J’ai beau être une mordue d’Harry Potter, je ne lis que rarement les ouvrages d’analyse et d’étude sur le sujet. Le contenu est souvent le même (ou pas très creusé, en tout cas), et il est difficile de ne pas buter sur leur caractère souvent très commercial.
Mais quand les Moutons électriques, ma maison d’édition fétiche, a annoncé la sortie d’un ouvrage dans leur collection Bibliothèque Rouge, j’ai quelque peu revu mon avis sur la question. Après tout, ça promettait au moins d’être un très beau livre. Et puis, ça me ferait l’occasion de lire un Bibliothèque Rouge, jusqu’à maintenant je m'étais toujours contenter de baver sur cette collection.
Pour ceux qui ne la connaissent pas, la Bibliothèque rouge est une collection d’ouvrages consacrés à de grandes figures de la littérature populaire sous le titre Les nombreuses vies de…. Au début très axé sur les policiers (Sherlock Holmes, Hercule Poirot, Miss Marple…), d’autres héros ont ensuite été mis à l’honneur comme James Bond, ou dans un registre plus fantastique et fantasy, Dracula, Cthulhu ou Conan.
Ces ouvrages se composent ainsi : une biographie qui s’amuse à rendre cohérente la vie d’héros racontée dans des histoires qui ne cessent de se chevaucher et de se contredire (selon les supports et les époques), différentes études sur le personnage, l’œuvre et ses adaptations, un panorama des œuvres similaires et parfois même quelques nouvelles. Le tout, bien sûr, est illustré (affiches, couvertures, dessins réalisés pour ce livre…).
Evidemment, un tel ouvrage, sur Harry Potter, cela fait rêver, mais non sans quelques doutes. Harry Potter est un héros qui a moins vécu que Sherlock Holmes, après tout on a que les romans de JKR et les adaptations en film, et vu son succès, on ne peut que flairer une opportunité commerciale pour l’éditeur (même si je comprends bien qu’il faut payer son abonnement à Nolife chaque mois).
Cependant, le résultat est plutôt bon, bien que pas vraiment ce à quoi je m’attendais. Plutôt que de se centrer sur Harry Potter, ce qui rendrait le propos vite répétitif, les Nombreuses Vies de Harry Potter s’intéresse autant à Harry qu’à ses grands-parents, frères, cousins et autre parentèle éloignée, bref à toute cette littérature jeunesse parlant de magie et d’école de magie, qui existait souvent bien avant Harry Potter.
Du coup, la « biographie » d’Harry Potter devient une sorte de gigantesque essai qui s’amuse à tirer le portrait d’un monde magique où l’on croise des élèves de Poudlard et de Verteloi (les Collèges de Magie de Caroline Stevermer), les enfants Pevensie (les Chroniques de Narnia de C. S. Lewis), Jonnhy Maxwell (série éponyme de Terry Pratchett), et même Buffy ! Sans parler d'éléments moins connus comme la série Isabelle (en partie scénarisée par Franquin).
Ce coté vraie/fausse étude (qui aborde tous ses exemples avec un sérieux fou, comme si, bien sûr, les armoires amenaient dans des pays magiques) rend la lecture très agréable, et c’est un vrai plaisir de découvrir et de confronter tous ces univers. Même si le propos requiert beaucoup d’attention de la part du lecteur (ce n’est pas le genre de livres qu’on lira en diagonale en pleine réunion bruyante de famille, croyez-moi j’ai essayé), cela en vaut la peine et les touches d’humour disséminées çà et là font sourire.
Cette biographie s’accompagne ensuite d’une chronologie qui mélange elle aussi allègrement faits potteriens et non potteriens (ça peut toujours servir pour écrire des fanfictions), et surtout d’une liste non-exhaustive d’ouvrages proches d’Harry Potter, promesse de ne jamais tomber à court de lecture dans le domaine (même si certains n’ont malheureusement pas été traduits en français, comme le comic The Books of Magic, la série de romans The Dark is rising).
Quelques essais complètent l’ouvrage, un sur les symboles dans Harry Potter, intéressant et bien documenté, mais qui n’apporte rien de vraiment nouveau sur le sujet (qui n’avait jamais fait le lien Sirius Black = chien noir), et d’autres portant moins sur Harry Potter que sur d’autres points de la littérature jeunesse, les œuvres de Roald Dahl, le mythe de l’orphelin et la série Benett au collège.
Au final l’ouvrage est un peu décevant pour le fan d’Harry Potter pur et dur qui trouvera que ça ne parle pas assez de son sujet favori (ou sans apporter du nouveau). D’autant plus que celui-ci tiquera sûrement sur les choix de traduction. Garder les noms originaux est tout à l’honneur des auteurs, et éclaire bien mieux la série. Par contre, certains passages traduction maison (sans doute pour des raisons de droits, je présume) donnent lieu à des appellations étranges (un manteau d’invisibilité !).
Ceci dit, si vous n’avez jamais lu d’étude sur Harry Potter, celle-ci en vaut bien une autre, vu qu’elle reste bien documentée, intelligente et drôle (comment ça, la Samaritaine cacherait un bâtiment sorcier ?), avec une présentation inhabituelle. C’est un bon moyen de réviser ses classiques via une autre approche que les sept livres.
Si en plus, vous aimez la littérature jeunesse de fantasy et que vous aimeriez en savoir plus sur le sujet, et bien n’hésitez pas à vous lancer, d’autant plus que c’est un bel ouvrage, comme toujours chez les Moutons électriques (on passera sous silence les quelques coquilles et problèmes de numérotation, marque de fabrique de l’éditeur !).