau va freezer (j’ai été un peu traumatisée par un article lu ailleurs où l’auteur se demande si les anges emploient des livreurs de pizza pour nourrir leur « élevage »).


Ceci dit je n’avais pas vu le coup des fenêtres au premier visionnage, où on voit la même personne à des âges différents. Plutôt bien fait.

Rory n’est pas très heureux à l’idée de mourir seul dans cet immeuble, et Amy n’est pas d’accord. Je ne sais pas si vous vous rappelez de l’épisode The girl who waited où le Doctor disait à propos d’Amy « if anyone could defeat pre-destiny, it's your wife. ». Et bien c’est un peu le cas ici, où elle combat un futur fixé pour garder son époux.

(on la comprend, qui ne voudrait pas avoir un Rory chez soi ?)


Bon soyons honnêtes, la Statue de la Liberté en weeping angel, c’est complètement gratuit, mais fun. Il faut bien qu’on puisse rigoler un peu de temps en temps, parce que le reste de l’épisode…

- Stop it. You'll die.
Yeah, twice, in the same building on the same night. Who else could do that?
Il est vraiment malin ce Rory quand même. Et tellement tragique. Oh purée je l’adore, je ne veux pas qu’il parte !
- You think you'll come back to life ?
- When don't I ?
Blasé par la mort en plus… Et sa femme est pas mal aussi dans son genre.

- What the hell are you doing?!
- Changing the future. It's called marriage.
Bon par contre, la chute au ralenti, beurk. Je ne sais pas ce qu’ont les gens avec les ralentis, moi ça me gâche systématiquement mon plaisir. Mais la musique de toute la scène est très belle (comme tout l’épisode en fait, Murray Gold s’est surpassé), ça compense.


Et pouf, tout le monde se retrouve à notre époque, dans un cimetière.

Je vous avoue qu’au premier visionnage, j’ai eu beaucoup de mal avec la fin. En fait j’étais tellement plongée dans l’épisode que j’avais perdue toute notion de passage du temps, et j’étais persuadée que j’avais encore vingt minutes d’histoire avant de dire adieu aux Pond.

Comme en plus l’ambiance est super joyeuse d’un coup, ça m’a complètement choqué de voir Rory disparaitre comme ça, pouf. Il m’a fallu un deuxième visionnage pour être vraiment affecté, et que les larmes me montent aux yeux pour le final d’Amy.

- It'll be fine. I know it will. I'll be with him, like I should be. Me and Rory together. Melody ?
- Stop it, just, just stop it !
- You look after him and you be a good girl, and you look after him.
- You are creating fixed time. I will never be able to see you again.
- I'll be fine. I'll be with him.
- Amy, please, just come back into the TARDIS. Come along, Pond, please.
- Raggedy man, goodbye !

Moffat a eu du mal à écrire la conclusion des Pond et ça se sent. Ceci dit la conclusion est logique, on savait depuis pas mal de temps qu’Amy était prête à abandonner le Doctor pour Rory, et qu’une vie normale avec Rory était préférable à voyager à travers l’espace et le temps avec le Doctor. Et elle part dans un dernier coup d’éclat, car elle modifie son histoire ainsi, et Rory ne meurt plus seul.

C’est juste un peu dommage que le « je ne vous reverrais plus jamais » semble si insatisfaisant. A priori, cela est dû au fait que les anges ont tellement affecté l’espace-temps (sans parler du paradoxe tenté par Rory et Amy) que le TARDIS ne peut plus se rendre à cette époque. Mais Et dans ce cas-là, est-ce que Martha et le Doctor dans la saison 3 n’auraient pas dû ne pas pouvoir se rendre sur place ?

Et qu’est ce qui empêche de leur rendre visite plus tard ? De les emmener et de les ramener plus tard ? C’est parce que leur histoire à eux est trop perturbée pour être visitable ? Peut-être faut-il différencier l’Histoire avec un grand H, et leur ligne temporelle à eux deux qui a déjà été sérieusement perturbée.

C’est un peu la faille dans l’histoire, mais je suppose qu’on va se contenter de se dire que c’est encore une histoire de wibbly wobbly timey wimey stuff. Le final est suffisamment fort pour qu’on laisse de côté ces considérations, de toute façon, et j’aime beaucoup comment la boucle est finalement bouclée :
« Hello, old friend.
And here we are, you and me, on the last page. By the time you read these words, Rory and I will be long gone. So know that we lived well, and were very happy. And above all else, know that we will love you always. Sometimes I do worry about you, though. I think once we're gone, you won't
be coming back here for a while, and you might be alone, which you should never be. Don't be alone, Doctor.
And do one more thing for me. There's a little girl waiting in a garden. She's going to wait a long while,
so she's going to need a lot of hope. Go to her. Tell her a story. Tell her that if she's patient, the days are coming that she'll never forget. Tell her she'll go to sea and fight pirates. She'll fall in love with a man who'll wait 2,000 years to keep her safe. Tell her she'll give hope to the greatest painter who ever lived and save a whale in outer space. Tell her, this is the story of Amelia Pond. »
« And this how it ends. »
Je pourrais m’arrêter là, mais une question m’a beaucoup travaillé quelques jours plus tard. Je ne sais pas si vous vous rappelez de Pond Life, mini-série qui introduisant la saison 7 en mettant en scène Amy et Rory dans leur vie de tous les jours. Le cinquième épisode était très sombre et inquiétant et pas uniquement pour ce qu’il montrait de la vie des Pond.

En effet, on y voit le Doctor changer l’ampoule de la lampe sur le toit du TARDIS. Or River lui fait remarquer qu’il faudrait la changer dans The Angels Take Manhattan, et lui dit qu’il l’a fait récemment. Seulement, avec toutes leurs mésaventures, elle aurait bien pu griller une fois de plus (et River est toujours très au fait de l’état du TARDIS).

Du coup, je me demande si le Doctor qu’on voit à la fin de Pond Life ne serait pas un Doctor post séparation avec Amy et Rory. D’où le fait qu’il cherche à les contacter, mais efface finalement son message parce qu’on ne peut réécrire l’histoire.

D’ailleurs ce n’est pas la seule bizarrerie qui me pousse à penser que la chronologie du Doctor n’est définitivement pas celle de la série. Il y a aussi cette mention de Rory qui a oublié son chargeur de téléphone à l’époque d’Henry VIII dans l’épisode 3, alors que cette aventure a lieu dans l’épisode 4.

Tout cela est bien étrange. Du coup, je me demande si sous des fausses apparences d’épisodes assez simplistes, Moffat ne nous cache pas quelque chose… Affaire à suivre à Noël donc.

P.S. de dernière minute : Alors que mon article était déjà bouclé, la BBC a publié une petite vidéo, P.S., qui éclaire le destin des Pond, et clôt également l'histoire de Brian (personnage qui manquera beaucoup), tout en faisant une jolie référence à Blink. Ce ne sont que des storyboards et des voix, mais c'est déjà très émouvant comme ça. Ca serait tellement bien s'ils pouvaient la tourner pour de vrai pour le DVD !