Depuis que je l’ai découverte avec Morwenna, je suis accro aux écrits de Jo Walton. Et cette année, nous sommes particulièrement gâtés en France car nous avons le droit à la traduction de non pas un mais deux de ses romans. J’avais déjà chroniqué Mes vrais enfants au début de l’année, il était donc plus que temps de se pencher sur Les griffes et les crocs, paru cet automne.
Publié plus de dix ans avant Mes vrais enfants en VO, Les griffes et les crocs sort un peu des thématiques croisées jusque-là dans l’œuvre de Jo Walton. Vous ne trouverez dans ce roman ni uchronie, ni enquête policière et encore moins une chronique très juste de la vie d’une femme ou d’une adolescente. Par contre vous allez manger du dragon, et pas n’importe quel dragon, du dragon victorien !
L’histoire se situe en effet dans un univers complètement différent du nôtre qui ressemble à s’y méprendre à la Grande-Bretagne de l’époque victorienne, à ceci près que les humains sont remplacés par des dragons. Il y est donc tout à fait normal de cracher du feu, de dormir sur un tas d’or et même de dévorer les membres de sa famille, à condition de respecter les convenances et les bonnes manières !
Dans ce monde qui nous semble parfois très familier mais qui a ses propres codes de fonctionnement, Les griffes et les crocs s’intéresse à la destinée d’une fratrie de dragons suite à la mort de leur père. Pendant les deux ainés bien installés dans la vie comptent bien continuer leur bonhomme de chemin, le deuxième fils voudra se battre pour récupérer la juste part de son héritage, et les deux plus jeunes sœurs devront éconduire bien des prétendants.
Je crois que c’est définitivement le roman le plus étrange que j’ai lu de cette auteure à ce jour, et son postulat de base est tellement improbable qu’il ne plaira probablement à tout le monde. Si vous aimez les romans du XIXe siècle qui parlent convenances, affaires de famille, mariages et chiffons, vous devriez sans peine trouver votre bonheur. Si ce n’est pas votre tasse de thé, vous risquez par contre de vous ennuyer ferme.
Pour ma part je me suis régalée. Je n’y connais pas grand-chose en romans victoriens mais j’ai tout de même senti que Jo Walton s’amusait beaucoup avec ce genre, notamment dans la construction du récit et jusque dans les titres des chapitres.
C’est sans doute les dragons qui font ça, mais j’ai beaucoup pensé aux romans de Pearl Buck que je lisais (pardon que je dévorais) dans ma jeunesse. C’est certainement aussi lié au fait qu’on retrouve la même rigidité dans la Chine impériale que dans la Grande-Bretagne victorienne.
En tout cas j’ai dévoré Les griffes et les crocs, complètement sous le charme dès les premières pages de cet univers original, qui peut sembler un peu barbare (sympa le cannibalisme entre les dragons) et qui est en même temps tellement guindé (imaginez Smaug veillant à ne pas tâcher ses écailles en dévorant un visiteur inopportun !).
Les péripéties sont rigolotes et atypiques pour un roman de fantasy : une soirée où il faut faire bonne figure (essayez un peu d’imaginer des dragons qui dansent !), des demandes en mariage qui se succèdent et des débats sans fin sur les dots et le statut social des futurs époux, c’est tout de même drôlement décalées !
Mais n’allez pas croire que tout est futile dans ce roman, puisque certains personnages osent s’intéresser à des thématiques qui ne sont pas futiles, en évoquant la question de la liberté de culte ou du servage (un lecteur de l’ère victorienne en aurait certainement été choqué). On reconnaît bien là la patte (ou la griffe ?) de Jo Walton.
Sortant des sentiers battus avec son univers de dragons victoriens, Les griffes et les crocs est un roman qui ne conviendra probablement pas à tous les lecteurs. Mais si vous avez envie d’un divertissement atypique, qui peut sembler futile en apparence mais qui se révèle plus réfléchi qu’on n’aurait pu le penser au premier abord, n’hésitez pas à dévorer ce roman. C’est un chouette moment de lecture qui ne fait pas de mal lorsqu’on a envie d’un texte plutôt optimiste dans le ton.
D’autres avis : Albédo, Le Culte d’Apophis, Lecture 42 (que je remercie en passant pour son concours qui m’a permis de me jeter sur ce livre plus tôt que prévu), Les lectures de Bouch’, Les lectures de Mariejuliet, Livrement
OU, la patte de l'auteur est bien là (ou sa griffe!). Moi aussi je me suis bien amusée à le lire, et je crois que Jo Walton aussi, cela se sent.
RépondreSupprimer@lutin82
SupprimerOui ça se sent à la lecture, je confirme !
Tu donnes envie et je le note pour plus tard :) (après Mes vrais enfants! ^^)
RépondreSupprimer@Alys
SupprimerJe pense qu'il te plaira, j'ai pensé à toi en le lisant ^^.
Va t'il me plaire celui là? Il semble si différent des autres livres de Jo Walton..
RépondreSupprimerMaman Vert
@Maman Vert
SupprimerA toi de voir ^^
Je suis bien accro moi aussi à ses écrits pour lire tous les romans traduits en VF ;) C'est sûr qu'il faut adhérer au postulat de base car découvrir la vie des dragons victoriens peut s'avérer particulier. Ravie de voir qu'il t'a davantage séduite que moi.
RépondreSupprimer@Acr0
SupprimerPour le coup je comprends parfaitement que ce livre ne soit pas la tasse de thé de tout le monde ^^
Il a l'air atypique mais chouette quand même en tout cas celui-ci !
RépondreSupprimer@Shaya
SupprimerCa résume bien en effet !
Ca a l'air pas mal ! Et tout comme toi j'avais par ailleurs bien aimé "Mes vrais enfants". As-tu eu l'impression que le passage par les dragons, au lieu d'hommes, apportait une véritable plus-value ? J'aime bien que le recours à la SFFF se justifie.
RépondreSupprimer@Miroirs SF
SupprimerC'est difficile à dire, elle aurait pu écrire son roman sans, mais la critique sociale aurait peut-être été moins facile et l'ambiance moins particulière.
Ca reste je pense un bonne utilisation d'un élément irrationnel pour prendre de la distance avec la réalité pour mieux en parler.
Ok ça marche, je te remercie
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