lundi 13 juillet 2009

La Main gauche de la nuit – Ursula K. Le Guin


Ursula Le Guin fait parti de ces monuments de la Science-Fiction, et bizarrement je n’avais jamais lu que son cycle de fantasy, Terremer. Pendant que je suis en pleine relecture de celui-ci, merci le Cercle d’Atuan, je profite de l’occasion de jeter un œil à ses autres œuvres, parmi lesquelles se trouve un cycle assez dense (5 volumes je crois, et d’autres non traduits peut-être) qui a une nette tendance à accumuler les prix Hugo (ça fait tout drôle quand on lit la quatrième de couv, cet enchaînement de prix).

Bref here’s come le cycle de l’Ekumen (ou Hainish en langue anglaise, ne cherchez pas), et son premier volume, la Main gauche de la nuit, qui a l’air tout à fait indépendant de ses suites, sinon pour l’univers de référence. Pas de cliffhanger à la fin, soyez tranquilles.

Nous voilà donc partis pour la planète Gethen. Les envoyés de l’Ekumen (une sorte de confédération galactique de planètes pour faire simple) l’ont baptisé Nivôse, pour son climat, glacial, vous l’aurez compris. La neige, là-bas, c’est tout le temps, sauf pendant un été boueux. Le peuple qui y vit s’est donc adapté à cette atmosphère plus que rigoureuse.

Mais ce qui est intéressant, c’est que bien humanoïdes, les Getheniens ne sont pas tout à fait comme nous dans la mesure où ils sont asexués. Ils sont de genre « neutre », à l’exception de périodes de rut, où ils deviennent homme ou femme, sans que ce rôle ne soit prédéterminé.

C’est sur cette planète que se rend Genly Aï, l’Envoyé de l’Ekumen, pour convaincre la planète de se joindre à cette alliance. La tâche n’est pas facile, et va lui donner l’occasion de visiter les différents pays et peuples de la planète.

L’histoire est un peu longue à démarrer, comme toujours dans ces romans où l’on doit assimiler trois giga octets d’information dès les premiers chapitres. Il faut donc s’accrocher, malgré le fait qu’on nage dans le brouillard, car cela en vaut la peine.

Les romans où l’on découvre une civilisation qui fonctionne différemment sont courants, mais celui-là est assez marquant, dans le fait que la société qu’on y découvre dégage une vraie impression d’étrangeté. D’être Autre.

La plupart du temps, on a toujours une impression de familiarité qui se dégage d’une civilisation extra-terrestre, peu importe si ses gens ont les yeux à la place des mains, des écailles sur le visage, ou s’ils élèvent le petit déjeuner au rang de repas sacré où l’on ne consomme que du poisson cru. Là, c’est différent, on ressent vraiment cette confrontation à une culture "autre". Le héros insiste d'ailleurs souvent sur l’absence de point de repère à laquelle il est confronté, à commencer par l’absence de différenciation des sexes.

Ce fait en soit implique de nombreuses différents sociologiques fort intéressantes, mais il n’y a pas que ça. Il y a le climat glacial, qui influe également sur les modes de vie, et les différents pays, la Karhaïde, monarchie formée de différentes petites principautés, et l’Orgoreyn, qui tire plutôt sur un communisme totalitaire (il n'est pas possible d'hériter donc tout le monde démarre à égalité, chaque personne est fonctionnaire, et peut vivre pourvu qu'elle travaille un peu, la police effectue des contrôles en permanence...).

Tout cela, on le découvre via le récit de Genly Aï, entrecoupé de rapports, d’extraits de journaux d’un gethenien, et de contes. Le début est un peu compact, et certains passages traînent un peu, mais la lecture vaut tout de même le détour. On découvre le monde au travers des déplacements de l’Envoyé : un peu de sociologie en Karhaïde, un détour par la religion chez les Devins, puis les manipulations politiques et le totalitarisme en Orgoreyn, avant de conclure par un voyage grandiose et épique en pleine nature qui m’a littéralement cloué au livre.

Ce passage qui tiens de Jack London (j’ai jamais lu mais ça l'évoque furieusement), ou pour une référence plus proche, rappelle certains passages de la Horde du Contrevent, est à mon avis le meilleur du bouquin, et offre une merveilleuse confrontation des personnes dans un environnement incroyable (on dirait hostile en bons civilisés que nous sommes, mais ce n'est pas si adapté que ça).

C’est de la belle SF à la fois réfléchie, passionnante et épique, que demander de plus ?
(bon par contre les suites attendront, j’ai toujours Tyranaël à finir moi !)

7 commentaires:

Martlet a dit…

Pas lu, mais j'en avais déjà entendu parler en bien.

D'Ursula, il y a aussi "Les Dépossédés" qui est généralement encensé (je ne l'ai pas trouvé très fun, mais intéressant tout de même).

Je ne sais plus si tu lis l'anglais, mais si c'est le cas tu devrais jeter un coup d'oeil à son recueil "The Wind's Twelve Quarters", où se trouve notamment une nouvelle qui a servie de germe à "Terremer" : "The Rule of Names"

à bientôt

Fantasyae a dit…

j'ai découvert ce livre le mois dernier et j'ai adoré ! J'ai vraiment apprécié aussi bien l'histoire que le style d'écriture de l'auteur !
Et ça m'a donné envie de découvrir ses autres oeuvres :)

Vert a dit…

Faut pas hésiter à découvrir ses autres romans, ils sont tous très bons (même si parfois un peu difficiles à aborder). Les Dépossédés dans le même univers est assez exceptionnel.

Nathalie a dit…

Quand j'étais à l'école, un prof particulièrement ouvert aux différents genres littéraires nous avait tellement parlé de "La main gauche de la nuit" que j'ai gardé le titre en tête. Presque 20 ans plus tard, il va être temps que je le lise :D

Tu m'as intriguée avec l'histoire de la traduction "Hainish cycle" => Cycle de l'Ekumen. Du coup j'ai un peu cherché et d'après Wikipédia (http://en.wikipedia.org/wiki/Hainish_Cycle), le titre anglais se base sur le peuple d'Hain qui est à l'origine de ce monde, tandis que l'Ekumen est l'alliance qui arrive plus tardivement. Les traducteurs ont dû penser que Ekumen (qui a la même racine qu'oecuménique) sonnerait meilleur aux oreilles des francophones...

Bon, me reste plus qu'à lire le livre maintenant :D

Vert a dit…

@Nathalie
En fait en France les éditeurs ont souvent distingué deux cycles, celui de la Ligue de tous les mondes (qui contient Le monde de Rocannon, Planète d'exil et un 3e qui m'échappe) et l'Ekumen (La main gauche de la nuit et textes suivants) qui correspondent à deux périodes de l'univers effectivement.
Sur les éditions actuelles tout est sous le titre "Cycle de Hain", ça résout la question (par contre quel bordel dans les numérotations xD)

Endea a dit…

J'ai été conquise aussi par la traversée, ce fut mon moment préféré.
Un très beau livre en tout cas, à l'image de cette auteur extraordinaire.
Je retiens les Dépossédés comme roman à lire aussi ^^

Vert a dit…

@Endea
C'est un très beau passage. J'espère que tu aimeras autant (voir plus) Les dépossédés ^^.