Depuis quelques années, les éditions Callidor font un formidable travail de mise en lumière d’auteurs oubliés de la fantasy via leur collection L’âge d’or de la fantasy. J’avais déjà pu découvrir grâce à eux Lud-en-Brume de Hope Mirrless, et j’ai voulu continuer mon exploration avec Le serpent Ouroboros. Après une première tentative guère fructueuse, j’ai profité du confinement pour me lancer.
Le serpent Ouroboros est une œuvre écrite par E.R. Eddison et publiée en 1922. S’il n’avait jamais été traduit en France, il était cependant bien connu des auteurs anglophones, comme en témoigne en première page une longue liste de louanges signés Robert Silverberg, Ursula K. Le Guin, H. P. Lovecraft et Clark Ashton Smith, entre autres.
L’histoire démarre en compagnie de Lessingham, un Anglais qui possède dans sa maison une chambre qui lui permet de voyager vers d’autres mondes. Un soir, il se rend ainsi sur Mercure, où il découvre la Démonie, un royaume de valeureux guerriers qui s’accrochent fréquemment avec le royaume voisin de Sorcerie.
Lessingham nous ayant permis de rejoindre ce monde, il disparait au bout de quelques chapitres pour laisser place à la grande histoire qui va voir s’affronter Démons et Sorciers, avec au programme des duels, des rencontres étranges, de la magie, une quête pour retrouver un être disparu, des intrigues en cours et des batailles à foison.
Le serpent Ouroboros est une œuvre fascinante, mais pour l’apprécier, il faut passer le cap des premières pages. En effet, ce roman a été volontairement écrit dans un style du XVIIe siècle. La traduction française réalisée par Patrick Marcel (je le soupçonne de s’être fait très plaisir dessus d’ailleurs) est nettement plus moderne, mais garde un côté archaïque dans la tournure des phrases et dans le vocabulaire qui ne facilite pas forcément la lecture.
À cela, il faut ajouter que les premiers chapitres ne sont pas des plus prenants : lorsque Lessingham arrive sur Mercure, s’en suit un torrent de descriptions et d’introductions de personnages (pas toujours utiles à l’histoire) sous forme d’un dialogue entre Lessingham et le martinet qui l’a conduit sur Mercure (si si un martinet). C’est ennuyeux à mourir, et c’est une bonne chose que l’auteur abandonne le procédé au bout de quelques chapitres pour revenir à un mode de narration plus direct.
Et c’est là qu’on commence à se régaler, lorsque les Démons règlent leurs comptes avec les Sorciers sous forme d’un duel en terrain neutre, suivi d’un rituel obscur mené par le Roi des Sorciers, qui obligera les Démons à partir en quête, ce qui donnera lieu à moult péripéties, batailles et compagnie.
Il y a définitivement quelque chose des romans de chevalerie dans ce récit : les personnages sont soient dotés d’une destinée extraordinaire, soit passent leur temps à comploter tels de bons méchants. Les aventures s’enchaînent sans temps mort et il y a une exubérance dans le comportement des personnages et dans les descriptions absolument savoureuse.
J’ai passé un excellent moment en compagnie des Démons (et surtout de Brandoch Daha, quel phénomène celui-là), qui semblent venir à bout de tous les obstacles uniquement parce qu’ils savent qu’ils sont de vrais héros. En témoigne cette réplique juste après un naufrage, qui vous donnera un aperçu de leur personnalité :
« Néanmoins, tu prouveras ici, comme il en a toujours été, comment tous les occasions ne sont pour nous que des marches par lesquelles s’élever jusqu’à la gloire. »
Il y a parfois des moments d’errance dans le récit, notamment avec ces personnages qui semblent importants mais qui disparaissent au bout de dix pages, ou au contraire d’autres personnages qui restent présents mais semblent n’avoir aucun rôle dans la narration. Il y a également beaucoup trop de noms qui se ressemblent, surtout du côté des Sorciers avec le trio Coronde/Corsus/Corinius qui m’a fait m’arracher les cheveux.
Mais globalement, si l’on s’intéresse à l’histoire de la fantasy et que l’on n’est pas allergique aux récits archaïsants, Le Serpent Ouroboros est un petit délice qui vaut le détour autant pour comprendre l’impact qu’il a pu avoir sur certains auteurs que pour s’offrir un voyage dans un univers baroque peuplé de héros, des vrais !
Un petit mot sur l’édition pour finir : Comme l’indique la double couverture en tête de ma chronique, la version française est divisée en deux tomes. La séparation est tout à fait correcte à un point où on n’a aucun mal à imaginer un « à suivre », mais le roman s’apprécie je pense mieux lorsqu’il est lu d’une traite (pour ma part je ne regrette pas d’avoir finalement attendu d’avoir les deux tomes).
Cette édition est illustrée de nombreuses planches absolument superbes réalisées par Emily C. Martin. Au début de ma lecture, elles ont même été une vraie motivation pour me pousser à avancer dans l’histoire afin de découvrir l’illustration suivante. Y’a pas à dire, ils font vraiment des beaux bouquins chez Callidor !
Infos utiles : Le Serpent Ouroboros (The Worm Ouroboros) est un roman de E.R. Eddison paru en 1922. Première parution française en 2017 et 2018 aux éditions Callidor, avec une traduction de Patrick Marcel et des illustrations de Emily C. Martin. 2 volumes (282 et 318 pages).
Lecture commune avec Alys
qui m'a aidé à sortir de bouquin de ma PàL. C’était rigolo de lire
chacune de notre côté, elle en VO, moi en VF et de comparer les passages
les plus velus. Fun fact : nous avons chacune notre camp favori,
pendant que je me régalais des accomplissements des Démons, elle
s’amusait beaucoup plus chez les Sorciers.
D’autres avis : Blog-O-Livre, Les Chroniques du Chroniqueur, Lorhkan et les mauvais genres, Welcome to Nebalia
D’autres avis : Blog-O-Livre, Les Chroniques du Chroniqueur, Lorhkan et les mauvais genres, Welcome to Nebalia
Ca a l'air chouette tout ça, ça donne envie (note : s'accroche au début) et les illus sont en effet magnifiques.
RépondreSupprimer@Tigger Lilly
SupprimerC'est des beaux livres ça c'est sûr. Et encore j'ai pas parlé des cartes sous les rabats ;)
Héhé merci pour la compagnie et... les traductions des trucs que j'ai pas compris!! :D Quel livre! C'est plus que de la fantasy, pour paraphraser un célèbre journaliste...
RépondreSupprimerLes illustrations sont vraiment canons, ça ferait regretter de ne pas avoir la version français. Heureusement ma couverture est très belle aussi.
@Alys
SupprimerMerci de m'avoir aidé à en venir à bout :)
Je ne connaissais pas du tout ! ma culture fantasy est assez limitée, merci de l'enrichir ^^
RépondreSupprimer@Ksidra
SupprimerVoilà, tu pourras frimer en soirée avec ^^
Ta persévérance a payé. ^^
RépondreSupprimer"Coronde/Corsus/Corinius", l'horreur, je compatis. >.<
Question cruciale : un martinet oiseau ou un martinet fouet ? =P
@Baroona
SupprimerTss Tss, c'est un oiseau bien sûr :D
C'est un superbe livre-objet en tout cas ! Bravo pour ta persévérance !
RépondreSupprimer@Shaya
SupprimerLe confinement aura été utile à quelque chose au moins ^^
Je suis à la bourre, Alys m'avait proposé de vous rejoindre pour la LC, mais du coup j'ai fait une pause après ma relecture du tome 1, j'avais d'autres trucs sur le feu.
RépondreSupprimerMais le tome 2 est pour très bientôt, et j'adooooooore le tome 1 (malgré quelques longueurs dans l’ascension du Koshtra Pivrarcha, Eddison étant aussi adepte de l'alpinisme on sent qu'il s'est fait plaisir, mais un peu au détriment du récit...), il n'y a donc pas de raison pour que ce soit différent avec le 2. ;)
@Lorhkan
RépondreSupprimerC'est marrant que tu aies trouvé l'ascension de la montagne longuette, moi ça ne m'a pas dérangé. C'est ça d'avoir grandi à la montagne :P
Bon allez, au boulot Monsieur, on attend ton retour sur le volume 2 ^^
J'ai tilté sur 1922! ça explique sans doute le style.
RépondreSupprimerJe trouve ça chouette ces titres fantasy qui sortent de l'ombre.
Cet affrontement entre démons et sorciers, ça semble pas mal fun. Suis tentée.
@Itenarasa
SupprimerMouahahahah
(bon après on est loin des démons tels qu'on les connait, là c'est juste des types avec des cornes et un grand sens de l'héroïsme)