mercredi 26 février 2025

Les Dépossédés – Ursula K. Le Guin

Couverture du roman "Les Dépossédés"

Ce mois de février n’étant pas très enthousiasmant, je suis partie dans des relectures pour me réconforter, ce qui m’a amené à me repencher sur l’un des romans les plus connus d’Ursula K. Le Guin, Les Dépossédés. Allais-je le trouver aussi passionnant et bouleversant que lorsque je l’ai découvert il y a quinze ans ? Suspense…

Les Dépossédés est le cinquième roman du Cycle de Hain, mais si on suit la chronologie interne de l’univers (aussi floue qu’elle soit), il se déroule avant tous les autres. Ce qui n’a guère d’importance vu qu’on peut lire ce cycle dans le désordre le plus complet, chaque texte ayant peu de liens avec les autres.

Le roman nous emmène sur Urras et Anarres, deux planètes jumelles tournant autour de l’étoile Tau Ceti. Les deux mondes sont peuplés par des humains dont la seule particularité est d’être plus poilus que les Terriens, mais ça n’a pas de réel impact sur l’intrigue (d’ailleurs il me semble que c’est évoqué très tardivement).

Urras ressemble à la Terre : le climat y est tempéré, la nature est abondante et plusieurs pays et plusieurs systèmes politiques se partagent les continents. Anarres, plus hostile, abrite une communauté anarchiste quasi utopique qui a émigré là il y a environ 200 ans suite à une révolution et qui a depuis coupé les ponts avec Urras.

L’histoire suit les pas de Shevek, un physicien d’Anarres qui, par un concours de circonstances qu’on découvrira plus tard, vient sur Urras. Le récit alterne entre sa découverte d’Urras et comment il en est arrivé à quitter sa planète natale.

J’ai commencé ce roman en parallèle de ma relecture du Seigneur des Anneaux, et j’ai trouvé que les deux, qui pourtant explore des genres très différents, allaient curieusement bien ensemble car Les Dépossédés est aussi l’histoire d’un voyage, d’un aller et retour.

On est donc sur une structure classique d’un récit de voyage vers un lieu imaginaire pour critiquer un système politique et social, mais avec un récit qui alterne habilement passé et présent qui ne cessent de se répondre. C’est finement agencé et cela fait en plus écho à la théorie de la simultanéité sur laquelle travaille Shevek.

Ce que j’aime beaucoup dans Les Dépossédés, c’est que c’est un livre très nuancé. L’autrice présente elle-même son roman comme une utopie ambigüe, et c’est un descriptif parfait pour Anarres, un modèle qui fait rêver pour la liberté qu’il offre et le grand sens de la communauté, mais dont elle n’oublie pas non plus de montrer les limites.

J’ai beaucoup aimé relire ce livre, qui a nettement moins vieilli que La main gauche de la nuit. Ce qui n’est pas très bon signe maintenant que j’y pense. Il faut dire qu’il résonne encore très fort avec les problèmes politiques actuels, nos pratiques de consommation et même sur la préservation de l’environnement (la seule mention de la Terre est tout sauf réconfortante).

Après ma lecture je suis allée relire ma chronique précédente à son sujet. Sa longueur témoigne de la forte impression qu’il avait eu sur moi à l’époque, je me rappelle qu’il m’avait habitée pendant des mois.

Ça a moins été le cas cette fois-ci, sans doute parce que je savais où j'allais, et aussi parce que j'ai moins de temps à consacrer à mes lectures (et donc moins de temps pour noter les nombreuses idées et réflexions qui me sont venues lors de cette relecture et que j'ai oublié aussi sec).

Mais j’ai bien apprécié cette relecture plus intimiste, moins focalisée sur l'univers, où je me suis plus intéressée au parcours de Shevek. J’aime beaucoup la façon dont il est profondément anarresti, et en même temps comment il se retrouve obligé de sortir de sa communauté et de ses règles implicites pour pouvoir avancer. J’aime bien la façon il arrive à associer à sa façon recherche fondamentale et engagement.

Vous l’aurez compris, Les Dépossédés est un très beau texte, dont je perçois maintenant plus les qualités littéraires, alors que je me focalisais sur le propos avant. Avec le recul je ne sais pas si c’est une lecture si réconfortante que cela, tant il montre la difficulté de vivre suivant ses idéaux tout en arrivant à les préserver. Mais il porte en lui une part d'espoir, une volonté de rester en mouvement et de toujours questionner qui sont on ne peut plus louable et qui font du bien à lire en ce moment.

Infos utiles : Les Dépossédés (The Dispossessed) est un roman de Ursula K. Le Guin paru en 1974 en VO, et en français en 1983 avec une traduction de Henry-Luc Planchat. J’ai lu l’édition Ailleurs&Demain parue en 2022 avec une traduction révisée par Sébastien Guillot, une préface de David Meulemans et une postface d’Elisabeth Vonarburg. Couverture de Raphaëlle Faguer. 401 p.

D’autres avis : 233°C, Les chroniques du Chroniqueur, La Geekosophe, L’imaginarium électrique

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