samedi 30 mai 2020

Signal d’alerte – Neil Gaiman

Il y a quelques temps déjà, un visiteur de ce blog s’était étonné de voir traîner dans ma pile à lire des textes de Neil Gaiman, compte tenu de ma tendance à me jeter sur chacun de ses nouveaux écrits. Pour ce titre, la raison était simple : je l’avais déjà lu et chroniqué… lors de sa sortie en VO. N’étant pas toujours très à l’aise en anglais, j’aime cependant bien relire en français pour mieux apprécier certains textes. C’est désormais chose faite pour ce livre-là.

Signal d’alerte est le troisième recueil de nouvelles de Neil Gaiman, après Miroirs et fumée (qu’il faut vraiment que je chronique un jour) et Des choses fragiles. Il rassemble des textes publiés entre 2007 et 2013, plus une nouvelle inédite.

Pour Neil Gaiman, les nouvelles, sont un peu son laboratoire d’expériences, si bien que si certains textes sont du Gaiman pur jus, d’autres sont plus étranges voire franchement bizarres. Cela rend à mon avis ses recueils moins abordables et moins satisfaisants que ses romans.

Mais ce qui est agréable, c’est que bien qu’il se défende justement dans son introduction de mettre des signaux d’alerte pour prévenir le lecteur, il veille néanmoins à donner des clés pour aborder ses textes, notamment le contexte d’écriture et de publication. Les introductions des recueils de nouvelles de Neil Gaiman sont presque la meilleure partie du livre, et celle de Signal d’alerte ne fait pas exception.

Il y a d’ailleurs un passage très intéressant où il parle de son amour en tant que lecteur pour le format court, qui explique clairement pourquoi il soigne autant ses introductions :

« Mes recueils préférés ne se contentaient pas de m'offrir des nouvelles, ils me racontaient aussi des choses que j'ignorais, sur les récits contenus dans le livre et l'art de l'écriture. Je respectais les auteurs qui n'écrivaient pas d'introduction, mais je ne pouvais pas vraiment les aimer autant que ceux qui me faisaient comprendre que chacun des récits de l'anthologie avait été rédigé, réellement inventé, mot après mot, et couché par écrit par un être humain qui pensait, respirait, marchait et même, sans doute, chantait sous la douche comme moi. »

Je suis tellement d’accord avec cette déclaration. Je trouve qu’il n’y a rien de plus frustrant qu’un recueil de nouvelles sans contexte, surtout quand l’ensemble n’a pas de cohérence propre et intuitive.

Parlons un peu des nouvelles maintenant. Cela ne vous surprendra pas d’apprendre que je n’ai pas accroché à tous les textes, au nombre de vingt-quatre.

Déjà, il y a les poèmes qui ne me parlent pas beaucoup. Ensuite, il y a les hommages à des auteurs qui m’échappent toujours un peu faute de bien les connaître (même s’il dit des choses tellement merveilleuses de Ray Bradbury que je suis sortie de ce livre avec une furieuse envie d’aller lire toute sa bibliographie). Enfin il y a des choses très expérimentales.

Et puis dans ceux qui restent, il y a ceux qui me restent plus en tête. Pour ceux-là, une petite présentation s’impose :

Le Problème avec Cassandra nous montre ce qu’il se passe quand un ami imaginaire se révèle ne pas être imaginaire. Il y a un petit côté mindfuck dans ce texte, que je crois avoir mieux compris en VF qu’en VO (même si entre temps j’ai lu des chroniques qui m’ont fait me demander si je l’avais bien compris finalement !).

« La vérité est une caverne dans les Montagnes noires... » a donné lieu à une lecture-spectacle à l’Opéra de Sidney (avec accompagnement en musique et en image) et a été édité dans une superbe version illustrée. Le texte brut est peut-être un peu moins impressionnant, mais cela reste un superbe récit à l'ambiance bien écossaise avec une histoire de trésor maudit au fond d’une caverne.

Orange est un récit bourré de clichés avec des aliens, une famille séquestrée par un monstre et des muffins-repas. Il vaut le détour pour sa narration assez particulière sous forme de réponses dont on ne connaît pas les questions.

Un calendrier de contes est un ensemble de micro-nouvelles nouvelles issues d'un projet collaboratif organisé par BlackBerry (oui ça date). J'avais beaucoup aimé suivre le projet sur Internet, et même si les textes perdent un peu de leur charme sortis de ce contexte, ils restent de chouettes textes courts plein d'étrangetés.

L'Affaire de la mort et du miel est une aventure mettant en scène Sherlock Holmes, dans une version beaucoup plus terre à terre qu’Une étude en vert, l’autre incursion de Gaiman dans l’univers du plus grand des détectives. On y retrouve Holmes à la fin de sa vie, alors qu’il enquête sur un dernier mystère. C'est un texte brillant, fidèle à l'œuvre d'origine et très touchant par certains côtés.

« Et pleurer, à l'instar d'Alexandre » est un très joli texte à la fois léger et sérieux sur l'innovation technologique. C'est la troisième fois que je le lis, et je le trouve charmant à chaque fois.

Nulle heure pile nous plonge dans l'univers de Doctor Who. Je me demande si les gens qui ne connaissent rien à l’univers y comprendront quelque chose, mais pour les amateurs, c’est un régal. Il y a un petit quelque chose de Douglas Adams dans cette aventure à base d'aliens très méchants et de spéculation immobilière.

La Dormeuse et le rouet est une superbe réécriture de conte qui mêle habilement deux très célèbres récits. Le texte brut ne vaut pas la version illustrée, mais cela reste un texte brillant, gaimanien au plus haut point dans cette façon de vous retourner un conte de fées.

Le Dogue noir, le dernier texte du recueil, permet de retrouver Ombre, le héros du roman American Gods, après son aventure en Écosse (qu’on pouvait lire dans la nouvelle Le monarque de la vallée). C'est un plaisir de retrouver l'univers et le personnage même si on aimerait avoir plus que ces quelques pages à se mettre sous la dent. Il paraît qu’il reste encore une histoire à raconter avant que Ombre ne rentre en Amérique, vivement qu’on puisse la lire !

Voilà pour ma petite sélection, mais si vous lisez ce recueil, peut-être que d’autres textes attirerons votre regard. Pour la petite anecdote j’ai retenu à peu près les mêmes textes que lorsque j’ai lu le recueil en VO, ce qui montre une certaine constance de ma part, c’est rassurant… enfin je crois.

Que retenir de Signal d’alerte au final ? À l’image des autres recueils de Neil Gaiman (ou de plein d’autres auteurs en fait), c’est une lecture parfois en demi-teinte, entre les textes qui éblouissent et ceux qui nous laissent sur le carreau. Ceci dit j’aime beaucoup l’éclectisme qu’il donne à voir, et cette façon de nous faire sortir de notre zone de confort avec plus ou moins de réussite.

À titre personnel, ce n’est pas mon recueil favori, mais je suis en partie responsable de la situation : pour certains textes du recueil, c’était la troisième fois que je les lisais, ce qui créé forcément un peu de lassitude. J’étais cependant contente de retrouver la plume (plutôt rare en ce moment) de l’auteur.

Je vous laisse sur la conclusion de l’introduction qui m’a bien fait rire pour son côté totalement adapté à la situation actuelle de manière complètement improbable compte tenu de sa date de publication :

« Merci d'être venu. Profitez de ces choses qui ne sont jamais arrivées. Rajustez votre masque après avoir lu ces histoires, mais n'oubliez pas d'aider les autres ».

Infos utiles : Signal d’alerte : fictions courtes et dérangements (Trigger Warning) est un recueil de nouvelles de Neil Gaiman paru en 2015 en VO et publié en 2018 en français par la maison d’édition Au diable vauvert. Traduction de Patrick Marcel. Couverture signée Olivier Fontvieille. 478 p.

D’autres avis : Babelio, Les critiques de Bifrost, Elbakin, Quoi de neuf sur ma pile ?

Semaine 18

13 commentaires:

Baroona a dit…

Cette citation sur les recueils de nouvelles : mais tellement !
L'autre conclusion, c'est que tu es finalement bien à l'aise en anglais vu que tu arrives aux mêmes ressentis peu importe la langue. ^^

Xapur a dit…

Peut-être faut-il les lire en picorant, plutôt que de les enchaîner ?

Alys a dit…

Chouette! J'avais oublié que tu l'avais lu donc c'est un bon rappel.

Tigger Lilly a dit…

La citation sur les intros 👌

"Et pleurer, à l'instar d'Alexandre" : celle-là était dans l'antho des utos en 2012 sous un titre légèrement différent (autre trad je suppose du coup ?)(bon j'ai du fouillé je pensais que c'était dans le bifrost consacré à Gaiman mais non). Elle était sympathique même si il ne m'en reste plus grand chose (note que je me rappelle tout de même l'avoir lue ce qui n'est quand même pas rien XD)

shaya a dit…

Une famille séquestrée par un monstre et des muffins-repas ? ça sort du lot en tout cas xD Bon évidemment, ce recueil n'est pas pour moi malgré tout ^^

Vert a dit…

@Baroona
Oui comparé à quand j'ai lu Des choses fragiles j'ai clairement gagné quelques niveaux. Mais comme j'entretiens pas trop je suis pas sûre d'être aussi efficace sur ma prochaine lecture en VO.

Vert a dit…

@Xapur
Clairement c'est un recueil à picorer.

Vert a dit…

@Alys
Alors tu vas le lire ? :P

Vert a dit…

@Tigger Lilly
Je l'avais lu dans l'anthologie aussi. Ce n'est pas le même traducteur en effet (Gilles Goullet pour l'anthologie).

Vert a dit…

@Shaya
Mouahah j'ai réussi à piquer ta curiosité quand même :p

Alys a dit…

Ahahahah :D

Ksidra a dit…

Quel est ton recueil favori du coup ?
J'ai lu Coraline and other stories mais je ne crois pas avoir été très marquée par les autres nouvelles...

Vert a dit…

@Ksidra
Hum je ne saurais pas lequel te conseiller parce que vu le sommaire de Coraline and others stories, les nouvelles que tu as lues viennent de Miroirs et fumées et de Des choses fragiles xD
J'aime beaucoup Miroirs et fumées ceci dit, y'a quelques uns de mes textes favoris dedans.