lundi 31 août 2015

La cité des saints et des fous – Jeff VanderMeer


La cité des saints et des fous partage avec La voix du feu, que j’ai lu récemment, de très nombreux points communs : ce sont tous les deux des ouvrages atypiques, publiés dans la même collection (Interstices), avec les mêmes couvertures étranges (mais ô combien attirantes) de Néjib Belhadj Kacem.

Je les ai achetés à peu près à la même époque (voire en même temps, je ne me souviens plus exactement), je les ai tous les deux commencés et abandonnés en route pendant de longues années, avant de prendre mon courage à deux mains cet été. Heureusement, c’est là que le jeu des ressemblances s’arrête : contrairement à son collègue, La cité des saints et des fous ne m’a posé aucun problème, et a même été un grand bonheur de lecture.

Pourtant sur le papier ce n’était pas gagné, car je ne vous cache pas que La cité des saints et des fous est un livre spécial, qui ne parlera pas à tout le monde. C’est en effet avant tout un livre-univers sur la cité imaginaire d’Ambregris, composé de textes très variés allant du conte horrifique (qui peut évoquer autant Lovecraft que le fantastique du XIXe siècle) au guide historique en passant par le message codé et l’opuscule scientifique.

Difficile de vous en dire plus, déjà parce que la cité en elle-même est difficile à qualifier (mais attendez-vous à entendre parler régulièrement de calmars et de champignons), mais aussi parce que la curiosité et le plaisir de la découverte jouent à mon avis grandement dans le plaisir qu’on a à lire cet ouvrage.

La cité des saints et des fous est loin d’être le premier livre-univers que je lis, mais les derniers que j’ai eu entre les mains m’ont souvent soit donné du fil à retordre, soit ennuyé. Du coup j’avais quelques appréhensions face à l’œuvre de Jeff VanderMeer, très vite oubliées heureusement pendant ma lecture.

Cela est dû d’abord à l’extraordinaire écriture de ce livre, et à son extraordinaire traduction (un grand bravo à Gilles Goullet). Je pourrais vous en écrire des kilomètres sur le sujet, mais histoire de ne pas vous perdre en route j’ai préféré vous faire une liste (une méthode un peu atypique, pour un livre atypique) de tout ce que j’ai aimé :
  • Le style faussement XIXème, qui aide énormément à se projeter mais qui réussit à ne jamais être lourd ;
  • L’alternance des types de récits : essais, nouvelles, correspondance… ce qui évite la monotonie ;
  • Les nombreux petits détails qui font le lien entre des histoires à priori indépendantes, et qui donnent de la cohérence à l’ensemble ;
  • Le flou perpétuel entre réalité et fiction (jusque dans la biographie de Jeff VanderMeer à la fin)
  • L’humour qui domine l’ensemble des textes, souvent noir et grinçant, mais ô combien délicieux, notamment…
  • …dans les nombreuses notes de bas de page qui émaillent certains textes, où les auteurs règlent leurs comptes avec leurs collègues (hilarant) ;
  • Et puis il y a des surprises ici et là, où comment une bibliographie en apparence fort barbante peut cacher des choses.
Du coup, il est difficile de ne pas succomber aux charmes d’Ambregris, cité pleine de mystères, de violence et de folie (douce ou furieuse) (sans oublier les fameux Chapeaux gris). D’autant plus que le livre ne donne pas que l’occasion de lire la ville, mais aussi de la voir.

La cité des saints et des fous est en effet un authentique livre illustré (ce qui explique son poids, probablement son plus gros défaut !). N'attendez pas de grandes illustrations en couleur, mais les gravures et simili-photographies sont sympathiques, et tous les jeux sur la typographie et la mise en page pour différencier les récits, aident à se mettre dans l’ambiance et à mieux "percevoir" Ambregris.


(cliquez pour agrandir)
Tout cela contribue à faire de La cité des saints et des fous un vrai bonheur à découvrir, une lecture originale et délicieuse, aussi aboutie dans son fond que dans sa forme, qui associe merveilleusement humour, horreur et guide touristique !

C’est un bonheur qui certes demande le bon état d’esprit pour l’aborder, et qui nécessitera de prendre son temps pour savourer les textes (quoique je me suis surprise à y revenir plus que de raison), mais en tout cas c’est une lecture très originale que je vous invite à tenter.

CITRIQ


Et c’est aussi un authentique fix-up –certaines nouvelles ont déjà été publiées ailleurs- et avec sa pagination multiple il dépasse pas les 350 pages bien que ce soit un beau pavé, ce qui fait deux challenges pour le prix d’un !

dimanche 23 août 2015

Prière à l’ange obscur – Sherri S. Tepper


Si échanger sur nos lectures par le biais de blogs et de forums est très enrichissant, le fait est que ça tue parfois toute spontanéité. Il m’arrive de plus en plus rarement de lire des livres sans que j’en aie entendu parler par untel ou unetelle, ou parce que je connais déjà l’auteur.

Du coup de temps en temps j’aime repartir à l’aventure, et c’est comme ça que je me suis retrouvée avec Prière à l’ange obscur sur les bras. Tout ça parce qu’un total hasard qui m’a poussé à tomber trois fois dessus sur ce bouquin dans le bac d’un certain bouquiniste, et à bloquer à chaque fois sur la quatrième de couverture surréaliste :

« Pour les habitants du village, elle est l'Orpheline et tous l'aiment. Tous, sauf la Sorcière. Tapie dans sa citadelle, les pieds calés sur la dernière centrale nucléaire en activité, elle rêve de prendre le pouvoir par les armes. Les armes que les hommes ont laissées dans la station orbitale avant de fuir vers Bételgeuse, laissant derrière eux une Terre en ruine où les gangs et les monstres font la loi.

Heureusement, il y a l'Orpheline, qui n'a jamais quitté le village mais possède d'étranges pouvoirs. Elle, l'Elue, sera-t-elle capable de sauver la planète ?

C'est alors que les anges décident d'intervenir. Pas très catholiques, ils ont pour nom Guerre, Famine et Pestilence. L'un d'eux, justement, est le père de l'Orpheline. Et, sous prétexte d'éliminer la Sorcière, il compte expédier sa fille dans les étoiles... »

Ce qui est absolument hilarant, c’est la quantité de révélations que ce résumé arrive à faire en si peu de mots. Heureusement le roman étant plus dense, on les oublie assez vite tant on est occupé à rentrer dans cet univers.

Celui-ci est d’ailleurs plus qu’étrange : c’est un post-apocalyptique en apparence assez classique avec des fermiers revenus à des technologies primitives, des réformistes qui veulent protéger la nature à tout prix, des villes où règnent gangs et trafic de drogue (on se croirait dans Fallout) et des citadelles où l’on continue à avoir des technologies évoluées.

Mais en même temps il y a des villages archétypes où vivent des gens qui portent des titres (l’Orpheline, la Sybille, le Salaud, le Héros, etc.) qui semblent pratiquement sortis d’un univers de fantasy (sans parler de la Sorcière et des monstres). Du coup au début du roman je me suis demandé dans quoi je mettais les pieds.

Mais j’ai joué le jeu et je me suis accrochée, et j’ai été agréablement surprise de découvrir un univers vaste et méticuleusement construit (tout a un sens au final). De plus on suit principalement les pas de deux jeunes héros (l’Orpheline d’un côté, un jeune fermier qui décide de partir à la ville de l’autre), il est donc très facile de se laisser porter par l’intrigue.

Tout n’est pas parfait, l’auteur ne nous épargne hélas pas quelques mièvreries (il ne manque que les violons parfois) et j’ai trouvé la fin à moitié satisfaisante (elle n’est pas très claire mais c’est sans doute voulu vu qu’on commence à toucher à des questions religieuses).

Cependant ça faisait un moment que je n’avais pas lu avec plaisir un roman aussi épais qui ne donnait pas l’impression de tirer à la ligne. Ajoutez à cela le petit bonheur de découvrir un livre dont je n’avais jamais entendu parler, et vous obtenez une impression de lecture globalement positive. Pas un chef d’œuvre certes, mais une bonne lecture estivale.

CITRIQ

637 p.

jeudi 20 août 2015

Le voyage d’Haviland Tuf – George R.R. Martin


A l’origine j’ai acheté ce roman pour M. Vert, grand fan de G.R.R. Martin, mais voyant qu’il s’agissait d’un space-opera, je n’ai pas pu m’empêcher de le lire avant lui (Summer Star Wars oblige). Grand bien m’en a pris puisque ce Voyage de Haviland Tuf s’est révélé une lecture de vacances très plaisante.

Haviland Tuf, honnête marchand, amateur de chats et de champignons (ça a son importance) est recruté par une équipe d’aventuriers qui s’apprête à aller mettre la main sur un vaisseau à germes, un antique engin de guerre capable de répandre des maladies mortelles et de créer des monstres à la demande.

A peine arrivés à proximité du vaisseau tant convoitée, les différents membres de l’équipe commencent à se tirer dans les pattes, chacun souhaitant obtenir la gloire, les lauriers, la richesse, etc. Et Haviland Tuf ? Bien qu’il se qualifie sans cesse d’humble marchand ignorant, il pourrait bien avoir plus d’un tour dans son sac.

Il aurait été plus approprié de traduire le titre Tuf voyaging par Les voyages de Haviland Tuf, car ce n’est pas une aventure que nous propose ce livre, mais plusieurs. Normal, il s’agit en fait d’un fix-up de nouvelles publiées par l’auteur entre 1976 et 1985.

On suit donc les pas de Tuf qui voyage d’une planète à une autre, parfois à la demande d’un client, parfois lorsqu’il décide de proposer ses services spontanément. Et en dépit de toutes les menaces et tentatives d’escroquerie, il est généralement toujours gagnant d’une façon ou d’une autre.

N’allez pas croire que je vous révèle là un énorme spoiler, la structure est claire pratiquement dès la première histoire, et l’auteur joue sans aucun doute sur cet effet de répétition. L’important n’est pas tant de savoir si Tuf va s’en sortir, mais qu’est-ce qu’il va pouvoir inventer cette fois-ci, quels chats auront la vedette et quels champignons seront servis au menu !

Bien qu’il ne soit pas si vieux que ça, Le voyage de Haviland Tuf a un petit côté SF old-school. Cela tient à son format (nouvelles assemblées avec une structure semblable), à son univers de space-opera plutôt débridé, et à son ton légèrement humoristique qui m’a fait penser à Jack Vance (référence que l’auteur assume complètement, j’ai cru comprendre).

Ceci dit sous son aspect extérieur plutôt léger, Haviland Tuf réserve quelques surprises. Déjà les aventures du héros n’ont rien de franchement classique, puisqu’on n’y manie pas souvent les armes. Par contre on parle écologie, notamment les conséquences de l’introduction d’une espèce nouvelle, et on observe les effets parfois désastreux de l’être humain sur son environnement (et hélas c’est cruellement réaliste).

L’autre atout du livre, ce sont les personnages. Si les personnages secondaires sont pour la plupart des caricatures souvent bêtes et méchantes, le héros est plutôt surprenant et j’avoue être tombée sous le charme de Tolly Mune, maître de port de S’uthlam qui apparait dans plusieurs nouvelles et qui n’aurait aucun mal à s’intégrer dans le joyeux univers du Trône de Fer.

(d’ailleurs en parlant du TdF, G.R.R. Martin verrait bien l’acteur qui joue Varys dans le rôle de Tuf, et il faut reconnaître que ça lui irait comme un gant – ça vous donne une idée du personnage en passant)

Le voyage de Haviland Tuf est donc un chouette roman à découvrir, charmant par son côté old-school, et qui réussit aussi à dépasser le simple pastiche avec ses thématiques originales et une bonne dose d’absurdité. En plus, il y a des chats dedans, que demander de plus ?

CITRIQ


lundi 17 août 2015

Pillars of Eternity


Pillars of Eternity est un rpg sorti il y a quelques mois, qui s’inscrit dans la droite lignée des Baldur’s Gate et confrères à tout point de vue (graphismes, système de jeu et aventure presque en mode texte), je ne pouvais donc pas le rater. Je pensais y jouer comme d’habitude avec trois ans de retard, mais grâce au concours organisé par Fánaríë, j’ai pu profiter du jeu plus tôt que prévu. Et quelques cinquante heures de jeu plus tard, je suis bien obligée de vous faire un compte rendu fleuve !


Après une petite introduction sous forme de texte défilant narré par une voix-off (souvenir, souvenir), on démarre dans Pillars of Eternity avec la création de son personnage : sexe, race, classe, caractéristiques et tout le tintouin. Tout cela dégage une sacrée impression de familiarité, à quelques détails près, et on trouve assez vite ses marques.

Certaines classes ne peuvent qu’attirer l’œil, comme le chanteur (le barde local qui a un système original de magie régie par des chants) ou le clairvoyant (une sorte de mage spécialisé dans les âmes), mais comme c’était une première partie, j’ai opté pour une rôdeuse elfe, une valeur sûre pour survivre en milieu hostile !


L’histoire démarre alors que la caravane avec laquelle on voyage s’arrête pour la nuit. Comme ce n’était pas le jour de notre héros/héroïne, il enchaîne l’attaque par des indigènes locaux, la tempête de vent divin et la traversée d’une ruine ancienne pour terminer son périple comme témoin d’une étrange cérémonie dont il est seul survivant, et dont il ne ressort pas indemne.

Soudain affecté par des visions étranges et par la capacité à lire les âmes (des vivants, des morts, et parfois même les traces qu’elles ont laissé dans les objets), le héros va donc devoir comprendre ce qu’il lui est arrivé et chercher une solution à son problème.

Comme nous sommes dans un rpg, il aura l’occasion de recruter en chemin des compagnons (il y en a huit et tous sont très travaillés), de collectionner des quêtes à foison et de visiter toute la carte du monde en long, en large et en travers. Je ne vous fais pas un dessin, vous connaissez la chanson !


Comme lors de la création du personnage, on a aucun mal à trouver ses marques dans ce jeu qui ressemble furieusement à Baldur’s Gate, mais en mieux : graphismes plus beaux, plus de possibilité au niveau de la création des personnages, plus d’alternatives dans la résolution des quêtes… même le journal est bien plus agréable à parcourir (et un allié plus que précieux quand on ne sait pas trop où on en est !).

Par contre à l’image de ces anciens jeux qui se reposaient énormément sur le texte, Pillars of Eternity est un jeu terrible bavard (autant qu’un Planescape Torment qui est un peu le summum dans le domaine), et au sortir d’un Mass Effect 3 j’ai été plus que noyée sous l’information tant il faut tout lire au début pour comprendre dans quoi on a mis les pieds.

D’ailleurs j’ai fini par abandonner l’idée de tout lire (surtout toutes ces histoires d’âme qui au final sont là pour mettre dans l’ambiance mais n’ont aucun impact sur l’intrigue). L’univers est tellement riche que j’ai préféré retenir les éléments essentiels, et dans une prochaine partie j’aurais plus de clés en main pour comprendre toutes ses subtilités !


Les dialogues sont très proches dans l’esprit de ceux d’un Planescape Torment d’ailleurs. Les caractéristiques, les origines et les talents du héros permettent d’obtenir des options supplémentaires, et le choix de certaines réponses affecte également sa réputation.

J’ai regretté au bout de quelques heures mon choix de personnage principal, qui a trop peu développé son intellect pour pouvoir obtenir des dialogues sympathiques. Cependant à force de quêtes, on commence à se forger une réputation (de personne honnête ou violente ou diplomate), ce qui influe aussi sur certains dialogues (et sur les relations qu’on a avec certaines factions) et c’est fort sympathique.

D’ailleurs cette richesse donne envie de refaire le jeu à plusieurs reprises pour tester les différents dialogues, ainsi que les possibles résolutions des quêtes (très variées). Tout cela influe sur la suite du jeu, à petite ou grande échelle, jusque dans la conclusion.


Côté combats le jeu est assez dur dans les premiers temps, déjà parce qu’on n’a pas tout de suite une équipe complète (à moins de la créer de toutes pièces), et aussi parce qu’il demande vraiment à exploiter au maximum toutes les capacités des personnages et à ne pas négliger les sorts de buff, les potions et même un bon ragoût avant de partir à l’assaut.

Etudier les résistances des créatures ne peut pas faire de mal, d’ailleurs on ne gagne pas d’expérience en tuant des monstres mais en apprenant des choses sur elles (ce qui met à jour le bestiaire), et quand on sait tout d’elles, plus d’XP ! (mais rassurez-vous on a largement l’occasion d’atteindre le maximum avant la fin du jeu).

Les combats sont donc très tactique (et encore, je jouais en mode normal) mais on s’y fait. J’ai juste regretté l’absence totale d’IA pour les compagnons qui ne sont pas fichus de trouver seuls sur quel monstre taper (mais ça va être corrigé par la suite).

Au final il n’y a guère que deux combats où je suis repassée en mode facile car même au niveau maximum je n’y arrivais pas (et y’en a un que je n’aurais sûrement pas réussi –en aussi peu d’essais) sans un bug monstrueux du jeu, mais on ne dira rien).


Et l’histoire principale dans tout ça ? On la perd assez facilement de vue à force de faire des quêtes secondaires (ce qui est nécessaire pour ne pas se casser les dents très vite) ou de s’occuper de sa forteresse (avec son donjon de la mort dans les sous-sols), sauf dans le dernier tiers du jeu où elle prend une place plus importante.

Cependant elle est assez captivante car elle dévoile petit à petit ses mystères, et offre quelques jolis moments où tout ne se joue pas forcément sur le combat mais par les dialogues. Et elle pose des sacrés dilemmes moraux avec ça, mais je vous laisse vous confronter à ces questions-là par vous-même.



A vrai dire la seule chose qui peut être perturbante dans ce jeu, c’est qu’il joue sur un rythme lent : histoire principale qui prend son temps pour se découvrir pendant qu’on explore le vaste monde, dialogues qu’il faut prendre le temps de lire… et quelques sacrés temps de chargement parfois entre les zones !

C’est la particularité du jeu, et bien qu’ayant fait un nombre incalculable de parties de Baldur’s Gate, j’ai dû vraiment me remettre dans le bain au début (et je pense qu’une personne qui n’a jamais connu ces systèmes de jeu pourrait trouver tout ça fort ennuyeux). Mais une fois qu’on est dedans, on ne lâche plus l’affaire jusqu’à la résolution.

Pillars of Eternity est donc une sacrée réussite, qui prouve que c’est parfois dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. Une extension est prévue prochainement, une excellente occasion de recommencer l’aventure avec un nouveau personnage !

(en fait j’ai déjà recommencé une partie avec une orlane chanteuse mais chut !)

jeudi 13 août 2015

Planète hurlante – Christian Duguay


Planète Hurlante, film sorti en 1995, se déroule dans un futur proche sur la planète Sirius 6B. La guerre fait rage entre l’Alliance et le Nouveau Bloc Economique (le NBE) à cause du Bérynium, source d’énergie parfaite qui a un peu trop tendance à laisser échapper des radiations mortelles lors de son extraction. Après un round de guerre thermonucléaire, l’Alliance a réussi à prendre le dessus grâce aux Hurleurs, des robots tueurs dissimulés dans le sol.

Dans un des bunkers de l’Alliance, un soldat adverse débarque un beau jour pour demander l’ouverture de négociations de paix. Sauf que cela contredit les informations données par un des chefs de l’Alliance. Et lorsqu’un vaisseau se crash devant la base et que le dernier survivant rapporte des faits encore plus contradictoires, le commandant de la base décide de braver les hurleurs pour enquêter sur cette mystérieuse offre de paix.

Si on se demande un peu la tournure que va prendre le film au début, à cause de l’arrière-plan politico-économique plutôt développé, très vite on se rend compte que ce n’était qu’un décor pour un film d’horreur où les robots tueurs remplacent les monstres et autres tueurs en série. Avec quelques bases en SF, on devine très facilement la clé de l’histoire, et la question n’est pas tant de deviner ce qui va se passer, mais quand cela va arriver !

Planète hurlante est un film un peu étrange, qui entre deux moments d’originalité (notamment des personnages féminins plutôt affirmés quand ils sont présents) ne peut s’empêcher d’empiler les clichés des films d’action et d’horreur (notamment la scène où la femme se déshabille et le baiser sur le champ de bataille). Du coup c’est loin d’être un grand moment de cinéma, mais il est plutôt amusant à regarder, d’autant plus que les effets spéciaux ont pris un sacré coup de vieux.

Le film adapte la nouvelle de Philip K. Dick Nouveau Modèle (Second Variety en VO) et rien qu’avec le titre on sait à quoi s’attendre comme histoire ! J’ai relu la nouvelle après le film (on la trouve notamment dans le recueil Minority Report et autres récits), j’ai été très surprise de la grande fidélité de l’histoire. A l’exception d’un changement de localisation (en même temps le contexte de Guerre Froide n’avait plus vraiment de sens en 1995), on retrouve bien les idées et l’esprit de la nouvelle à peu de choses près.


lundi 10 août 2015

Remake - Connie Willis


Après avoir terminé le diptyque Black-Out et All Clear, j’avais envie de lire d’autres textes de Connie Willis, mais de préférence sans voyage dans le temps. J’ai trouvé mon bonheur sous la forme d’un court roman (moins de deux cents pages !), qui s’intéresse à Hollywood et au cinéma.

Remake se déroule dans un futur où on ne fait plus aucun vrai film aux Etats-Unis. Grâce à l’informatique, on se contente de faire des remakes en changeant les visages des acteurs, et on censure toutes les allusions à des addictions (alcool, drogue) au passage.

C’est d’ailleurs le travail de Tom, héros du roman et passionné de cinéma : faire disparaître les bouteilles et remplacer l’héroïne du film par la nouvelle petite copine de son patron. Un jour, il rencontre Alis, une jeune femme qui rêve de danser dans un film. Il essaye bien de lui faire comprendre que c’est chose impossible, et Tom est donc très surpris quand au détour d’un film des années 40, il découvre Alis en train de danser parmi les acteurs.

Comme tous les romans de Connie Willis, Remake démarre sous force d’un joyeux fouillis de dialogues difficiles à suivre. Point de décalage temporel en cause cette fois-ci, mais un héros qui abuse de substances diverses et variées (voire franchement expérimentales), si bien qu’il n’est pas toujours très facile de le suivre dans ses pérégrinations (physiques et mentales).

Il ne faut donc pas trop se poser de questions (c’est à l’image de tous ces autres romans, à vous de voir si vous aimez ou non), et apprécier ce futur presque dystopique où l’on se contente de recycler les idées et les acteurs d’anciens films (ce qui n’est pas si loin de la réalité parfois).

L’intrigue de Remake est délirante à souhait (voyage dans le temps ou hallucination du héros drogué, telle est la question ?), et on se demande où l’auteur va nous emmener, mais comme le roman est court, on n’a pas le temps de se noyer dans les délires du personnage et la résolution est plutôt surprenante et bien amenée (mais je n’en dirais pas plus).

Ce roman permet également d’évoquer tout un pan de l’histoire du cinéma (les comédies musicales, les films cultes des années 40-50). Je me souviens de Passage où Connie Willis montrait une impressionnante maîtrise des films catastrophes, mais soit c’est une encyclopédie vivante, soit elle se documente à fond pour ses ouvrages, en tout cas le résultat force le respect.

C’est peut-être d’ailleurs le seul défaut que je ferais au roman. Même si l'auteure ne nous prend pas de haut avec toute sa culture cinématographique, on se perd un peu dans les références et le name-dropping quand on ne connaît pas les films évoqués.

Ce n’est pas trop gênant car (encore une fois), Remake est court et se lit facilement d’une seule traite. Cependant c’est l’élément qui fait que j’ai eu parfois l’impression d’être laissée sur le trottoir en cours en route. Un roman sympathique donc, mais certainement plus appréciable avec une bonne culture cinématographique.

188 p.

vendredi 7 août 2015

Recueil factice - Juillet 2015

Encore un petit mois côté lectures, il faut dire que je lis beaucoup moins lorsque je ne passe pas deux heures par jour dans les transports. Les jeux vidéo n’aident pas non plus, à l’heure où j’écris ces mots j’ai eu bien du mal à lâcher Pillars of Eternity pour boucler ce bilan !

LIVRES

Muséums (anthologie)

Sandman intégrale 6 – Neil Gaiman

L’âge des étoiles – Robert Heinlein

Pêcheur de la mer intérieure – Ursula K. Le Guin

Aucune étoile aussi lointaine – Serge Lehman

La voix du feu – Alan Moore


FILMS


Ant-Man – Peyton Reed
Un peu blasée des productions Marvel dernièrement, et légèrement sceptique sur le concept d’un super-héros qui rétrécit, je suis allée voir sans grandes attentes. Et j’ai été très agréablement surprise du résultat : le film est plutôt drôle et léger, et s’éloigne des débauches de baston des derniers films grâce à héros dont les capacités l’emmènent plus vers le bricolage et l’infiltration que le combat (même s’il se défend aussi dans le domaine). Cerise sur le gâteau, le côté « Chéri j’ai rétréci les gosses » est très bien utilisé, à tel point que je suis curieuse de voir Ant-Man s’intégrer à l’histoire des Avengers !

Comme un avion – Bruno Podalydès
Après le drôle mais très bizarre Adieu Berthe, Comme un avion, qui raconte l’aventure d’un cinquantenaire un peu lunaire qui décide de descendre seul en kayak une rivière, s’avère lui aussi être un film étrange (mais moins que Berthe) et burlesque. Je ne suis pas sûre d’avoir vraiment compris tous les tenants et les aboutissants du film, mais les personnages sont délicieux, les situations souvent cocasses, et certains passages reviennent en tête après le film, sans doute parce que ce sont d’excellentes tranches de vie (mais ça reste un film bizarre que je ne recommanderais pas à tout le monde !).

Les Minions - Pierre Coffin & Kyle Balda
Malgré tout le matraquage médiatique qui m’inquiétait un peu, ce spin-off de Moi, moche et méchant se révèle un film délicieusement loufoque et distrayant. Certes il n’a rien de grandiose, mais il remplit tout à fait son cahier des charges, à savoir nous amuser avec 1h30 d’aventures de petits machins choses qui parlent un charabia multilingue et déclenchent un paquet de catastrophes.

Vice-Versa – Pete Docter
Comme toujours avec Pixar, ce film qui s’amuse à expliquer le fonctionnement de l’esprit humain (un peu à la façon d’Il était une fois la vie) est une petite merveille qui se révèle aussi drôle qu’intelligente, absolument dénuée de toute niaiserie, bref c’est à voir absolument. A vrai dire, le seul défaut que j’ai pu trouver est dans la traduction française du titre, qui n’arrive pas à la cheville du Inside Out original.


SERIES



Penny Dreadful – Saison 2
Après avoir apprécié la première saison de cette série certes un peu foutraque mais charmante dans son mélange des genres et des références, j’ai poursuivi sur la saison 2 qui abandonne les vampires pour parler sorcellerie. L’occasion idéale de se pencher plus avant sur le personnage de Miss Ives, sans pour autant négliger les autres personnages, qu’il s’agisse de ce pauvre Docteur Frankenstein harcelé par sa créature ou Ethan Chandler torturé par sa malédiction. Comme toujours, le scénario n’est pas l’élément porteur (l’histoire avance tout doucement), mais il est difficile de résister à l’atmosphère très particulière et à tous ces personnages bien malmenés par la vie qui se cessent de se croiser (au point qu’on se retrouve pratiquement avec un pentagone amoureux, voire plus encore !).

Sense8 – Saison 1


JEUX VIDEO


Mass Effect 3


AU PROGRAMME EN AOÛT

Côté livres, une petite semaine loin de mon ordi devrait me permettre de lire un peu plus, et de jouer des challenges pour sortir des livres de ma PàL. J’ai déjà fait un sort à Remake de Connie Willis, et Le voyage de Haviland Tuf de G.R.R. Martin est sur le feu (et j’ai eu l’agréable surprise de découvrir qu’il s’agissait d’un fix-up, il comptera pour le CRAAA !), en compagnie de Prière à l’ange obscur (un pavé post-apo assez bizarre).

Côté films, Le petit prince est le film obligatoire du mois. Pour le reste, on verra en fonction des critiques, et des envies du moment.

Côté séries, j’alterne en ce moment entre The Strain (zombies-vampires !), Dragons : Race to the edge (dragons !) et la saison 6 des vieux Doctor Who (noir&blanc ! effets spéciaux pourris ! première apparition de UNIT !).

Côté jeux vidéo, j’ai terminé ma première partie de Pillars of Eternity (et j’ai pas pu m’empêcher d’en commencer une deuxième dans la foulée). Avis complet à venir, mais pour la version simple, même si je le trouve un peu plus fastidieux que les jeux actuels, je m’éclate ! Ensuite, je devrais logiquement m’occuper de Dreamfall Chapters.

mercredi 5 août 2015

La voix du feu - Alan Moore


Je ne sais pas vraiment ce qu’il m’a pris il y a quelques années lorsque j’ai acheté ce roman d’Alan Moore. Était-ce la couverture ? L’idée de lire un roman d’un géant du comic ? Ou était l’intro de Neil Gaiman (depuis on ne m’y reprend plus !) ? Toujours est-il que je ne suis pas allée bien loin dans ma lecture, et que La voix du feu est allée prendre la poussière sur une étagère, mais comme je n’ai pas pour autant voulu m’avouer vaincue.

J’y suis donc revenue bien des années plus tard (en compagnie des rares survivants du Cercle d’Atuan qui ont bien voulu se lancer dans l’aventure !), et si malheureusement il s’est avéré que ce livre n’était pas fait pour moi, je suis contente de l’avoir tout de même vaincu !

La voix du feu est un roman divisé en chapitres indépendants (presque des nouvelles !) qui retrace à travers le temps, du néolithique à notre époque, l’histoire de la ville de Northampton par le biais de récits de différents personnages, illustres inconnus ou personnalités de leur époque.

L’idée en soit est très sympathique, mais il est (très) difficile de ne pas se casser les dents sur le premier texte, Le cochon de Hob, où un attardé mental nous raconte sa vie, avec tout ce que cela implique de déficiences en matière d’expression :
« En arrière de colline, loin vers soleil-descend, est ciel devenir pareil à feu, et est moi, souffle tout dur, venir en haut sur chemin à lui, où herbe froide sur pieds de moi et mouiller eux. »
Et on en prend pour cinquante pages écrites comme cela. J’admire le travail d’écriture de l’auteur (sans parler du traducteur qui a dû aussi s’arracher les cheveux), mais même avec la meilleure volonté du monde, et en sachant à quoi s’attendre, difficile de ne pas lâcher l’affaire.

Les textes qui suivent, qui progressent peu à peu dans l’histoire (arrivée des romains, croisades, Conspiration des poudres des Guy Fawkes) sont presque tous rédigés de façon « normale », quoique toujours surprenante. Quelques récits sont racontés par des personnages sur le point de mourir (voire déjà morts !), et les allers-retours passé-présent demandent beaucoup d’attention.

En fait de manière générale, et ça ne me surprend pas de la part de cet auteur, rien n’est jamais donné facilement. C’est au lecteur de relier les éléments, d’assembler les pièces du puzzle pour découvrir la vue d’ensemble. Et ce n’est pas chose facile quand on butte sur l’écriture, et quand il nous manque une bonne partie des références historiques (Wikipedia a éclairci quelques-unes de mes interrogations après coup).

Du coup si objectivement je trouve le concept très intéressant, et l’écriture plus que virtuose (chapeau à Patrick Marcel pour la traduction !), mais je suis forcée d’avouer que je suis passée complètement à côté de cet ouvrage, trop compliqué, top obscur, et trop difficile d’accès, au moins pour moi.

Mais sept ans plus tard, je peux enfin le sortir de ma Pile à lire, et c’est déjà une belle victoire !

Avis des autres participants :
Mortuum, Xapur

329 p.

lundi 3 août 2015

Sense8 – Saison 1


Après le tonitruant (mais au demeurant sympathique) Jupiter Ascending, Lana et Andy Wachowski (accompagnés de Joseph Michael Straczynski) ont délaissé le grand écran au profit du petit, pour nous proposer une série télé très prenante.

Sense8 met en scène huit personnes à travers le monde : un policier à Chicago, une hackeuse à San Francisco, un acteur de telenovela mexicain, une DJ à Londres, un cambrioleur allemand, un conducteur de bus africain, une pharmacienne indienne et la fille d’un homme d’affaires en Corée.

Suite à une scène d’introduction assez mystérieuse, ces personnes se retrouvent soudainement capables de partager leurs émotions, de communiquer entre elles et même parfois d’intervenir à distance. Au début leurs échanges relèvent du hasard, mais au fur et à mesure ils apprennent à maîtriser leur don particulier et peuvent ainsi s’aider mutuellement.


(il est notamment très pratique d’avoir l'esprit de Van Damme coréen une Coréenne adepte de la boxe ou un as du volant pour vous sortir des situations tendues)

Evidemment, chaque personnage a ses propres problèmes : l’Indienne s’apprête à se marier à l’homme parfait (si si je vous jure) mais ne l’aime pas, l’Allemand se lance dans un cambriolage délicat, l’acteur mexicain doit cacher son homosexualité pour préserver sa réputation. Et tous sont complètement torturés intérieurement (mention spécial à la DJ à Londres !).

Du coup cette première saison s’intéresse plutôt à leurs déboires personnels, et bien que ce petit groupe (un cluster si ma mémoire est bonne) soit recherché par une faction de méchants qui cherchent à les contrôler/ se débarrasser d’eux (ce n’est pas très clair), cette menace n’apparait finalement qu’au second (voir troisième) plan.

Cependant l’histoire est tellement riche, et on se régale tellement des aventures individuelles des personnages qu’on ne peut pas vraiment regretter que l’intrigue principale passe au second plan, d’autant plus que la fin de la saison peut laisser penser qu’il en sera autrement dans la saison 2 (quoique…).


Sense8 est une série qui surprend par sa sobriété. Il y a bien peu d’effets spéciaux, et le budget a certainement servi à payer les lieux de tournage aux quatre coins du globe. On est bien loin de Jupiter Ascending, et beaucoup plus proche de Cloud Atlas dans la structure morcelée et dans les thèmes abordés.

L’histoire se suit avec beaucoup d’intérêt et sans réelle difficulté malgré sa complexité, et on se régale de la façon dont est mis en scène le don des héros, tout en discrétion et sans esbroufe (mais sans aucun doute avec une sacrée migraine à la clé pour le monteur !). Une série à voir et à savourer, en attendant la suite !