samedi 19 janvier 2013

Le voyageur imprudent - René Barjavel


J’ai une certaine affection pour Barjavel depuis que je l’ai découvert avec L’Enchanteur (ou comment vous résumer toute la mythologie arthurienne en un roman et beaucoup d’humour). Même si je n’ai jamais été vraiment touchée par ses textes, j’ai toujours admiré son didactisme et son côté visionnaire à son insu (y’a quand même un de ses romans où les Suisses provoquent la fin du monde avec une sombre histoire d’antimatière !).

Du coup cela faisait très longtemps que je tournais autour du Voyageur imprudent, le roman qu’il a consacré aux voyages dans le temps, et qui est souvent considéré comme un des grands classiques du genre.

Le voyageur imprudent, c’est l’histoire d’un jeune mathématicien, Pierre Saint-Menoux, qui fait la connaissance d’un savant, Noël Essaillon, qui lui propose de tester ses découvertes qui lui permettent de voyager dans le temps. Là-dessus, on a le droit à toute une démonstration des intérêts de ce mode de transport, une étude du futur de l’humanité, et quelques jeux sympathiques sur le principe.

Très enthousiaste sur le principe, j’ai tout de même eu des difficultés à avancer dans ce texte, surtout au début. L’exploration du temps est assez laborieuse, et la technique semble quand même ultra bizarre : au début il prend des pilules (!), avant de passer à un matériau qui isole du temps et qu’il porte comme un scaphandre.

Et puis les futurs que visite Pierre Saint-Menoux sont vraiment bizarres. Ils avaient sûrement un côté assez visionnaires lors de l’écriture du roman, mais aujourd’hui ils semblent juste étranges. Mais n’oublions pas que ce texte date de 1943.

(Ce qui est d’ailleurs super bizarre, parce que j’avais le cerveau qui hurlait « seconde guerre mondiale » tout du long, et à part la mention des tickets de rationnement et du couvre-feu, tout semble tellement… paisible, les allemands y sont à peine mentionnés, c'est très intéressant de voir comment la situation était représentée pendant l'Occupation finalement.)

Bon ceci dit quand on aime la SF archaïque, il y a quelques idées qui font sourire, comme l’histoire de l’évolution des langues autour de l’an 2050 :
« Et les langues nationales s’étaient interpénétrées et fondues en un langage commun. Celui-ci avait rassemblé, autour d’une syntaxe simplifiée, des mots empruntés à toutes les langues. Chacun avait fourni le vocabulaire le plus propre à son génie, le français les termes de cuisine et d’amour, l’allemand ceux de philosophie, de technique et de stratégie, l’anglais ceux du commerce et l’italien les superlatifs. Les langues slaves donnèrent tout un choix de jurons riches en consonnes. »
Des stéréotypes ? Mais où voyez-vous donc ça ?

Après le futur proche, Pierre s’en va dans un très lointain futur, où l’Homme a carrément évolué sous une forme différente, et plus que l’évolution de la société, ce sont les évolutions physiques qui m’ont fait sourire :
« En considérant leur longue poitrine qui se gonflaient des épaules à l’os iliaque, leur bouche incapable de mâcher, et l’absence d’orifice évacuateur, je me posais avec une grande curiosité le problème de leur nutrition. Je pensais en même temps qu’il leur était plus aisé qu’à nous, leurs malheureux ancêtres, de mériter le Paradis. Pas de sexe, pas d’estomac. Il leur restait bien peu d’occasions de pêcher. »
A vrai dire je râle un peu sur cette partie qui m’a profondément ennuyé (au final on a un peu le même principe que La machine à explorer le temps de H.G. Wells, sauf qu’il ne s’implique pas dans l’histoire), mais les analyses (décalées aujourd’hui) que tire Pierre de ses observations sont quand même très rigolotes à lire.

Mais le meilleur est de loin la troisième partie du livre, où sortant du même carcan du voyage d’observation, l’auteur commence à vraiment s’amuser, et c’est là où le statut de classique du roman prend tout son sens, avec un vrai jeu sur les paradoxes temporels et la réécriture de l’Histoire (avec un héros assez inconscient, il faut le dire) qui a dû marquer les esprits en son temps.

En tout cas même aujourd’hui toutes ces aventures de Pierre restent diablement prenantes. Quelques années après la première publication Barjavel rédigea une postface qui revient d’ailleurs sur le sujet des paradoxes et éclaire la fin sous un jour nouveau (susceptible de vous donner la migraine, comme tout bon paradoxe qui soit).

Certes tout ça va de pair avec une histoire d’amour à l’eau de rose, mais c’est assez systématique chez Barjavel, personnellement je n’y fais même plus attention !

Au final, je suis contente d’être enfin venue à bout de ce livre et de pouvoir le sortir de ma PàL, même si je l’ai trouvé un peu trop laborieux pour vraiment l’apprécier (ça devient intéressant au bout de deux cents pages). 

Ceci dit c’est un classique du genre, à n’en point douter, alors si vous avez envie de remonter aux origines du genre, Le voyageur imprudent est une étape incontournable avec La machine à explorer le temps d’H.G. Wells.

CITRIQ

6 commentaires:

  1. Tiens c'est marrant je l'avais littéralement dévoré quand je l'avais lu ado, pas du tout le souvenir d'avoir trouvé ça laborieux. Bon après j'étais meilleur public sans doute.

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  2. On est souvent meilleur public quand on est jeune sur ce genre de classique ^^

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  3. Les romans de Barjavel me font souvent peur, peur d'être trop datés par exemple (en tout cas pour se plus anciens écrits)... C'est sans doute une erreur de ma part...
    Deux exceptions : j'avoue être tenté par "Ravage" ou "La nuit des temps"...

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  4. Mmmh, il me tente celui-là, mais d'un autre côté, un peu peur d'être rebutée par ce début laborieux. Pourtant j'aime bien Barjavel (et l'Enchanteur est superbe !)

    (tu as fait mourir mes yeux avec ton capcha, je te remercie pas :p)

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  5. Il est présent dans ma PAL mais avec ta critique j'hésite pour sa lecture, j'ai peur de moyennement accrocher même si j'ai apprécié La Nuit des temps ou Ravage.

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  6. @Lorhkan
    J'avoue ne pas avoir trop accroché à la Nuit des temps, par contre Ravage me tente bien aussi (d'autant plus qu'il est lié au Voyageur imprudent justement)

    @Shaya
    Désolé pour tes yeux, dis toi que ça épargne les miens sur les spams ^^

    @Chiwi
    Si tu as apprécié ces deux titres là, je pense que tu bloqueras moins sur celui-là. Moi c'est pas la première fois que je bute un peu sur Barjavel.

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