Il y a pas longtemps (enfin je me rends compte que mine de rien ça fait presque un an, dieu que le temps passe vite…), je vous avais chanter les louanges du Livre de Cendres, de Mary Gentle, vaste fresque uchronique, quelque part à la frontière des genres, jouant sans cesse sur la corde de la véracité historique, roman racontant l’histoire incroyable de Cendres, sorte de Jeanne d’Arc n°2 avec un langage et des manières pas piquées des hannetons, occupée à repousser l’invasion de Carthaginois, et la venue inexpliquée de l’obscurité…
Bref il était tout naturel que je finisse par me pencher sur l’autre pavé de l’auteur disponible en français (en plus d’un roman de SF, les Fils de la Sorcière, lu il y a bien longtemps), à savoir l’Enigme du Cadran Solaire, facilement 1000 pages, découpées en 2 tomes.
L’histoire est celle de Rochefort, homme de main de Sully en 1610, qui se retrouve contre son gré, sous les menaces de Marie de Médicis, à manigancer l’assassinat d’Henri IV. Il fomente cela de manière à que celui-ci échoue, notamment en employant un instituteur un peu illuminé… mais le hasard fait que la tentative de Ravaillac échoue.
Voilà donc Rochefort obligé de fuir la France pour l’Angleterre, accompagné de l’exaspérant Dariole, jeune freluquet qui prend plaisir à le battre régulièrement en duel. Sauf qu’à Londres, voilà qu’un homme mystérieux lui impose d’organiser un nouvel assassinat, qui permettrait de modifier l'histoire de façon déterminante de façon à éviter l’Apocalypse qui doit subvenir d'ici 5 siècles d’après ses calculs : la cible est Jacques Stuart, roi d’Angleterre.
D’après l’introduction, l’histoire se présente comme étant les mémoires de Rochefort, sauvées du feu, traduites et agrémentées d’autres textes retrouvés avec le manuscrit. Ainsi commence donc l’Enigme du Cadran Solaire, récit d’aventure tirant fortement son inspiration dans le genre du roman de cape et d’épée. L’auteur se revendique d’ailleurs de Dumas en guise d’introduction.
On retrouve dans ce roman les mêmes manières propres à Mary Gentle. Tout d’abord, l’ultra-réalisme de l’époque décrite est épatant : avec une odeur de merde (il faut le dire), des rues sales, des gens qui ne lavent jamais, des costumes étranges, et ce jusqu’au moindre détail. L’histoire démarre en 1610, et on a l’impression d’être dans un vrai 1610, tant on croise tous les intervenants de l’époque (à commencer par Marie de Médicis et Sully, ainsi que tant d’autres… un coup de wikipedia une fois la lecture terminée suffit à le prouver).
C’est assez marrant parce que je suis retombée sur cette phrase qui provient, je pense, du Livre de Cendres, à savoir : « L'important, c'est la personne qui raconte les histoires, et les histoires qu'on ne raconte jamais. ». Voilà qui résume bien notre ouvrage, qui une fois de plus se concentre sur un personnage, Rochefort, et sur les trous laissés par l’Histoire. Bien plus que dans Cendres, l’auteur joue ici sur la pseudo- véracité de son histoire qui n’apparaîtrait pas dans les livres.
Le récit est fait sur un ton extrêmement cru, des dialogues tout sauf châtié, et coté détails on est servi… même trop parfois (je pensais être blindée coté violence… bon par contre j’étais loin de l’être coté pornographie). C’est un pur récit d’aventure qui enchaînent péripéties sur péripéties, avec quelques pauses, et quelques ellipses. Je préfère m’abstenir de développer, tout le charme est dans la découverte de celles-ci.
Une fois de plus, c’est donc un sacré morceau de littérature, encore un truc inclassable qu’on se demande si ça relève du roman historique, ou de l’uchronie (l’auteur revendiquant clairement la SF, elle), qui est assez entraînant.
Ceci dit, sans rien ôter à ses qualités, d’un point de vue purement personnel je lui préfère quand même le livre de Cendres. Il manque à l’Enigme du Cadran Solaire le souffle épique qui me donnait envie d’avaler 2000 pages sans s’arrêter. Et une héroïne de l’envergure de Cendres.
Rochefort est un peu tout son contraire : homme de l’ombre assez lamentable même si duelliste de talent. Il ne trahit pas beaucoup d’émotions, et quand c’est le cas, ce n’est pas forcément ce qu’on apprécie de lire. J’avoue avoir eu énormément de mal à l’apprécier pendant un moment, sans doute parce qu’il est aux antipodes ce qu’on a l’habitude de lire. Bon par contre j’ai eu mal pour lui, parce que ce type n’a vraiment pas été béni par Dame Chance (à coté Fitz est un heureux veinard).
En passant en préparant cet article, je suis retombée sur une interview de Mary Gentle au Cafard Cosmique. Je vous déconseille de la lire si vous n’avez jamais lu un roman d’elle, sous peine de vous faire spoiler pas mal de chose, mais en guise de bonus, elle apporte un éclairage assez intéressant sur ses textes.
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