J’ai découvert Claude Ecken d’abord dans l’anthologie 2012 des Utopiales, puis par sa nouvelle En sa tour, Anabelle disponible gratuitement sur le site du Belial, et chaque rencontre a été un coup de cœur. Du coup j’étais bien contente de dénicher dans une caisse de Boulinier un exemplaire de ce recueil de nouvelles (certes tout abîmé, mais c’est bon signe autant de maltraitance !).
N’allons pas par quatre chemins, ce recueil, c’est une fois encore un gros coup de cœur. J’allais dire que ça faisait longtemps que je n’avais pas lu d’aussi bonnes nouvelles, mais en fait c’est complètement faux. Par contre ça faisait longtemps que je n’étais pas tombé sur un auteur aussi complet.
En général, quand on parle d’un auteur, on va mettre en avant son plus grand atout : un tel cisèle son écriture, un autre est un génie de l’intrigue. Claude Ecken, lui, semble savoir tout faire.
Il maitrise à merveille le format court (c’est facile à repérer, quand on termine une nouvelle souvent on pose le livre pour la journée), ses textes sont truffés d’idées intéressantes et de réflexions ô combien pertinentes, et il ne néglige ni l’aspect scientifique, ni l’aspect humain. Et en plus il varie les formes de narration, que demander de plus ? Autant dire que sur les treize nouvelles de ce recueil, il y a très peu qui ne m’ont pas touché.
Le monde, tous droits réservés, est la nouvelle qui ouvre le recueil (et lui donne son titre). C’est bien simple, c’est lourd, du très lourd. Dans un futur où l'information est copyrightée (on achète donc les droits d'exclusivité pour parler d'une catastrophe), Claude Ecken suit les pas d'un journaliste qui cherche à faire son trou dans le domaine. Ce qui m'a frappé, outre la pertinence et la justesse de la réflexion sur l'information et les médias, c'est à quel point ce texte est complet : il n'oublie ni l'intrigue (assez proche d'un thriller sur la fin), ni la réflexion, et c'est une nouvelle qu'on termine avec la tête qui bourdonne, mais aussi une incroyable sensation de satiété.
Vient ensuite Membres à part entière, où un homme qui marche sur ses deux jambes cherche à se faire une place dans un monde où le reste de l'humanité est atteint de paralysie et se déplace en fauteuil. Là encore, cette nouvelle est impressionnante, étudiant avec habilité les discriminations avec un humour noir délicieusement grinçant.
Edgar Lomb, une rétrospective nous fait découvrir dans un des pionniers de l'aventure spatiale, Edgar Lomb, connu pour avoir découvert moult mondes en se projetant à travers l'espace dans l'esprit de créatures extra-terrestres. Dans cette histoire, c'est surtout la forme qui m'a marqué, jouant la carte de la visite guidée virtuelle, une structure qui contribue à dynamiser un récit déjà fort intéressant en lui-même (et du coup la conclusion n’en est que plus impressionnante, un peu comme le clou de la visite).
Changement de format encore avec L'unique, qui nous emmène dans un monde où tous les enfants sont conçus sur catalogue, avec un génome parfait. Sauf Lucien, qui a été conçu « naturellement », et qui se retrouve en procès avec ses créateurs/parents. Alternant souvenirs et minutes du procès, L'unique est une nouvelle très intéressante, qui interroge avec talent la question de l'eugénisme, sans pour autant oublier l'aspect humain.
Avec Les déracinés, on explore un futur où l'on peut faire à peu près tout en végétal (lampes, frigos...) et où on tente même de « végétaliser » les hommes. La nouvelle est presque trop courte pour exploiter tout le potentiel de l'idée, mais j'ai beaucoup aimé comment on basculait soudainement de l'interrogation scientifique au drame humain.
Esprit d'équipe se déroule dans un monde où il est courant d'avoir plusieurs clones pour mener plusieurs vies en même temps. Je crois bien que c'est la première fois que je croise cette idée d'utiliser les clones non pas comme réserve d'organe, mais comme substitut, avec des périodes où les clones et l'original se retrouvent pour échanger leurs souvenirs. Chouette idée, qui offre une fois de plus une belle analyse de l'esprit humain.
Le texte qui m’a le moins parlé est Fantômes d'univers défunts, qui explore la question des univers parallèles, alternant avec discussions de physiques et étude des évolutions d'un groupe d'amis à travers le temps. J'ai bien apprécié certaines des idées, mais l’aspect scientifique un peu trop poussé a fait je n'ai jamais réussi à vraiment rentrer dans l'histoire.
Dans un univers de space-opera à peine évoqué, La Bête du recommencement suit les pas d’un homme qui envisage d'acheter une créature pour pouvoir effacer ses erreurs du passé. Le sujet est classique, mais là encore l'auteur fait preuve d'une sacrée finesse d'analyse, ce qui permet cette chouette conclusion.
Éclats lumineux du disque d'accrétion est un croisement improbable qui parle de trous noirs et d'un futur où les plus démunis sont parqués dans des cités où on s'arrange pour entretenir leur pauvreté, Avec Le monde, tous droits réservés, c’est ma nouvelle favorite du recueil, très intéressante dans ses idées comme dans son étrange narration qui alterne article sur les trous noirs et fragments de vie d'une de ces cités.
La dernière mort d'Alexis Wiejack raconte la vie d'un homme dans une société où la science a repoussé les limites de la mort, et où le suicide est considéré comme crime (et sujet à sanction). On nage dans l’absurde, et pourtant cette nouvelle est glaçante.
En sa tour, Annabelle est la nouvelle qui m'avait donné envie de lire ce recueil, et la relecture de ce texte s'est révélée tout aussi plaisante : En sa tour, Anabelle est un texte un peu à part, pas vraiment de la SF, très intime et terriblement touchant. Et en plus c’est gratuit, alors jetez-vous dessus.
L’avant dernière nouvelle, La fin du Big Bang est encore un mélange improbable, mettant en parallèle le Big Bang et la vie d'un enfant qui voit sans cesse le monde changer sous ses yeux, et qui détonne du coup dans la société. Et ça fonctionne à merveille, offrant une nouvelle certes avec un sacré arrière-plan scientifique pas forcément facile à comprendre, mais qui ne néglige pas du tout l'aspect humain, bien au contraire.
On termine avec Coda, Futurs scénarios, une série de scénarios brefs, à priori des parodies de grands titres de la SF (enfin pour ceux que j'ai reconnu). C'est assez absurde et je n'ai pas tout compris, mais ça offre une conclusion un peu légère à l'ensemble.
Bref vous l’aurez compris, Claude Ecken c’est très très bien, et il ne faut pas hésiter à plonger dans ses nouvelles, toutes extrêmement intéressantes. Je suis bien contente de voir Le Belial rééditer certains de ses romans en numérique, je vais pouvoir continuer à m’intéresser à son cas !
J'avais déjà très envie de le lire mais ton avis m'en donne encore plus l'envie. Dommage qu'au moment de le commander il soit tout juste en rupture de stock sur le site du Bélial :( Plus qu'à attendre sa réédition en septembre !
RépondreSupprimerLa nouvelle sur les copyrights me tente beaucoup, je suis les problèmes de droit d'auteur depuis des années (par intérêt personnel et pour mon boulot)...
RépondreSupprimerDommage que le livre ne soit plus disponible qu'en numérique et pour 10€ (plus cher qu'un poche pour ce livre paru il y a un moment) !
Je vais peut-être m'intéresser aux romans rééditiés, du coup !
J'avais lu "En sa tour Annabelle" il y a pas mal de temps, et waouh, jolie claque !
RépondreSupprimerJe m'était dit qu'il faudrait que je lise d'autres récits de Claude Ecken, mais sans trop savoir par où commencer. Ce recueil semble donc idéal pour ça. Reste à le trouver maintenant...
@Plume
RépondreSupprimerSi c'est en septembre ça va vite être là ^^
@JainaXF
Réédition en septembre selon Plume au Belial. Le poche est épuisé de chez épuisé par contre à priori...
@Lorhkan
Pour le moment sauf coup de chance chez les bouquinistes (comme moi) ou la bibliothèque, faut s'en tenir au numérique mais une réédition est prévue.
Idem que Lorhkan pour En sa tour Annabelle. Je suis ravie d'apprendre que cet auteur a fait d'autres écris (aussi difficiles à obtenir qu'ils soient) :)
RépondreSupprimer@asn83
RépondreSupprimerIls sont réédités petit à petit en numérique au moins, on devrait pouvoir y accéder plus facilement par ce biais.