mardi 29 mars 2016

Quatre chemins de pardon – Ursula K. Le Guin


Il y a eu deux ans, j’avais eu l’occasion de visiter dans le recueil L’anniversaire du monde les deux planètes Werel et Yeowe, candidates à l'entrée dans l'Ekumen. Je n’avais pas tout compris à l’époque, ce qui est un peu normal vu que j’avais zappé LE livre qui parle d’elles. Cette méprise est désormais réparée grâce à Quatre chemins de pardon, recueil de nouvelles qui se consacre uniquement à ces deux mondes, et qui m’offre l’occasion de visiter une fois de plus l’incroyable univers de Hain (ou de l'Ekumen selon sur quelle édition française vous tombez) sur lequel écrit Ursula K. Le Guin depuis tant d’années.

Dans ce recueil composé de quatre nouvelles, nous visitons donc un système solaire doté de deux planètes habitables : Werel, qui habite depuis longtemps des humains et Yeowe, qu’ils ont ensuite colonisé. La particularité du coin : l’esclavage, fondement de la société porté au sommet de l’absurdité économique lorsque des « mobiliers » (des esclaves donc) commencent à appartenir à des compagnies. Et cela ne plaît pas trop à l’Ekumen, qui se garde bien d’intervenir mais peut néanmoins donner quelques idées…

La présentation géologique, historique et sociologique de ces deux mondes est faite dans les appendices en fin d’ouvrage, qui sont passionnants à lire pour arriver à se situer (d’ailleurs je les ai lu après la première nouvelle, quitte à tout faire dans le désordre autant le faire jusqu’au bout !).

Après (ou avant) quoi on peut parler des nouvelles à proprement parler, qui permettent par le biais de différents points de vue de visiter ces deux mondes.
  • Trahison nous offre le regarde d’une vieille ermite qui permet de faire connaissance avec Yeowe par le biais de ses réflexions. C’est le genre d’histoire tranquille où on devrait s’ennuyer ferme, et comme toujours avec Ursula K. Le Guin ce n’est absolument pas le cas !
  • Jour de pardon nous emmène visiter une contrée de Werel par les yeux d’une envoyée de l’Ekumen un peu trop franche. Intéressant même si j’ai trouvé la fin un peu bâclée ;
  • Un homme du peuple nous donne je crois bien l’unique aperçu de la planète Hain, et de ses contrées aux coutumes archaïques (mais qui ont un petit quelque chose de fascinant qui rappelle La vallée de l’éternel retour parfois), avant de venir aux femmes de Werel et de Yeowe qui ont été oubliées lors de la révolte des esclaves ;
  • Libération d’une femme se résume par son titre, avec ce parcours d’une femme née esclave qui découvre la liberté et les livres, sans que l’histoire ne verse jamais dans le pur pathos.

Tous ces récits ont l’air indépendant, mais on découvre petit à petit les liens entre eux, et il n’y a finalement que le premier qui est vraiment séparé des autres (ce qui n’est pas plus mal vu qu’il ouvre le recueil). Si les nouvelles n’avaient pas été publiées séparément auparavant, on pourrait presque penser à une sorte de roman chorale.

Sinon ce recueil est du pur Ursula Le Guin : héros atypiques qui sont plus dans l’observation que dans l’action, soin apporté aux descriptions des sociétés, rythme lent et belles phrases sur lesquelles on laisse tranquillement porter… C’est une SF étrangement calme, mais très riche et très agréable à lire. Je ne suis pas sûre que tout le monde accroche (et ce recueil n’est peut-être pas la meilleure porte d’entrée), mais pour ma part je suis sortie ravie de cette lecture.

Le seul reproche que je ferais est sur les conclusions qui m’ont souvent semblé un peu expédiées sous forme d’un happy-end à la va-vite… sauf que l’auteure se fend d’une pirouette à ce sujet :

(Vu que c’est la conclusion d’une nouvelle je vous laisse choisir de la lire ou non, je ne pense pas qu’elle révèle quoi que ce soit mais c’est toujours un peu osé de citer la fin)

« Je l'ai conclue, comme tant d'histoires, par l'union de deux personnes. Qu'est-ce que l'amour et le désir face aux révolutions de notre époque, face aux espoirs et aux cruautés infinies de notre espèce ? Une petite chose. Mais une clé est une petite chose auprès de la porte qu'elle ouvre. Perdez la clé, et peut-être la porte ne s'ouvrira-t-elle jamais. C'est dans nos corps que nous perdons ou découvrons la liberté. C'est dans nos corps que nous acceptons ou abolissons l'esclavage. »
Voilà qui clôture (pour moi) le cycle de l’Ekumen / Hain que j’aurais définitivement lu dans le désordre le plus complet (sans que cela pose réellement problème).

Pour ceux qui voudraient se lancer dans l’aventure, j’ai reconstitué l’ordre de parution originel (qui me paraît le plus cohérent que la chronologie interne de l’univers pour des raison d'écriture) :
Les trois premiers ne sont pas indispensables (et les nouvelles incluses dans le Livre d’or ne sont pas les plus marquantes non plus, sauf le Collier de Semlé qui est depuis devenu l'excellent prologue du Monde de Rocannon), mais à partir de La main gauche de la nuit lancez-vous, c’est un sacré univers de science-fiction qui s’ouvre à vous !

CITRIQ


Item 1 : Lire une oeuvre de SF (et uniquement de SF) écrite par une femme

(je n'aurais pas rêvée meilleure représentante pour cet item, on n'utilise pas le terme grande dame de la SF pour rien quand on parle d'Ursula K. Le Guin)

5 commentaires:

shaya a dit…

Et ben, tu as pratiquement tout lu d'Ursula Le Guin maintenant, ou je me trompe ? Il faudra que j'essaye un peu plus un jour ce cycle là, peut-être quand je terminerai Terremer... :)

lutin82 a dit…

Merci pour les conseils concernant l'ordre et le dispensable pour le cycle. La main gauche semble très captivant, je crois que je vais très bientôt m'y lancer!

Vert a dit…

@Shaya
Il me reste deux livres, Malafrena et Chroniques orsiniennes. Il faut encore que je me les procure.

@lutin82
C'est une excellente idée :)

XL a dit…

comme tu dis, j'ai le souvenir de n'avoir pas vraiment accroché au style mais le temps a passé et cela mériterait que je réitère l'expérience

Vert a dit…

@XL
C'est fort probable, c'est le genre de lecture qui se bonifie avec l'âge (je pense même qu'une partie des textes de Ursula Le Guin sont à ne pas lire trop jeune xD).