Cela faisait un petit moment que je prévoyais de relire Neverwhere dans sa nouvelle traduction, sans jamais trouver le temps. Et puis j’ai mis la main sur la série, qui m’a donné envie de relire le livre, et même de rejeter un œil au comic qui en a été tiré. D'où cette chronique multiple, parce qu'il est assez difficile de parler d'un support en laissant l'autre de côté.
Le roman
Neverwhere est un roman un peu spécial pour moi. Déjà c’est mon tout premier Gaiman, mais aussi incroyable que cela puisse paraitre, c’est un livre dont je n’ai pas passé le premier chapitre la première fois. Je ne sais plus pourquoi, je l’ai rendu à la bibliothèque sans le finir. Il ne devait pas m’intéresser des masses, et c’est quelques années plus tard que je l’ai enfin lu.
Ensuite, c’est un roman que j’ai acheté en quarante exemplaires. Bon j’ai ma version de poche, la nouvelle traduction en grand format (quitte à se faire plaisir), mais j’ai aussi déniché rien de moins que quatre exemplaires à une époque où il était épuisé, pour des amies qui le cherchaient (Acr0, Spocky et deux exemplaires pour Tortoise, pour ne pas les dénoncer !).
Du coup c’est typiquement le livre sur lequel on a plus d’anecdotes à raconter que d’impressions de lecture finalement. Si ce n’est pas mon Neil Gaiman favori, c’est définitivement celui que j’ai partagé avec le plus de monde !
Bref venons-en à l’histoire : Richard Mayhew est un monsieur tout-le-monde, un écossais parti travailler dans l’immense métropole qu’est Londres. Il a une fiancée (exaspérante mais il l’aime), un job confortable, un petit appartement, bref une vie parfaitement normal.
Tout bascule un soir où il secourt une jeune fille blessée dans la rue, une très étrange jeune fille au doux nom de Porte. Cet acte généreux n’est pas sans conséquences, car il se retrouve peu après invisible aux yeux de tous, même de sa fiancée.
Il est alors obligé de partir à la recherche de Porte et s’enfoncer dans l’univers étrange qu’est le Londres-d’en-bas, une ville parallèle sous la ville, où l’on parle aux rats (sans parler de créatures bien plus fantastiques), où le danger se trouve à chaque croisement de tunnel, et où les noms des stations de métro prennent un tout autre sens.
Ce qui est vraiment frappant (et d’autant plus à chaque relecture), c’est l’univers que déploie Neil Gaiman dans son Londres-d’en-bas, dont on a l’impression de ne faire qu’explorer la surface : la maison de la famille de Porte, le marché flottant, Serpentine, les Moines noirs, le Comte qui tient sa cour dans le métro… on découvre la ville par un moyen complètement détourné, d’autant plus qu’il synthétise beaucoup de chose dans son univers : des lieux, des époques, des mythes, et même le fameux fog londonien…
On sent le fin connaisseur de la ville, et je m’amuse souvent à me demander ce que donnerait un Neverwhere parisien. De la glace à Glacière, des Gobelins aux gobelins, un marché à Maraichers et des mousquetaires à Alexandre Dumas ?
Là-dessus, il brode une intrigue assez classique, celle de Porte qui cherche à élucider le mystère de l’assassinat de sa famille, tout en échappant aux terrifiants messieurs Croup et Vandemar. Ce qui implique quelques allers-retours dans les tunnels, la rencontre de pas mal de gens bizarres mais intéressants, quelques retournements de situation et même l’accomplissement d’une quête, en quelque sorte.
C’est un peu l’intrigue qui est le point faible de ce roman en fait. Enfin si on la juge pour elle-même, il n’y a rien à lui reprocher (surtout que la base est une série télé), mais Neil Gaiman est capable de choses bien plus complexes en terme de narration, il suffit d’ouvrir Sandman ou American Gods pour le voir. Pour le coup, le côté « premier roman en solo » se ressent un peu.
Mais je ne le remarque que parce que ça doit bien être la quatrième fois que je relis ce roman (au moins), et que je deviens pointilleuse avec le temps. Ca n’empêche pas ce roman de présenter déjà tous ces petits détails très « gaimaniens » qui font toute la saveur de ses écrits.
Il y a évidemment ce Monsieur-tout-le-monde en guise de héros qui ne sait rien faire de ses dix doigts et qui finit par se trouver lui-même au cours de l’aventure est très attachant (c’est un classique vous me direz, mais avec Gaiman, on ne se contente pas de percevoir son côté normal, il suinte littéralement à travers les pages).
Il faut aussi parler des personnages de Croup et Vandemar, aussi effrayants que drôles, les deux en même temps parfois. Il a l’air d’un type gentil comme ça, mais il ne faut pas s’y fier, Neil Gaiman sait écrire des choses très effrayantes quand ça lui prend l’envie
Et n’oublions pas sa capacité à inventer des univers complètement incroyables, fantastiques, et en même temps très proches de nous : parce que dans Neverwhere, les habitants du Londres-d’en-bas qu’on ne voit pas, ce sont aussi tous les SDF qui dorment dehors. Il y a toujours cette foultitude de petits détails qui restent en tête (quand je pense à ce roman, le parapluie avec le plan de Londres cité au début, et le téléphone Batmobile de Richard me reviennent toujours), qui font tellement réel qu'on a l'impression que tout se passe sous notre nez.
Autant dire que si ça n’est pas mon roman favori de Gaiman (American Gods gagne largement dans le domaine), ça n’en reste pas moins un texte très intéressant, et sans doute un des meilleurs dans le domaine de la fantasy urbaine, grâce à cette proximité justement.
Quant à la traduction révisée, j’avoue ne pas avoir relevé de différences majeures (à part une ou deux coquilles par ci par là, et le deuxième prologue remisé en annexe). Apparemment, c’est une compilation entre l’édition anglaise et l’édition américaine (qui expliquait plus les références à Londres que les américains n’avaient pas forcément) avec quelques modifications.
Mais ça n’a rien de flagrant (pas comme quand on compare le premier tome d’Harry Potter dans sa première traduction puis dans sa version révisée donc…), je ne suis pas sûre qu’elle soit indispensable si on a déjà lu le roman.
La série
D’habitude, on prend plutôt des livres pour en faire des séries, mais dans le cas de Neverwhere, c’est plutôt le phénomène inverse : c’est la série qui a donné lieu à un livre, quoique les deux soient très intimement liés puisque le scénariste et l’auteur sont la même personne. Comme le dit si bien Neil Gaiman dans la préface du livre, le roman a récupéré toutes ses idées, ses dialogues coupés et autres détails qu’on refusait pour la série.
Du coup les deux media sont tellement proches que la série s'apparente au livre mis en image, et que le livre est vraiment la série couchée sur papier (pratiquement à la scène près). C’est assez particulier, et j’avoue que la série n’apporte pas grand-chose en regard du livre.
On profite quand même du spectacle sur écran : Richard a l’air désespérément normal et a un sacré accent (je m'accrochais aux sous-titres pour le suivre !), Jessica est exaspérante à souhait, quant à Croup et Vandemar, ils ne sont vraiment pas rassurants… Les décors aussi sont sympathiques, bien que le premier marché flottant n’ait pas lieu chez Harrod’s (ma grande déception).
Le tout a quand même un côté très cheap. Le budget ne devait pas être énorme, et ça se ressent parfois (la Bête, grand fou rire lorsqu'elle est apparu), sans parler de certains trucs qui datent immédiatement la chose (ah ces introductions d’épisode sur fond de plan de métro lumineux…). Mais plus que tout, c’est surtout que l’univers de Neverwhere a l’air bien plus bizarre que ça dans ma tête.
Par contre le bon point, c’est le générique, illustré par Dave McKean, qui est d’une beauté rare. Je suis loin d’être impartiale sur le sujet (j’adore son style graphique), mais toutes les séries devraient en avoir un comme ça !
Le comic
Neverwhere a aussi eu le droit à son adaptation en comic quelques années plus tard, avec un scénario adapté par Mike Carey mis en images par Glenn Fabry. L’histoire est grosso-modo la même, à l’exception de quelques raccourcis dus au changement de format, et d’un changement de point de vue : c’est Richard qui joue le rôle de narrateur pendant une bonne partie de l’histoire.
L’intérêt de cette version est surtout la mise en image de l’univers. Si elle est un peu « too much » à mon goût (Porte est pâle, mais juste un peu trop, et ses fringues sont trop élaborées, la cour du Comte est plus une cour qu’un métro…), elle fait un bon contrepoint à la version série télé qui me semblait trop terre à terre. L’idéal serait un juste milieu entre les deux versions, ce qui correspond à peu près à ce que je m’imaginais en lisant le livre.
A part si vous êtes du genre accro, le comic n’est pas une lecture indispensable (à moins que vous ne le préfériez au roman), d’autant plus que la version français a une traduction faite à la va-vite, qui s’éloigne complètement de celle du roman, ce qui est tout de même dommage. Du coup certains passages y perdent en compréhension (notamment tout le système des faveurs du Marquis). A réserver pour le plaisir de la mise en images, et pour les mordus de Gaiman dans mon genre.
Et du coup, il ne nous manque plus qu'une adaptation au cinéma !
Pas son meilleur, mais un sacré bon souvenir ! Je le relis régulièrement. J'ai vu la nouvelle traduction à la FNAC hier et j'ai faillit craquer ^^
RépondreSupprimerPas son meilleur, certes, mais mon préféré quand même, car celui à m'avoir le plus émue. La série m'avait paru sympa, sans plus (et très cheap, effectivement ^_^). Le comics dispensable aussi (je ne suis pas trop fan du style graphique de celui-ci).
RépondreSupprimerJe me demande si je serais critique comme toi si je relisais ce roman (je n'ose pas le faire).
Au fait, j'ai une copie dans la très jolie édition de poche de J'ai Lu avec le fond bleu signée par l'auteur himself ^_^.
@Grishka
RépondreSupprimerBah la couverture est jolie (et le bouquin aussi), la trad comme je le disais j'ai pas vu de différence majeure, mais bon c'est Gaiman, on peut se permettre deux versions d'un même bouquin ^^
@Cachou
La relecture est parfois dangereuse, menfin ça n'empêche pas d'avoir eu grand plaisir à le relire. Moins que pour American Gods ou Sandman ceci dit, mais ces deux là sont pour moi des chefs d'oeuvre...
Moi j'ai un Anansi Boys dédicacé \o/ , c'était mon seul grand format à l'époque.
(je ne risque pas d'oublier le jour où j'ai découvert que j'étais incapable de discuter avec des auteurs, français ou non, et qu'une amie a dû épelé mon nom pour moi xD)
Ce qui me fait penser qu'une carte postale traine toujours dans mon American Gods... ^^
RépondreSupprimerHan je ne savais pas qu'il y avait un comic et une série. Ça fait combien d'épisodes la série ?
RépondreSupprimer6 épisodes d'une demi-heure (en gros c'est un film de 3h quoi :P). C'est une mini-série comme sait si bien les faire la BBC ^^
RépondreSupprimerUn très, très bon souvenir, Neverwhere :)
RépondreSupprimerJe l'avais relu il y a quelques temps, et la hasard a fait qu'un mois plus tard j'étais à Londres, c'est comme si j'avais eu un autre regard sur la ville, un peu plus poétique. Ou comment être ravie quand, en se baladant dans le quartier d'Islington, on passe à côté de la station de métro Angel.
Je n'ai pas encore fini de lire American Gods, je me suis arrêtée au début pour entamer A Song of Ice and Fire, mais j'ai très envie de le reprendre dès que possible.
J'avoue, ce livre a grandement amélioré ma compréhension de la ville de Londres. Si j'y retournais maintenant, je pense que je serais moins perdue xD
RépondreSupprimerJ'ai l'impression d'avoir un point de vue sur ce livre que peu partagent.
RépondreSupprimerPeut-être est-ce simplement mon imagination, mais j'ai l'impression que dans Neverwhere, l'auteur maitrise les évocations avec brio, à un tel point que j'ai nommé "effet Neverwhere" l'effet qui consiste à faire naitre une pensée précise chez quelqu'un en utilisant une situation de ressemblance.
Par exemple, la carte du métro de Londres sur le parapluie de la diseuse de bonne aventure au début m'a tout de suite fait penser à Harry Potter, avec Dumbledore qui affirme avoir une cicatrice sur un genou en forme de carte de métro de Londres dans le 1er tome. En repensant à ce passage, et au fait que la diseuse de bonne aventure avait mal conseillé Richard en disant qu'il faut se méfier des portes (en l'occurence, de Porte), j'ai tout de suite pensé à J.K. Rowling et à ses grosses erreurs éventuelles (faire un livre juste pour le fric, donner plein de thunes à un un parti social-traitre...), avec la pensée qui s'est imposée à moi : "On t'a mal conseillé.".
La description donnée de la bête de Londres dans le roman semble complètement pompée sur le monstre Ganon des jeux-vidéo Zelda : des cornes de taureau, un nez de cochon, une créature noire et puissante... La ressemblance est tellement forte que je me suis dit que Neil Gaiman l'avait fait exprès. Et puis juste après, le passage final avec Porte attachée m'a tout de suite fait penser à la fin de Zelda Ocarina of Time.
Oups, je vois que le roman Neverwhere est sorti en 1996 alors que Zelda Ocarina of Time est sorti en 1998. J'ai dû me planter quelque part dans mon raisonnement ! Je publie quand même le commentaire pour le principe :-) .
M'enfin, ça vous l'a pas fait, vous, le fait de ressentir que ce roman donne plein d'évocations ?
Un sacré billet ^^ Je ne peux pas dire si ce n'est pas son meilleur roman, n'en ayant lu que deux de lui, mais ce dont je suis sûre c'est que j'aime cette incursion dans les écrits de Gaiman. J'aime particulièrement ses personnages très humains car comme tout le monde, voire vulnérables et du coup attachants.
RépondreSupprimerJ'ai trouvé aussi certains personnages particulièrement angoissants comme ces fameux Mr Croup et Mr Vandemar, certes ils paraissent un tantinet rigolo mais ils font surtout froid dans le dos, xd
En tout cas un roman qui se lit bien et un étrange univers parallèle qui séduit tout autant qu'il dégoûte.
Je suis bien contente qu'il t'ait plu ^^
Supprimer(je vais bientôt pouvoir éditer cet article avec la nouvelle adaptation radio, rien que pour le casting, ça donne envie d'écouter xD)