mardi 1 février 2011

Uchronie : l'utopie dans l'histoire - Charles Renouvier


Lorsque j’étais allée voir l’exposition Science et fiction à la Villette, il y avait quelques très vieux bouquins d’uchronie datant du XIXe siècle dans les vitrines. J’ai donc eu l’idée saugrenue de lire l’un d’eux pour le Winter Time Travel de Lhisbei, parce que comme les disent si bien les grands sages de la vérité universelle que sont les Shadocks : Pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer ?

C’est donc la raison pour laquelle je me suis retrouvée avec entre les mains Uchronie : l’utopie dans l’histoire, de Charles Renouvier, paru en 1857. Je ne l’ai pas choisi au hasard, il y avait aussi un Napoléon apocryphe de 1851 qui me tentait bien, mais le Renouvier présente l’intérêt d’avoir forgé le terme uchronie. Et d’être un roman dont on peut joyeusement sauter la moitié des pages également, mais ceci est une autre histoire.

Je ne lis pas beaucoup de romans du XIXe siècle, mais j’espère qu’ils ne se prenaient pas tous aussi joyeusement la tête que Charles Renouvier pour construire leurs intrigues et leur narration. Imaginez un peu que l’uchronie, si on se fie à la préface, est en fait un manuscrit du XVIe siècle écrit par un moine (qui finit au bûcher pour ses idées bien sûr), récupéré par un catholique convaincu qui se met à douter et file vivre une vie discrète aux Pays-Bas.

Le manuscrit passera de génération en génération, et chacun y ajoutera son petit appendice, au point que sur 400 pages de texte, 200 sont consacrées aux commentaires du petit-fils et de l’arrière-petit-fils. Commentaires assez barbants au demeurant, j’avoue qu’après avoir lu le premier, j’ai survolé le reste et décidé que ma passion pour les grandes réflexions philosophico-religio-politiques ne m’intéresserait pas à ce point.

Concentrons-nous plutôt sur l’uchronie à proprement parler, c’est un peu la raison de tout ce blabla, après tout. Le récit du « moine » du XVIe siècle commence par un cours d’histoire romaine, revenant sur l’enchainement des différents empereurs et l’apparition des religions dites orientales (ce qui recouvre aussi bien le christianisme que le mithraïsme, et tous les cultes à mystères).

L’uchronie en elle-même démarre sous le règne de Marc Aurèle, alors que celui-ci reçoit une lettre d’un de ses généraux, Avidius Cassius, qui lui conseille tout simplement d’abdiquer et de rétablir la République, pour faire simple. Et Marc Aurèle, esprit éclairé etc., va bien sûr accepter, même si ça ne va pas se faire d’un claquement de doigt.

(oui, vous pouvez penser à Gladiator… je vous avoue qu’imaginer pendant quelques temps un des protagonistes de ce roman avec la tête de Russel Crowe aide grandement à avancer dans l’histoire…)

Marc Aurèle, entouré de grands hommes comme Avidius Cassius, va donc petit à petit opérer une transition vers la démocratie. Une démocratie laïque (le seul culte conservé est celui des valeurs républicaines, en gros), qui tend à repeupler l’Italie par une réforme agraire qui travaille doucement à l’abolition, et qui accessoirement bannit tous les chrétiens trouble-fêtes dans la partie orientale de l’Empire pour avoir la paix.

Je ne vais pas vous raconter toute l’histoire, mais le postulat de base est que se débarrasser des chrétiens permet d’éviter l’obscurantisme du moyen-âge, si bien que la « Renaissance », l’humanisme et la Réforme arriveront finalement bien plus tôt, et si l’Empire romain finit par tomber, il laisse derrière lui de solides états en Italie, en Espagne et en Gaule.

L’idée est plutôt intéressante, et donne lieu à la fois à des idées très pertinentes (notamment le fait que les chrétiens ne trouvent jamais d’unité faute d’un pouvoir temporel pour unifier une fois pour toutes les écoles), d’autres très utopistes (la République romaine réinstaurée est un peu trop belle pour être vraie, c’est le propre d’une utopie ceci-dit).

La balade dans l’histoire réécrite est donc plutôt sympathique, avec tous les évènements qui s’y passent, mais différemment (les invasions barbares, l’émergence de l’Islam, etc.). Ceci dit le texte n’est pas forcément facile d’accès, car entre deux évènements historiques, se glissent parfois des pages entières de réflexions sur la politique ou la religion.

Ce n’est pas qu’elles ne sont pas intéressantes, mais à la longue, on se retrouve complètement noyé sous le propos, surtout qu’il me manque une bonne partie des références culturelles pour tout suivre (en philo grecque, en politique du XIXe, et j’en passe).

Bref ce n’est pas un livre facile à lire, même si c’est plutôt rigolo de voir que l’uchronie est quelque chose d’assez vieux, finalement. Assez vieux pour qu'on puisse le trouver dans Gallica. Et on peut toujours sauter des pages pour échapper aux passages trop ennuyeux.


CITRIQ

3 commentaires:

Lhisbei a dit…

je te tire mon chapeau d'être allée à la source :) bravo.
tu es une aventurière tu sais ? je vais voir si ce livre se trouve en ebook et je tenterai de le lire (non non je ne suis pas jalouse :D)

Anonyme a dit…

moi je vais essayer de trouver ça, je crois que je vais adorer - mais alors adorer...
Faut pas que j'en attende trop sans doute

Vert a dit…

@Lhisbei
J'aurais le droit à une médaille en chocolat j'espère :P

@Fenice
Te connaissant, je pense que tu apprécieras bien plus ta lecture que moi... c'est plus un roman d'idées qu'un roman d'histoire. Le pdf de Gallica est pas super lisible, mais ça peut t'éviter de lui courir après sur papier ^^