Comme la lecture du livre d’or de James Tiptree m’avait grandement enthousiasmée, j’ai enchaîné directement avec un autre ouvrage de la série, qui s’intéresse à une grande dame de la SF, et pas n’importe laquelle : Ursula Le Guin.
Cela créé un sacré contraste car ce livre d’or est en fait le tout premier de la série, alors que l’ouvrage sur Tiptree est un des derniers, vu que la collection s’arrête en 1987 (elle sera continuée sous la forme du Grand temple de la SF, mais sauf erreur de ma part, à part les quatre derniers titres il s’agit de rééditions). On peut d’ailleurs mesurer tout l’écart entre les deux livres d’or, ne serait-ce que dans la bibliographie en fin d’ouvrage, bien mieux mise en page dans le livre consacré à Tiptree.
Le livre d’or de Ursula Le Guin est accessoirement ce qui se rapproche le plus d’une traduction de son recueil The Wind’s Twelve Quarter, puisque les onze nouvelles présentées dans ce livre en sont issues. Pour les six autres, vous n’avez plus qu’à les chasser ici et là dans diverses anthologies (il n’y en a qu’une que je n’ai pas retrouvé en VF, c’est ballot, c’est les prémices de Terremer qui sont dedans !).
L’ouvrage commence comme il se doit par une préface de l’anthologiste, et c’est là où le bât blesse d’entrée de jeu. Gérard Klein étant aux manettes, on a le droit à une étude certes intéressante mais surtout pas très accessible de l’œuvre de l’auteure, vraiment pas le genre de texte qui invite à la découverte (contrairement à d’autres livres d’or que j’ai connu plus didactiques, plus faciles d’accès). Heureusement, quand on est fan, on s’accroche !
La première nouvelle est Le Collier de Semlé, nouvelle qui est devenue depuis l’introduction du Monde de Rocannon. On y suit une femme part à la recherche de sa dote, dans une ambiance de conte mais dans une atmosphère résolument SF. J’avais déjà bien aimé ce texte la première fois, et je l’ai trouvé tout aussi charmant à la relecture.
On enchaine ensuite avec Avril à Paris, une des premières nouvelles de l’auteure. C’est un texte assez inattendu, bien loin des univers de space-opera. Très intimiste, il parle d’amitié et de solitude, avec un ton qui va droit au cœur. Et il arrive à intégrer des voyages dans le temps alors qu’on ne s’y attendait pas, un sacré combo quand même !
La Règle des noms est une enquête sur un mystérieux magicien dans un monde qui ressemble à Terremer (avec sa règle des noms, ses mages), mais qui n’est pas vraiment encore Terremer (la nouvelle est antérieure au premier roman). Il y a un petit côté perfectible, mais on sent quand même pointer le charme de ce monde de fantasy en devenir.
Avec Le Roi de Nivôse, on revient sur le monde glacé de La main gauche de la nuit. J’ai trouvé à cette nouvelle un petit côté bonus track, car si elle offre une nouvelle incursion dans cette culture étrange avec un personnage principal dont on suit le parcours avec intérêt, elle m’a semblé assez difficile d’abord pour quelqu’un qui n’a pas lu le roman. Mais j’ai aimé la pirouette grammaticale bien adaptée à l’androgynie des habitants qui implique de dire « un roi » et d’en parler systématiquement au féminin !
Neuf vies nous emmène sur une planète où des explorateurs reçoivent le renfort d’une équipe de dix clones pour se lancer dans l’exploitation minière. L’unité des nouveaux arrivants pousse les non-clones à s’interroger sur la notion d’identité et de relation avec les autres. Je n’ai pas accroché à tout le texte, mais j’ai trouvé les problématiques soulevées très intéressantes.
On continue ensuite dans l’exploration de mondes nouveaux avec Plus vaste qu'un empire dont l’introduction rappelle la particularité des voyages spatiales lorsqu’on voyage à la vitesse de la lumière, sans pour autant avoir un système de communication instantané. Une équipe d'exploration atterrit sur une planète paradisiaque où la vie n'existe qu'à l'état de végétal, mais sa mission est compromise par la présence d'un empathe qui insupporte l'ensemble des explorateurs. Un texte assez étrange, qui parle plus de la nature humaine que d'exploration au final.
Avec Étoiles des profondeurs on quitte un peu le champ de la SF pour faire connaissance avec un simili-Galillée poursuivi pour ses idées hérétiques sur le mouvement des astres se réfugie dans une mine et découvre que dans la terre, il y a aussi des étoiles. C’est un texte étrange et très onirique, pas le plus marquant mais avec un charme certain.
Retour à l’espace dans Champ de vision, où trois astronautes reviennent de Mars en piteux état : le premier est décédé, le deuxième catatonique et le troisième refuse d’ouvrir les yeux. Que s’est-il passé alors qu’ils exploraient la Cité, étrange lieu dont on ne sait s’il s’agit d’une concrétion naturelle ou d’une construction par une espèce intelligente ? La réponse est longue à venir, et se révèle assez perturbante. J’ai beaucoup aimé cette réflexion sur l’archéologie ceci dit :
« Les archéologues sont habitués à tirer des informations d'objets très simples – tessons, morceaux de silex, un mur ici, une tombe là. Mais que se passerait-il si tout ce que nous avions d'une civilisation ancienne était une chose très compliquée, compliquée dans un sens plus que technologique – disons une copie de Hamlet, de Shakespeare. Maintenant supposons que les archéologues qui trouvent la copie de Hamlet ne sont pas humanoïdes, n'ont pas de livres, pas de théâtres, ne parlent pas, n'écrivent pas et ne pensent pas du tout comme nous le faisons. Que vont-ils faire de ce petit artefact physique, de sa complexité et de son utilité évidente, de la répétition de certains éléments et de la non-répétition de certains autres, de la semi-régularité de la longueur des lignes, et ainsi de suite ? Comment vont-ils lire Hamlet ? »
Le Chêne et la mort est un récit raconté d’un point de vue très particulier : celui d’un arbre. Un changement radical de perspective et de perception est de mise, ce qui rend le texte aussi perturbant que joli.
A la veille de la révolution nous ramène dans l’univers des Dépossédés dans une nouvelle antérieure au roman, qui met en scène la femme qui a inspiré la révolution. J’ai beaucoup aimé cette nouvelle qui nous montre que si on se penche sur l’envers du décor des grands hommes (et des grandes femmes), on découvre des personnages normaux (qui tachent leurs vêtements comme tout le monde !), souvent dépassés par leur succès, et parfois assez éloignés de leur image d’Epinal. C’est un récit très touchant, qui a réveillé plein de souvenirs de ma lecture des Dépossédés.
« Mourir signifiait simplement aller dans une autre direction. Si l'on voulait rentrer chez soi, il fallait continuer d'avancer, c'est ce qu'elle voulait exprimer lorsqu'elle avait écrit Le vrai voyage est celui du retour. »
Le recueil se termine avec Ceux qui partent d'Omelas, nouvelle que j’avais déjà lu cette nouvelle dans une autre anthologie. A l’époque j’étais un peu passée à côté, cette fois-ci j’ai plus accroché. Il faut dire que c’est un texte assez étrange, à la morale pas toujours facile à saisir, mais qui fait son petit effet finalement.
« Le bonheur est fondé sur le juste discernement de ce qui est nécessaire, de ce qui n'est ni nécessaire ni nuisible, et de ce qui est nuisible. »
Arrivée à la fin de ce recueil, je vous avoue que je suis un petit peu déçue. Si j’ai beaucoup aimé certains textes (Le collier de Semlé, Avril à Paris, Le Chêne et la mort et A la veille de la révolution), j’ai trouvé les autres pas forcément très marquants, et pas toujours faciles d’accès pour ceux qui sont reliés à ses romans.
Je blâme le décalage temporel, ce Livre d’or regroupe ses textes les plus anciens, et de même que ses premiers romans du cycle de Hain ne sont pas les meilleures, ses premières nouvelles non plus (quoique Avril à Paris qui m’a touchée vient contredire cette affirmation). C’est un peu le problème d’attaquer l’œuvre d’un auteur à rebours. Et j’ai aussi lu ce Livre d’or juste derrière celui de Tiptree, et à tout point de vue j’ai trouvé celui de Tiptree mieux construit, ça joue sans doute sur mon ressenti.
Mais comme vous le savez, un Ursula Le Guin en dessous la moyenne, ça reste tout de même un excellent moment de lecture !
Deuxième combo-de-la-mort-qui-tue, les livres d’or sont une valeur sûre pour remplir les challenges ! Traduction de The Wind's Twelve Quarter, recueil de nouvelles favori de Morwenna, écrit par un auteur féminin et qui comporte une nouvelle de voyage dans le temps (Avril à Paris). J’ai même hésité à ajouter le Winter Mythic Fiction sous prétexte que Ceux qui partent d’Omelas est présenté comme un « psychomythe », mais je ne sais même pas ce qu'est un « psychomythe » alors je vais m'abstenir :D.
Plus rien ne t'arrête dis donc O_O
RépondreSupprimerCe recueil ne m'avait pas non plus laissé un souvenir impérissable, mais il y a quand même quelques belles petites choses à se mettre sous la dent, et c'est finalement une introduction agréable à l'univers de Le Guin.
RépondreSupprimer@Tigger Lilly
RépondreSupprimerSi les vacances !
@Lorhkan
Tout à fait, la suite n'en est que meilleure du coup ^^
Bon c'est moins bien mais c'est toujours plaisant, voilà ce qu'il faut retenir ^
RépondreSupprimerEncore un livre acheté aux Utos, je le reconnais à sa couverture ..... atypique dirons nous lol
Wahou si ça c'est pas de l'optimisation de challenge !!
RépondreSupprimer@Endea
RépondreSupprimerEt non, je l'ai depuis longtemps celui-là... en fait j'en ai pas acheté des livres d'or aux Utos, figure-toi !
@Aude
Toutafé, menfin je suis pas sûre de réussir à renouveler l'expérience ^^