Lorsque j’ai fait dédicacer mon exemplaire aux Rencontres de l’imaginaire à Sèvres, j’ai assez peu prêté attention à la dédicace de Nathalie Dau, parlant de ce recueil comme de sa « saison sombre ». C’est quelque part en plein milieu de ma lecture que je l’ai regardé à nouveau, et que je l’ai comprise.
Dans la forme, il n’y a que peu de différences avec le premier volume des Contes Myalgiques : beaucoup de nouvelles à rattacher au format du conte, avec des références piochées tout autour de la terre (des grands serpents d’Amazonie à la Clochette de J.M. Barrie).
Le ton, par contre, est définitivement plus sombre. Pas sur tous les textes, certains m’ont même semblé assez guillerets (comme Nouveau-né, sur le thème des MMORPG). Mais il y a une noirceur (une douleur même, dans certaines nouvelles) qui se ne cache pas, et l’humour est souvent plus grinçant qu’autre chose.
Du coup c’est une lecture qui demande de prendre son temps, pour bien digérer les nouvelles (ou s’en remettre, au choix), quitte à poser le livre pendant un jour ou deux, ce qui m’est arrivé à plusieurs reprises.
Moi qui aime bien les livres qui une fois terminés restent tellement en tête qu’on ne peut lire autre chose tout de suite, je suis toujours impressionnée quand une simple nouvelle de quelques pages me fait le même effet, autant dire que cette lecture m’a ravi (autant qu’on puisse utiliser cette expression pour des textes qui font naitre un tel sentiment d’horreur !).
Outre la noirceur, j’ai beaucoup apprécié la capacité de Nathalie Dau à créer des univers féeriques avec des choses assez récentes. Plutôt que de parler des châteaux forts ou des chevaliers, ses histoires parlent des mines, du monde ouvrier, des écoles privées dans le temps où les bonnes sœurs faisaient la classe…
Tout ça me rappelle beaucoup tout ce qu’on m’a raconté de la vie de mes grands-parents et la jeunesse de mes parents, et j’apprécie beaucoup ces évocations plutôt justes, avec une pointe de magie en plus.
Je ne rentrerais pas dans le détail de toutes les nouvelles, mais quelques textes ont tout particulièrement retenu mon attention :
- Knock, Knock, Knocking on Hell’s Door, qui évoque le travail dans les mines après la Guerre, avec une touche de fantastique qui s’invitent sous la forme des superstitions et histoires de mineurs sur ce qui se trouve au fond des mines. C’est un très beau texte qu’on sent bien documenté, avec tout un tas de mots d’argots.
- La force du déni, absolument glaçant, avec un sujet drôlement actuel qui plus est. C’est la nouvelle qui m’a fait poser le bouquin pendant deux jours d’ailleurs, si vous vous posiez la question.
- La peau du Diable, qui m’a fait revenir à la postface de Jean Millemann dans les Contes myalgiques I, dans laquelle il expliquait de Nathalie Dau souffrait de fibromyalgie. S’il y a une nouvelle au milieu de toutes où elle parle de sa maladie, je pense que c’est celle-là, et j’aurais du mal à expliquer à quel point le texte est poignant et le ton juste, il faut la lire pour comprendre.
- Pour qui sonne Clochette ?, une variation sinistre sur le thème de Peter Pan, avec une fin sur laquelle on rit jaune
Je me rends compte que je retiens les textes les plus horribles, je dois avoir un goût assez prononcé pour. Ceci dit il y a des histoires plus « mignonnes », comme le Goût du miel (que je connaissais déjà de l’anthologie Ouvre-toi !), ou Pour Camille, jolie histoire de Noël (pas tout sucre tout miel, mais un bel esprit de Noël tout de même).
En tout cas, s’il vous passe entre les mains, ce recueil vaut la peine d’être lu, il y a de très beaux textes.