Theodore Sturgeon fait partie de ces grands noms de la SF des années 50 dont j’avais déjà goûté la plume il y a quelques années grâce aux très connus Cristal qui songe et Les plus qu’humains, et au moins connu mais néanmoins étonnant Un peu de ton sang. J’avais envie d’explorer un peu plus son œuvre, et quoi de mieux qu’un livre d’or de la SF pour cela ?
Commençons d’abord par l’instant couverture (ça va devenir une tradition) : elle est signée Wojtek Siudmak, du coup c’est presque normal qu’on ait du mal à voir le rapport entre l’image et le texte, c’est même caractéristique du bonhomme. Et on échappe aux femmes à poil, c’est plutôt pas mal même si la fourmi avec un crâne humain en guise de tête qui tire des rayons laser me laisse un peu perplexe…
Mais laissons de côté ces interrogations iconographiques pour s’intéresser à ce recueil, réalisé par Marianne Leconte, dont la préface est fort intéressante pour mettre en lumière les thèmes fétiches de Sturgeon, mais surtout pour découvrir sa vie privée haute en couleur (j’ai perdu le compte du nombre de ses mariages !).
Après quoi on peut profiter de douze nouvelles qui oscillent entre SF et fantastique, avec des tons très variés… comme toujours dans ce genre d’ouvrages, il est difficile de tout aimer, cela dépend de ses affinités : pour ma part ce sont les textes qui parlaient le plus de l’Autre, de la différence et de la solitude qui m’ont le plus plu. Des thèmes déjà abordés dans Cristal qui songe, et qui tiennent à cœur à l’auteur, à n’en point douter.
La première nouvelle, L'Île des cauchemars, évoque un peu les récits fantastiques du XIXe siècle dans sa construction (un homme raconte à un autre l’histoire d’un troisième qui semble avoir perdu la tête suite à un naufrage), avec un petit côté Lovecraft par moment (mais très léger, c’est sans doute les tentacules qui m’y font penser) mais pas mal de notes d’humour (un peu noir) ici et là. Le résultat est très chouette, c’est une excellente mise en bouche.
Les Ossements met en scène un inventeur qui met au point une machine qui peut lire dans les os les derniers souvenirs de l’homme ou de l’animal. Le concept est sympathique, et l’ambiance plutôt réussie.
On enchaîne ensuite avec Largo, une superbe histoire de musique et de vengeance magistralement orchestrée (sans mauvais jeux de mots). J’ai adoré (et le titre est très adapté après vérification auprès d’un spécialiste du classique).
Cicatrices n’appartient pas vraiment à la SFFF avec son histoire de deux gardiens de troupeaux qui se racontent leurs histoires autour du feu. Elle ne m’a pas tellement marqué même si elle est bien écrite.
Tout le contraire de Un don particulier, une bonne vieille SF avec des aliens où un équipage en route pour Venus maltraite un peu trop un de ses passagers. Beaucoup de méchanceté gratuite, et une très belle morale à la fin, une excellente nouvelle donc.
M. Costello, héros est lui aussi un récit de SF à tendance space-opéra, qui parle de vivre en harmonie, et qui réussit à le faire de la façon la plus inquiétante possible.
Je n’ai pas très bien compris La Musique, mais comme c’est un récit court, ce n’est pas bien grave.
J’ai par contre adoré Parcelle brillante, nouvelle où un vieil homme solitaire recueille une femme à l'agonie chez lui et la soigne. Cette histoire monte doucement en puissance, avec son héros masculin très particulier. Je me suis rendue compte que je l’avais déjà lu dans le livre Un peu de ton sang (sous le titre Je répare tout), j'ai été surprise de n'avoir pas tout à fait la même lecture cette fois-ci (est-ce parce que je savais, ou parce que la traduction a été revue entre les deux éditions ?).
L'Autre Célia est une petite histoire fantastique qui se démarque par un narrateur remarquable par son extraordinaire curiosité (ce qui le rend nettement plus inquiétant que la créature fantastique de cette histoire, un comble !).
Le héros de Un crime pour Llewellyn est excellent également, une sorte de monsieur-tout-le-monde dont le train-train quotidien est bouleversé par un aveu de sa femme. C’est complètement inattendu, à la fois triste et drôle dans cette manière de parler de solitude et de différence. Bref j’ai adoré.
La Fille qui savait parle d’une rencontre entre un homme qui va bientôt mourir, et une femme très étrange. J’ai eu un peu de mal avec ce texte pas très clair, je l’ai presque compris uniquement grâce à l’introduction de l’anthologiste.
Le recueil se termine en beauté avec Sculpture lente (prix Hugo ET Nebula en son temps), une très belle rencontre entre une femme malade et un scientifique qui parle de science, de médecine, de solitude, de différence et de millions d’autres choses. Un très beau texte pour conclure.
Voilà pour ce recueil d’excellente qualité (introduction intéressante, chouette sélection de nouvelles et une bonne bibliographie pour conclure) qui remplit parfaitement son office : donner envie de lire d’autres nouvelles de cet auteur… et il en a écrit : l’intégrale qui existe en anglais ne compte « que » treize volumes !
Ah, les couvertures de l'époque :)
RépondreSupprimerToujours aussi intéressants semble-t-il ces livres d'or :)
RépondreSupprimer@Xapur
RépondreSupprimerCa fait aussi leur charme ^^
@Tigger Lilly
Oui ça mérite de continuer à les collectionner (plus qu'un à lire et je peux en racheter à nouveau !)