Premier roman lu en 2010, il fait un peu figure de mise en bouche. Joli bouquin en tout cas avec sa belle couverture et quelques illustrations à l’intérieur. Tancrède est sous-titré une uchronie, comme pour prévenir le lecteur de ce qu’il l’attend. Il est vrai qu’entre la fausse introduction de l’auteur et les premières pages, on se croit plus face à un roman historique qu’autre chose. Le roman ne bascule qu’à mi-parcours.
Mais n’allons pas trop vite. Tancrède suit les pas d’un personnage historique éponyme, Tancrède de Hauteville, qui participa à la première croisade et finit par devenir régent d’Antioche. Sa vie fut racontée par Raoul de Caen (et non « 2Caen » pour les PIens qui passent) et reprise à bien d’autres sauces dans poème épique, opéra et pièce de théâtre, dixit Wikipedia.
Sauf qu’ici, Ugo Bellagamba ne lui réserve pas tout à fait le même destin. Après un début qui colle à l’Histoire, notre Tancrède dévie complètement de sa route initiale face aux cultures qu’il découvre en Terre Sainte, et aux horreurs de la Croisade.
Le personnage de Tancrède, qui raconte l’histoire à la première personne, est assez atypique. On a là un chevalier, certes, mais très –trop même- croyant, si bien que les premiers chapitres où il part souvent dans des délires mystiques, engoncé qu’il est dans sa quête de libération de Terre Sainte.
Pas forcément très sympathique comme lascar (c’est un peu un « jeune con » version médiévale par moments), mais ça titille suffisamment pour avoir envie de continuer la lecture. C’est un peu la force et la faiblesse du roman. Le fait d’avoir un héros avec lequel on n’accroche pas est agréablement rafraichissant, mais bon du coup il manque un petit quelque chose pour vibrer avec l’histoire…
Mis à part ça, c’est un roman assez court (quelques 200 pages) mais qui se lit bien. L’univers est plutôt bien rendu, très réaliste, et évoque assez bien l’image que j’ai du Proche-Orient médiéval avec sa mosaïque de cultures. J’y ai vu des échos de ce que j’avais trouvé dans Kingdom of Heaven ou les Chroniques des Années Noires.
D’ailleurs, comme dans les Chroniques des années noires (qui est une uchronie assez proche sur certains points), outre le caractère divertissant de la réécriture historique (je ne m’en lasse jamais personnellement), on trouve également moult réflexions et interrogations sous-jacentes. L’auteur le dit lui-même dans sa postface :
« La vraie question est de savoir comment ce long et complexe passé, (…) cette histoire donc, peut nous fournir, par le détour de l’imaginaire, une grille de lecture idoine pour appréhender notre présent dans sa complexité »
Cette postface est d’ailleurs très intéressante sur la genèse de l’ouvrage, et rudement bien écrite. Ce genre d’exercice donne des résultats souvent assez mitigés, mais ici je crois bien que c’est ma partie préférée du livre. C’est un peu ballot, mais j’en ai trouvé la lecture très agréable. Ugo Bellagamba doit être un très bon essayiste (il prépare un bouquin sur les uchronies aux Moutons électriques), il est historien ceci dit, ça doit jouer.
Comme je le disais en introduction, Tancrède ressemble à un peu à un apéritif. Un bon roman bien écrit, une uchronie intéressante, avec un héros assez anti-héros. Il se lit bien une fois qu’on rentre dedans, et qu’on s’habitude à la narration parfois très elliptique du mode « mémoires ». Bref, les amateurs de romans historiques et d’uchronies seront ravis.
Ceci dit, il lui manque un petit quelque chose pour qu'on en sorte pleinement rassasié (histoire de filer la métaphore culinaire), bien que je ne sache pas exactement quoi. Sans doute est-il de facture un poil trop classique pour qu’il sorte vraiment du rang.
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