dimanche 11 mai 2014

Les chambres inquiètes - Lisa Tuttle


Cela faisait un bon moment que j’attendais ce nouveau recueil de nouvelles de Lisa Tuttle édité chez Dystopia, autant dire qu’une fois en ma possession, il n’a même pas eu le temps de prendre la poussière dans ma PàL. Il faut dire que ma dernière rencontre avec Lisa Tuttle avait été mitigée, du coup j’avais besoin de la retrouver sur autre chose qu’un premier roman mal traduit où l'on vouvoie jusqu'aux animaux !

Les chambres inquiètes est un recueil composé de nouvelles parues dans différents recueils et anthologies chez Denoël, et sélectionnées ici par Nathalie Serval, sa traductrice. Rien d’inédit donc (surtout pour moi qui avait déjà lu Le nid), mais une excellente opportunité de remettre sur le devant de la scène des textes pas forcément faciles à trouver en librairie.

Ce recueil se compose de quatorze nouvelles, majoritairement fantastiques, parfois avec une petite touche de science-fiction qui s’invite ici ou là (enfin je ne sais pas si ça relève vraiment de la SF, mais ce n'est pas franchement du fantastique non plus). J’ai retrouvé dedans ce qui m’avait beaucoup plus dans Ainsi naissent les fantômes, à savoir cet incroyable talent pour faire passer beaucoup de choses en peu de mots.

Là où d’autres vous en écriraient des pages, Lisa Tuttle n’utilisent que quelques mots, quelques phrases, et transmet à merveille ses idées. Ce n’est pas surprenant que ses nouvelles soient aussi excellentes, elle maîtrise vraiment le format court.

L’autre particularité de l’œuvre de Lisa Tuttle, c’est ses thématiques souvent très féministes, pas au sens « bouh les hommes c’est des méchants oppresseurs » mais en approchant un certain nombre de questions (sur l’amour, l’amitié, la maternité, etc.) avec un point de vue bien féminin. C’est toujours très juste dans le ton, et généralement bien angoissant.

Car en effet, comme Ainsi naissent les fantômes, Les chambres inquiètes n’est pas forcément le genre de lecture à faire avant de dormir, tant certains textes se révèlent assez angoissants à la lecture. Quoique j’ai été assez surprise finalement par le choix de nouvelles effectué par Nathalie Serval.

Si le recueil commence, comme Ainsi naissent les fantômes, par une nouvelle qui est pratiquement de l’horreur à l’état pur, les autres textes ne s’inscrivent pas forcément dans la même lignée, comme si après avoir bien choqué le lecteur, on pouvait continuer avec des choses plus « douces ».

D’ailleurs tant qu’à faire, je vais rentrer un peu dans le détail des nouvelles. J’ai laissé de côté les nouvelles parues dans Le nid (Un nid d’insectes, Vol pour Byzance, Propriété Commune, Une amie en détresse, L’autre mère et Le nid), je vous renvoie à ma chronique du recueil en question pour en savoir plus à leur sujet.

Sans regrets
Une femme poète vient enseigner dans une université et se retrouve à habiter la maison qu’elle avait partagé avec son ex-amour il y a des années, et qui semble toujours hantée par sa présence. Après la violence de la première nouvelle du recueil (Un nid d’insectes), Sans regrets est un texte étrange et pas si angoissant que ça, qui s’interroge sur un des sujets préférés de Lisa Tuttle : la difficulté à concilier vie de famille et travail ou création artistique.

En pièces détachées
Ce texte étrange nous fait suivre les pas d’une femme qui retrouve dans son lit des morceaux de corps humains à chaque fois qu’elle se sépare de son amant du moment. J’ignore si c’est volontaire, mais entre les portraits des amants successifs, les déboires amoureux de l’héroïne et l’étrange collection qu’elle se constitue au fur et à mesure, j’ai trouvé cette nouvelle très drôle. Dans une veine humour noir, bien sûr.

La tombe de Jamie
Une nouvelle qui tourne autour de l’amour maternel, avec cette femme qui ne vit que pour son fils et accepte avec difficulté qu’il ne partage pas ses secrets avec elle. La tombe de Jamie est un texte qui met mal à l’aise, mais bizarrement je le trouve bien moins angoissant que d’autres textes de l’auteur sur la thématique de la maternité.

Lézard du désir
Une femme se retrouve projetée dans un autre monde où la différenciation homme/femme n’est pas une question de sexe mais de lézard (si si ça a du sens). Cela donne un texte vraiment étrange et assez dur, que je ne suis pas sûre d’avoir compris dans son intégralité (même si j’ai été très sensible à cette héroïne bibliothécaire, on ne se refait pas). Une deuxième lecture serait sans doute nécessaire.

L'autre chambre
Un homme revient dans une vieille propriété familiale, où plus jeune il avait découvert une chambre cachée. C’est un récit finalement classique, mais une fois encore la question de la maternité (enfin ici de la paternité) se retrouve une fois de plus au centre de l’histoire. Ou pas tout à fait.

Oiseaux de lune
Parcours d’une femme dont la fille souffre de troubles psychologiques, et dont le mari est devenu très distant depuis son retour de la Lune, Oiseaux de lune est un texte étrange et onirique, où alternent moments de vie et description de ces mystérieux oiseaux. Pas toujours très clair, mais fascinant néanmoins.

Les mains de Mr. Elphinstone
Changement d’époque avec cette nouvelle qui nous emmène au XIXe siècle, alors qu’une jeune femme ayant assisté à une séance de spiritisme se retrouve elle-même doté d’une bien étrange affliction. Dans le genre nouvelle horrible (et pourtant sans aucune once de violence), Les mains de Mr. Elphinstone se défend bien, et je n’aurais pas aimé la lire avant de dormir.

La plaie
Cette nouvelle est de loin la plus surprenante du recueil. On commence sur l’histoire d’une amitié entre deux hommes, et on termine… dans une direction que je n’avais absolument pas prévu, avec une multitude d’interprétations… bref une nouvelle à méditer, et un de mes meilleur souvenir de lecture.

Entre les relectures fort plaisantes (Une amie en détresse ou Vol pour Byzance avaient encore plus de force lors de cette deuxième lecture) et les très chouettes découvertes (mention spéciale à La plaie et à En pièces détachées notamment), Les chambres inquiètes est un excellent recueil absolument délicieux : on sait qu’on ne sortira pas indemne de sa lecture, et pourtant on se jette dessus sans même se poser la question !

Il faut dire qu’en plus de contenir de très beaux textes, Les chambres inquiètes est également un superbe ouvrage, il suffit de jeter un œil à la couverture complète, que je contemplais longuement entre deux nouvelles.


Autant dire j’espère avoir l’occasion de lire d’autres recueils de Lisa Tuttle de cette qualité. Avec quelques chouettes inédits peut-être ?

CITRIQ

15 commentaires:

Acr0 a dit…

Il me fait très envie ; en plus, tu le rapproches de Ainsi naissent les fantômes, comment ne pas craquer ?

Vert a dit…

@Acr0
Il faut craquer voyons :D

BlackWolf a dit…

Je n'ai fais que survoler rapidement ta chronique, car c'est l'un des livres que j'espère faire rentrer rapidement dans ma PAL, mais en tout cas elle donne envie.

Vert a dit…

@BlackWolf
C'est un livre qui mérite de rentrer vite dans la PàL, je confirme ^^

Lorhkan a dit…

Pfiouuu, ça donne envie... :)
Je n'ai qu'une nouvelle numérique de Lisa Tuttle (pas encore lue), "Le vieux M. Boudreaux". Je devrais peut-être m'intéresser à l'auteure d'un peu plus près...

Tigger Lilly a dit…

Rha là là ça donne envie !

Vert a dit…

@Lorhkan
Il faut !

@Tigger Lilly
C'est fait pour ^^

Lune a dit…

Ah je ne savais pas dans quoi me lancer, comme ça c'est réglé :D

Vert a dit…

@Lune
Tu vois je ne pousse pas qu'à lire n'importe quoi :P

Lune a dit…

J'ai jamais dit le contraire :p

La première nouvelle est en effet assez violente ! Je trouve qu'elle fait largement écho à la première nouvelle d'Ainsi naissent les fantômes d'ailleurs.

Vert a dit…

@Lune
Toutafé, je trouve que les deux recueils ont une construction assez similaire en fait.

Efelle a dit…

Très bon recueil, beaucoup de textes marquants en ce qui me concerne.
Il n'y a que Les Oiseaux de Lune qui m'a vraiment déplut.

Vert a dit…

@Efelle
J'avoue avoir eu du mal sur celle-là également, c'est pas la plus facile à lire et à comprendre.

Lune a dit…

Pour les Oiseaux de Lune j'ai ma petite idée, mais ne spoilons pas. Je pense que tout est dans sa tête en tout cas.

Sinon j'ai terminé ma lecture, certaines nouvelles m'ont marquée, dont je parlerai dans ma chronique : Nid d'insecte évidemment, La plaie, En pièces détachées, mais aussi Une amie en détresse, superbe.

Vert a dit…

@Lune
On a exactement les mêmes favorites ^^ (j'ai pas reparlé du Nid d'insectes et d'Une amie en détresse parce que je l'avais déjà fait, mais même à la relecture c'est toujours d'aussi beaux textes)