jeudi 12 novembre 2009

Kaamelott Livre VI - Alexandre Astier



Tardivement, mais la voilà enfin, ma chronique finale sur le Livre VI de Kaamelott. Je voulais finir de revisionner les livres précédents, et j’aurais pas craché sur l’occasion de revoir le livre VI une deuxième fois pour peaufiner, mais d’ici là que j’acquiers le DVD…

Avis à ceux qui ne l’ont pas encore vu, je ne rechigne pas sur les spoilers, alors si vous voulez un avis moins riche en révélations, consultez la version précédente.

Ca a pas été facile à écrire dans la mesure où j’ai le cerveau qui bouillonne d’idées et de théories, et que je manque un peu de temps pour aller éplucher les sources historiques et croiser les analyses. On se contentera donc d’une chronique un peu plus basique en attendant que je revienne peut-être plus tard là-dessus (oui j’envisage de me replonger dans Chrétien de Troyes, ce qui dénote quand même à quel point je suis atteinte).

Le Livre VI est un objet étrange, encore plus que son prédécesseur. On ne sait pas trop s’il est fin, commencement ou juste transition, et en plus il se divise lui-même en deux parties complètement inégales en terme de temps (huit épisodes pour le « avant », un pour le « après »), mais pourtant égales en terme d’intensité, ce qui n’est pas banal.

Les huit premiers épisodes, c’est l’histoire des origines, la cosmogonie pourrait-t-on dire. Quand Kaamelott a commencé, les personnages étaient déjà en place depuis un moment. Mais d’où viennent-ils vraiment et comment sont-ils devenus ce qu’ils sont ? Comment Arthur est monté sur le trône ? D’où sortent Caradoc et Perceval et comment sont-ils devenus chevaliers ? Ces questions et autres variantes constituent la base de ces huit épisodes… qui eux aussi à leur façon se divisent en deux.

D’un coté, Rome, de l’autre, la Bretagne. Ce n’est pas juste une séparation géographique, tout change entre les deux, sauf les personnages. Deux ambiances, différentes, deux atmosphères différents, et quasiment deux volets d’une histoire qui est pourtant la même.



Rome est une cité aux couleurs chaudes, belle et riche (y’a qu’à voir les costumes), et pourtant, les passages à Rome sont le volet sérieux de ce livre : on y rit assez peu finalement, et on découvre au fur et à mesure Arthur qui va devenir roi, passant du statut de simple soldat à héros (avec ses qualités, et tout son bagage de tragédie qui va de pair).

Déménagement de lieu et de temps oblige, les nouveaux personnages sont légions (romaines, ah ah ah) : des soldats, des bons comme des mauvais, des sénateurs manipulateurs, des matrones romaines, des servantes revêches, des empereurs un peu séniles, quelques jolies jeunes filles, et même une ou deux têtes connues (ah Venec…).

Dans tout ce casting, on se perd parfois un peu, d’autant plus qu’après cinq livres, on est un peu vexé de devoir recommencer à apprendre nouveaux noms et visages. Certains font un peu pions de l’intrigue et éléments comiques (les sénateurs), mais on retiendra les trois plus importants : Manilius, Aconia et César.

Ce n’est pas par hasard qu’ils délivrent les clés du personnage d’Arthur. Le premier est son ami, le seul qu’on peut reconnaitre vraiment comme tel dans tout Kaamelott si je ne m’abuse. La deuxième est sa préceptrice (histoire de justifier la grande culture de Sieur Arthur), et son premier grand amour. Le troisième, il est difficile à cerner mais je pense qu’il a joué au mentor, et a forgé sa personnalité de roi (en bien comme en mal).

Ses échanges avec Arthur font parti des meilleurs passages de tout le livre. Excusez du peu, mais personnellement le « Un grand chef se bat pour la dignité des plus faibles » (enfin ça c’est la version réduite), et bah c’est quand même la grande classe, Marc Aurèle et autres Gladiator peuvent se recoucher ! Et toute la partie « balade en ville qui la précède » est assez éloquente aussi…



Quand on est pas à Rome, on est en Bretagne, et la Bretagne, malgré son aspect tout triste en gris, bleu, marron et vert, est un pays joyeux. Certes, tout le monde s’y met sur la gueule, mais définitivement sous le signe de l’humour. D’ailleurs à quelques rares exceptions, Arthur lui-même fait plus dans la comédie que dans la tragédie quand il est en Bretagne. Le bon air celte, sûrement.

Là-bas, c’est le clan des habitués. On y croise donc Léodagan, Loth, Perceval, Caradoc, Séli, Guenièvre… enfin bref les mêmes que d’habitude pour deux ou trois romains pour faire genre, avec ici les tractations et les manigances autour de la future arrivée du roi.

La seule différence c’est qu’on leur a tous donné un coup de jeune en leur collant des perruques toutes plus affreuses les unes que les autres (et sans cohérence chronologique la plupart du temps). L’histoire secrète qui se déroule entre les évènements du Livre VI et ceux du Livre I, c’est sûrement l’importation en masse de coiffeurs non-bretons par Arthur pour remédier aux goûts de chiotte de son peuple dans le domaine capillaire, j’en suis sûre !

Trêve de plaisanterie, la partie bretonne est plus classique, jouant sur l’absurde des situations, et s’amusant surtout à donner un passé aux personnages. On appréciera notamment la grand-mère de Perceval (excellente, tout simplement, je lui dois mes plus gros fous rires !), et le fait que Mevanwi était déjà une morue dans sa jeunesse.



Le Livre VI est un jeu complexe de constructions tout en miroirs et en allusions, avec pas mal de références planqués pour les fans irréductibles, à mon avis, certains détails n’ayant fait « clic » qu’en revisionnant les autres livres dans mon cas. Rien que la réunion des chefs de clans bretons n’est pas aussi drôle si on ne se rappelle pas leur tête « d’après », et pour la moitié on ne les a vu que dans deux épisodes seulement !

Alexandre Astier s’est beaucoup amusé je pense à créer des biographies improbables à tous ses personnages sur la base de détails mentionnés ci et là auparavant. Ce sont souvent des belles trouvailles un peu bêtes qui font bien rire (surtout pour Perceval et Caradoc, bien sûr), et pour Arthur, c’est mi clin d’œil, mi explication réelle.

Je pense surtout à Aconia : ça serait gros de croire qu’Arthur tient son obsession des bains d’elle (de même que toute sa culture romaine, visiblement il lit déjà pas mal avant), par contre que son histoire de serment ait joué dans la construction de son histoire avec Guenièvre, ça donne l’explication à une situation qui ne tenait pas forcément debout dans les derniers livres.

Et accessoirement elle fournit une bonne pirouette pour la conclusion du Livre VI.



L’épisode 9, Dies Irae est une conclusion en toute beauté qui boucle la boucle, tout en ouvrant sur de nouveaux horizons. Le titre déjà, est un beau clin d’œil au court métrage éponyme qui a conduit à la série. Et puis, il reprend là où le livre V nous avait laissé (c'est-à-dire sérieusement dans l’expectative), pour nous laisser à peu près dans le même état (et on est sensé attendre 2012 pour le premier film ?), mais avec de très belles scènes à méditer.

Il est superbement poignant (oui j’ai chialé pendant une bonne partie de l’épisode, à raison), et certains personnages prennent une dimension qu’on n’aurait pas cru probable en regard de leurs débuts, et qui va bien plus loin que simplement de l’humour.

Bien sûr, il y a Arthur, aussi incontournable qu’il est, et d’une complexité qui laisse songeur. Ici amer, perdu, sans volonté de vivre, et pourtant, à voir la conclusion, le héros est toujours là.

Mais je pense aussi à Guenièvre qui a évolué de nunuche niaise à un personnage bien plus émouvant, qui a drôlement grandi avec le temps. Elle m’avait déjà surprise dans le livre V, là, elle m’a sciée même. Caradoc, parce que son passage fait sourire au milieu des larmes (avec son pâté de biche), Perceval, avec son indéfectible loyauté qui finit par ressembler sérieusement à son homologue littéraire, et Lancelot, figure du héros torturé, persuadé de faire le bien mais sérieusement égaré (ou bien non, Messire Méléagant ?).

Ce Méléagant continue sérieusement à me torturer les neurones d’ailleurs, et y’a pas que moi vu ce que je lis en passant sur les forums… pour un personnage pas forcément récurrent dans toutes les versions du mythe arthurien, il en tient une couche.

Si on fait abstraction de Caradoc et Méléagant, c’est pas anodin de constater que ces personnages sont quand même les plus importants des versions médiévales. Ca semble de très bon augure pour une suite toujours plus riche et intelligente.

Je me demande d’ailleurs où celle-ci va nous mener, parce que là vis-à-vis des légendes d’origine je suis un peu perdue. Je pense juste qu’en dépit du rêve avec la demi-sœur, Anna, je ne suis pas sûre qu’on finisse avec un Mordred fils incestueux d’Arthur.

(Vous savez quand même que le Wikipedia anglais a quand même une catégorie « personnages fictionnels issus d’une relation incestueuse » où est rangé Mordred et 3 autres pécores ? La documentaliste en moi, ça la fait bien marrer ce genre de catégorisation extrémiste…)

Si ma mémoire est bonne, le personnage du Mordred des romans anciens est aussi un personnage à qui Arthur avait confié le pouvoir en son absence, et qui se l’est largement approprié (Guenièvre avec en passant je crois. C’est pas pour dire, mais difficile de ne pas faire le lien avec le Lancelot de Kaamelott



Bref, si vous n’avez pas compris au travers de ce long pavé que le livre VI, j’ai adoré, et bien je le redis ici en bref. C’est une saison intelligente, qui sait définitivement faire la part des choses entre l’humour du début, et une histoire sérieuse et documentée en toile de fond.

Il est un peu en deçà du livre V, sans doute à cause des nouveautés qui le rendent un peu moins accessible (le premier épisode est vraiment longuet), et il est un peu monté à la va-vite dans certains passages (y’a des coupures et des transitions pas nettes par moment), mais ça n’en reste pas moins une sacrée réussite.

Surtout quand on regarde les tous premiers épisodes du livre I, sketchs drôles, certes, mais sans trame de fond, avec des personnages caricaturaux et une réalisation toute raide à la Caméra Café (je vous jure, quand on enchaine les Livres, ça choque de voir tout à coup la caméra se déplacer !).

Chapeau bas à Alexandre Astier, et vivement les films !

(oui en fait j’aurais aussi pu titrer « Alexandre Astier mon amour »)

3 commentaires:

Grishka a dit…

+1, je vois pas quoi dire d'autre. J'ai ENORMEMENT hâte de voir la suite, et aussi de voir le talent de Sire Alexandre sur d'autre choses... notemment films, autres séries, musiques ou théatre... tout quoi ^^

Vert a dit…

Et qu'il nous sorte un CD aussi, ça serait bien parce qu'extraire les musiques des vidéos... c'est pas pareil !

(ah oui et après visionnage de vidéo, Mordred est bien au programme)

A Stranger In The Sky a dit…

Quel est le sédatif qui vous décrirait le mieux ? - Euh... la camomille ?

(j'espère que je ne me suis pas trop trompée dans les répliques - d'où l'absence de guillemets - que je ne connais pas tout à fait par cœur, mais celles-ci m'ont bien faite rire ^^)