mardi 25 janvier 2011

Le deuxième matin du monde - Manuel de Pedrolo


Quand Tigger Lilly a lancé son challenge Fins du Monde, j’ai pensé à plein d’ouvrages que j’allais pouvoir découvrir, et puis, lorsqu’Endea a commencé a déterré quelques-unes de mes lectures d’ado (les Enfants de Noé, Barjavel où j’étais plus si ado, mais ça date tout de même), je me suis rappelée de ce roman.

Je l’ai découvert au lycée. J’ai dû l’emprunté deux ou trois fois à la bibliothèque, parce que c’est le genre de bouquin qui marque tellement qu’on a besoin de le relire (presque de manière compulsive) pour mieux le digérer. J’ai voulu le déterrer pour ce challenge, ce qui n’a pas été une sinécure.

Sorti en 1993 au Livre de Poche jeunesse, Le deuxième matin du monde n’a jamais été réédité, autant dire qu’il est introuvable, si ce n’est que sur les étagères des bibliothèques (hourra pour les bibliothèques). Et encore, à Paris, la seule bibliothèque à en disposer est l’Heure Joyeuse, qui avait planqué son exemplaire en réserve.

J’avais un peu peur de le relire, certaines lectures ados sont à ne jamais relire sous peine d’y perdre pas mal d’illusions, mais dans ce cas je ne regrette rien, au contraire. Je regrette juste de ne pas en posséder un exemplaire, parce que c’est vraiment quelque chose, ce roman !

Le deuxième matin du monde est un roman des années 70, écrit par un auteur catalan, Manuel de Pedrolo (c’est un peu le drame, parce que le roman est encore publié en catalan, et si je serais prête à dépoussiérer mon castillan pour le relire, le catalan, je suis loin de maitriser !). Il raconte l’histoire de deux enfants, Alba et Didac, qui échappent miraculeusement à une attaque alien qui tue tout le monde sur Terre. A eux deux, ils vont essayer tant bien que mal de survivre, et qui sait, de reconstruire le monde.

Ils vont passer les premiers mois suivant la catastrophe en pleine forêt, à vivre dans une grotte, pour fuir les villes envahies par les cadavres en décomposition, puis ils vont quitter leur refuge, voir à quoi ressemble le monde, construire peu à peu un lieu de vie, malgré les difficultés, malgré la peur (les aliens vont-ils revenir finir le travail ?).

C’est assez marrant, je n’arrive pas à me faire une idée sur ce roman. En même temps il est un peu archaïsant, parce qu’il a été écrit dans les années 70 et que ça commence à faire drôlement bizarre de lire des histoires où les ordinateurs et les portables n’existaient pas, et où on faisait encore de la photo sur film. Ce qui pousse à se dire d’ailleurs qu’on va être mal pour 2012, parce que si vivre sans électricité et cie dans les années 70 peut sembler dur, imaginez un peu à notre époque…

Mais d’un autre côté, pour de la littérature « jeunesse » (à partir de 13 ans selon la couverture), il est sacrément moderne. Plutôt en avance sur son temps (mine de rien Didac est noir), intelligent et même plutôt large d’esprit sur pas mal de sujets. Ça parle de sexualité (parce que reconstruire le monde passe aussi par son repeuplement), et y’a quelques réflexions sur les croyances, la société, que je trouve plutôt pertinentes.

Je n’arrive pas à me décider si on a affaire à un joli conte ou à une histoire franchement horrible. Par bien des aspects, c’est une très belle histoire, et c’est comme que je m’en souvenais. On voit deux enfants assister à une tragédie, et à s’en relever. Passer outre les cadavres, survivre, s’adapter, vivre, tomber amoureux, reconstruire un foyer, tenter de conserver la mémoire de l’humanité… tout ça c’est très beau.

Et en même temps, en le relisant j’ai trouvé certains passages très durs, lorsqu’ils partent à travers le pays pour prendre conscience de la dévastation, lors des rares rencontres avec d’autres survivants, ou lors de leur unique rencontre avec un des aliens (d’autant plus effrayante que rien ne sera jamais réellement expliqué, à part dans la postface). En fait ce n’est pas qu’une jolie histoire, et il est permis de pleurer par moment, personne ne vous en voudra.

En fait, ce roman a de multiples facettes, et je lui en découvre de nouvelles à chaque relecture, je crois. C’est une honte qu’il ne soit plus disponible, parce que c’est un très bon roman, trop peu connu en regard de sa grande qualité. Alors si vous le voyez chez un bouquiniste, ou sur les rayons de votre bibliothèque, n’hésitez pas vous jeter dessus, il en vaut vraiment la peine.

D’habitude, je ne suis pas une grande collectrice de citations, mais pour l’occasion j’ai parsemé mon exemplaire de marques pages, voilà la récolte :


Il s’agissait d’une face très plate, avec trois yeux dont un se trouvait à l’emplacement du front chez les humains, et les deux autres au-dessous ; ces yeux ressemblaient à trois trous ouverts dans un mur, car aucune arcade sourcilière ne les protégeait. Plus bas, là où auraient dû être la bouche et le menton, se dessinait un museau porcin qui allait bien avec la couleur de la peau, mais donnait à ce visage une apparence de stupidité.
Et Alba se réjouit que le visiteur ait un tel aspect, car il lui serait plus facile de le tuer
.
~*~

Et il n’y avait nulle part le moindre signe de vie, que ce soit de terriens ou d’extraterrestres. Le tracteur, maintenant conduit par Didac, tandis qu’Alba montait la garde, le fusil à la main, traversait les rues et les places, contournaient les villes par leurs faubourgs ; mais jamais le vacarme sonore presque choquant de son moteur ne fit lever des ruines le moindre cri, la moindre voix.

~*~

Ils ralentirent le tournage lorsqu’ils arrivèrent à proximité des deux maisons voisines dans lesquelles ils vivaient autrefois. Un instant, cette vision ranima dans leur cœur une puissante nostalgie. Ils continrent sans peine leur émotion, cependant, car ils n’étaient plus, à présent, les deux êtres qu’un cataclysme avait brutalement démunis de tout, mais un garçon et une fille dont l’histoire avait commencé lorsqu’ils avaient décidé d’être une origine et non une fin.

~*~

« Rentrons à la maison Didac, je ne veux plus avoir à tuer quelqu’un.
- Ce ne sera peut-être pas nécessaire, une autre fois, protesta le jeune garçon. Si ça se trouve, il y aura des femmes et des hommes. »
Pour la première fois, Alba lui jeta un regard sarcastique.
« Et si ça se trouve, comme tu dis, il s’agira de femmes sans hommes. Alors c’est moi qui les gênerai. »


~*~

Pourtant, en dépit de sa réponse, cette conversation fit comprendre à Alba que ce genre de livre pouvait constituer un danger. Peut-être qu’un de leurs descendants, affamé de pouvoir ou d’immortalité, viendrait y puiser les nouveaux éléments d’une doctrine surnaturelle…
Elle se dit néanmoins qu’elle n’avait pas le droit de les détruire, que les hommes à venir y puiseraient des connaissances sur leurs antécédents. En fait, elle n’avait le droit de rien détruire, car, si elle le faisait, elle ressemblerait à ces fanatiques souvent évoqués par son père, qui brûlaient tout ce qui leur déplaisait ou contrariait leur opinion ; elle serait comme ces gens qui n’étaient pas assez sûrs d’eux-mêmes pour respecter les idées des autres.


19 commentaires:

  1. J'en possède un exemplaire, niark niark...
    Une grande émotion de lecture quand j'étais enfant également.
    J'ai encore les mots de la toute fin en tête, le courage d'Alba...
    Je vais peut-être tenter une relecture du coup.

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  2. Bah voilà, maintenant tu vas l'avoir ton livre :D

    (Tu as le droit de me dire encore une fois que tu m'aimes :D)

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  3. Je m'avais lu enfant et il m'avait beaucoup marqué, je me rappelle des grandes lignes de l'histoire encore (et de la fin, enfin je crois !) aujourd'hui ! Je viens de vérifier, la bibliothèque l'a toujours (en réserve enfant), je vais peut-être le relire...

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  4. @Olya
    Tout à fait, j'ai eu la confirmation d'envoi, j'ai hâte
    (tu es géniale :D)

    @JainaXF
    N'hésite pas, la relecture est tout aussi marquante que la première découverte.

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  5. Complètement inconnu au bataillon, celui-ci. Permet de balles découvertes ce challenge :p

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  6. C'est toujours un plaisir de ressortir les fonds de tiroirs, surtout lorsqu'ils sont aussi bons :D

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  7. Bonjour,

    J'ai lu moi aussi ce livre en étant petite et il m'a laissé un souvenir incroyable. C'est à la fois beau, plein d'espoir et flippant. Je l'ai relu aussi. j'adore ce livre dont on entend malheureusement jamais parlé!

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  8. Il faudrait qu'il soit réédité, qui sait, un jour ^^

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  9. Bonsoir !

    J'ai aussi la chance d'avoir ce livre et c'est mon livre préféré !!

    J'ai entendu dire qu'il va y avoir une adaptation filmique cette année, j'ai hâte de voir ça !

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  10. Han je savais pas... ça a l'air bien alléchant en effet !

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  11. OOOOOH si quelcun a ce livre à vendre en français JE SUIS PRENANTE!!!! je suis catalane, je l ai lu en catalan (plus facile que l espagnol pour les français, selon ma mère qui est française haha) et je le recherche pour le faire lire à mon homme qui est français et ne parle pas encore catalan. C est aussi un de mes deux livres préferés, avec Demian de Herman Hesse... J´en ai fait une fixation qui a duré des mois, après l´avoir lu... j en faisais des rêves presque tous les soirs, c est vous dire si ça m a marqué hahah

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  12. @Tangerine
    Il est trouvable en occasion de temps en temps, faut fouiner sur Internet et laisser des alertes sur les sites de vente éventuellement.

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  13. si vous le vendez, je suis preneur.

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  14. @Anonyme (et cela s'adresse à tous les gens qui me posent la question)

    Non je ne vendrai pas mon exemplaire.

    Le meilleur moyen de le trouver, c'est encore de mettre des alertes sur la plupart des sites de vente de livres d'occasion, c'est comme ça que j'ai récupéré le mien, parce que trois exemplaires s'étaient retrouvé en vente une fois comme ça.

    Au pire, jetez donc un oeil au catalogue des bibliothèques autour de chez vous, il y a de fortes chances que vous le croisiez au détour de l'une d'elle si je me fie au nombre de réponses Google renvoyant à des catalogues de bibliothèque.

    Bonne chasse !

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  15. bonjour
    hachette jeunesse n'ayant plus du tout renouveler les droit, et ne l'ayant plus édité depuis 18 ans, je propose le lien pdf suivant :
    http://destination-armageddon.fr/files/Deuxieme-matin-du-monde.pdf

    cordialement

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  16. @Anonyme
    Merci pour le lien, ça peut servir à tous ceux qui recherchent ce livre si rare !

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  17. Idem ça fait partie des livres qui m'ont beaucoup marquée ( et qui m'a beaucoup fait rêver aussi). Il fait partie de ces livres très peu connus et cependant marquant. Je suis bien déçue, la bibliothèque de ma ville ne l'a plus.

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    1. @Eo
      Oui hélas ce titre a tendance à disparaître des rayons. Ca permet de les retrouver en occasion ceci dit, j'ai fini par me le procurer comme cela ^^

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