vendredi 23 octobre 2015

Aux confins de l'étrange - Connie Willis


Connie Willis est une auteure qu’on connaît avant tout pour ses romans gigantesques. Pourtant elle a aussi écrit pas mal de nouvelles, et les quelques unes que j’avais croisé au gré d’anthologies m’ont donné très envie de me plonger dans un de ces recueils, c’est désormais chose faite !

Aux confins de l’étrange regroupe onze nouvelles et novellas écrites en 1986 et 1992, sur des sujets aussi variés que la fin du monde, les trous noirs, les deux guerres mondiales, le changement à l’université, la vie de famille, l’amour et la question du logement, sans parler des chiens ! (oui elle était facile celle-là, je l’admets).

Les sujets sont très variés, mais on reconnaît partout la patte dans l’auteur dans les ambiances assez loufoques, les dialogues qui partent dans tous les sens, et cette capacité incroyable à mélanger réunions tupperware et physique quantique dans un même texte. Du coup pourvu qu’on aime ce genre d’absurdités, on n’a aucun mal à se laisser emporter par la lecture de ce recueil.

Le recueil s’ouvre sur Le Dernier des Winnebago, qui met en scène un journaliste parti photographier le dernier des Winnebago (le camping-cars, pas le peuple indien !). Il croise sur sa route le cadavre d’un chacal, ce qui lui réveille en lui plein de souvenirs sur les derniers des chiens. Comme le présente si bien l’auteure, c’est une fin du monde lente et au jour le jour qui est ainsi mise en scène, étrange et terriblement crédible en même temps.

Même sa Majesté est une réponse aux personnes qui ont reproché à Connie Willis de ne pas assez aborder la question du droit des femmes. Elle s’est donc penché sur LE problème féminin dans cette nouvelle au trait parfois un peu forcé (sans doute volontairement d’ailleurs) mais délicieusement drôle.

Le Rayon de Schwarzschild n’est pas aussi léger, mettant en parallèle théories de physique et guerre des tranchés, une alliance à priori improbable mais qui fonctionne plutôt bien, même si on s’y perd un peu parfois.

J’avais déjà eu l’occasion de croiser Ado dans une anthologie, mais cela ne m’a pas empêché de relire avec plaisir cette histoire de censure où une enseignante se retrouve à sabrer presque tout le texte de Shakespeare pour n’offenser personne. Une nouvelle qui parle avec humour d’un sujet inquiétant.

Pogrom spatial est un hommage aux comédies romantiques de l’âge d’or du cinéma américain, transposé dans une station spatiale où l’espace manque. On y suit les pas d’une femme qui héberge pour son fiancé un alien fou du shopping lors de négociations très importantes. Le rythme est infernal, les répliques volent dans tous les sens, et de manière générale on passe un excellent moment.

Conte d'hiver est la contribution de Connie Willis aux nombreuses théories sur la vie de Shakespeare, du point de vue de sa femme. C’est intéressant à lire, même si je pense que cette nouvelle se savoure plus avec une bonne connaissance de l’écrivain.

Dans Hasard, une femme revient sur le campus où elle a fait ses études, et voit resurgir tout un tas de souvenirs… il m’a fait pensé un peu à un texte de Lisa Tuttle (Sans regret), mais en beaucoup plus triste (oui je sais c’est difficile à croire !).

A la fin du Crétacé se déroule aussi dans une université, où le département de paléontologie est sur le point d’être réformé. C’est un récit un peu étrange, mais l’absurdité des juxtapositions et l’ambiance de folie qui monte est plutôt chouette.

Contrairement à ce à quoi je m’attendais, Temps mort est la seule et unique nouvelle à évoquer le voyage dans le temps (enfin…) au travers d’un professeur de physique un peu foldingue qui recrute une mère de famille et un psychologue qui a passé cinq ans au Tibet pour mener ses expériences. Loufoque et improbable, mais amusant.

Rick nous amène à Londres en pleine Blitz, au sein d’une équipe de la protection civile (un petit air de déjà-vu donc). Un récit qui sonne très vrai sur cette époque, à quelques notes fantastiques près, mais je vous laisse découvrir cela par vous-même.

Enfin le recueil se termine sur Au Rialto, récit d’un congrès de physique quantique à Hollywood qui donne l’impression d’avoir basculé dans le pays des merveilles tant rien n’a de sens, de la réceptionniste qui n’a pas chambre réservé à votre nom aux conférences qui ne sont jamais dans les bonnes salles, en passant par le charmant collègue qui cherche à vous débaucher à tout prix. Autant dire qu’on s’y amuse beaucoup.

Comme vous pouvez le voir, il y a donc de quoi faire dans Aux confins de l’étrange. Je vous avoue pour ma part garder particulièrement en tête Le Dernier des Winnebago, Même sa Majesté et Pogrom spatial, mais à l’exception d’un ou deux textes que je n’ai pas vraiment compris, j’ai passé un excellent moment de lecture grâce au ton très léger et à cette SF (ou ce fantastique) plutôt discrète.

Je ne suis pas sûre que ce recueil soit encore disponible (sauf en occasion), mais trois des nouvelles ont été reprises dans Les veilleurs, un recueil de Connie Willis paru en 2013 (qui contient aussi des nouvelles d’un autre recueil qui date, Les veilleurs de feu, et quelques inédits pour la route).

CITRIQ

2 commentaires:

Tigger Lilly a dit…

J'ai du mal à imaginer Connie Willis en format court.
Pardon, je sors :p

Vert a dit…

@Tigger Lilly
Pourtant j'ai l'impression qu'elle en a écrit pas mal, mais après elles ne sont sûrement pas toutes arrivées en France...