mercredi 31 mars 2010

Sœur des cygnes – Juliet Marillier


En bonne férue de contes de fées, quand on me propose une réécriture sur le sujet, je ne passe jamais à coté. C’est bien pour ça que je me suis presque jetée sur Sœur des Cygnes (alias Daughter of the Forest en VO), de Juliet Marillier, découpé en deux tomes en français, comme d’habitudeeuuuuuuuh… C'est à lire d’une traite, bien sûr.

Si vous connaissez vos classiques, vous vous doutez que le conte dont s’inspire l’auteur est celui où une jeune fille doit tisser six chemises sans jamais parler, pour délivrer ses frères transformés en cygnes. La quatrième de couverture et Juliet Marillier elle-même renvoient à la version de Grimm (les six frères cygnes), mais ne vous y fiez pas, dans la structure et dans la dureté, on est bien plus proche de celle d’Andersen (les cygnes sauvages).

Sorcha vit au cœur d’une forêt, en Irlande, avec ses six frères et son père, seigneur du domaine de Septenaigue, située dans une Irlande imaginaire. Comme dans le conte, leur père décide un jour de se remarier, et la belle-mère est bien évidemment une méchante qui ne souhaite que se débarrasser de ces enfants qui ne sont pas les siens. Je vous laisse imaginer (ou lire) la suite.

Juliet Marillier prend son temps pour poser son histoire, puisque les cent premières pages sont consacrées à la présentation des personnages (les six frères sont clairement différenciés, leur histoire bien posée) et du décor (guerres entre irlandais et britons, forêt magique ou presque), si bien qu’on en vient à se demander où est le conte, où nous emmène-t-elle, et quand va arriver la méchante belle-mère.

Mais tout vient à point à qui sait attendre : transformation des frères, Sorcha s’enfuit et tisse ses chemises en silence (avec une plante qui offre un beau mixte entre la version d’Andersen et celle de Grimm, d’ailleurs) et l’histoire retrouve le conte dans les grandes lignes, en plus long, en plus dense, en plus riche…

J’ai eu un peu de mal à rentrer dans l’histoire au départ parce que c’est très classique comme fantasy : ambiance celtique qui rappelle nombre de fantasy arthurienne, écriture plutôt lisse. Il faut attendre que l’histoire bascule réellement dans le conte pour plonger dans l’aventure aux cotés de Sorcha.

Le conte originel joue sur le profond dilemme de l’héroïne, qui ne peut parler sous peine de condamner ses frères, mais ne peut sauver sa vie –et donc ses frères, vu que leur libération dépend d’elle- qu’en prenant la parole. C’est agréable que pour une fois d’avoir une histoire où ce qui est admirable n’est pas les exploits ou les capacités exceptionnelles du héros, mais plutôt sa capacité à persévérer dans ce qui relève presque de la folie.

Certes, certains passages sont un peu clichés, et parfois à la limite de la guimauve, c’est le revers de la médaille de développer un matériel qui l’est déjà à la base, mais tout cela se lit bien, et même d’une traite une fois passée l’introduction.

C’est donc une très bonne adaptation de conte. Juliet Marillier a su densifier la matière originelle, donner de la consistance aux personnages et développer un univers pseudo-historique plutôt sympathique. Pour les amateurs de contes, c’est donc passionnant à lire, et on pardonnera facilement le coté un peu lisse de Sœur des cygnes (les couvertures sont jolies en plus !).

Il faut savoir qu’il existe trois tomes à la suite de celui-ci, se passant dans le même univers mais à des époques différentes, et sans le prétexte du conte. Je me demande si Atalante va se pencher dessus…

lundi 29 mars 2010

Fables 9 : Les loups – Bill Willingham


Voilà bien longtemps que le tome 8 de la série Fables est sorti. Panini a réédité ensuite les premiers tomes, sorti la série Jack des Fables (que je n’ai pas lu parce que je suis pas hyper fan de Jack donc…), et enfin nous arrive le tome 9, Les loups.

Nous avions laissé la dernière fois nos héros occupés… à pas grand-chose en fait. Une rencontre avec des Fables arabes dont Sinbad, quelques complots et manigances, mais rien de bien neuf comparé au tome 7. Cette fois, l’intrigue reprend, et on va parler… de loups, évidemment.

Mais pas tout de suite. La Ballade de Rodney et Jude, qui ouvre le recueil, nous fait suivre les pas d’un des soldats de l’Adversaire, pour une histoire d’amour touchante. D’abord très intimiste, elle s’ouvre à la fin sur une dimension plus large, non sans émouvoir et faire froid dans le dos en même temps.

Vient ensuite Les loups, qui nous ramène enfin dans l’action puisqu’on suit les pas de Mowgli parti à la recherche de Bigdy. Paysages sauvages, rencontres avec des loups, on n’est pas loin du Livre de la Jungle. Quelques scènes de vie à la Ferme de Blanche Neige et de sa famille s’intercalent de ci de là, ce qui donne un récit intéressant et plutôt bien rythmé.

Le troisième récit, Happily Ever After (est-ce vraiment la peine de traduire ?), est celui d’une mission top secrète de Bigdy, et de ses retrouvailles avec Blanche-Neige et ses loupiots. Il était temps ! Et non ce n’est pas un spoiler, honnêtement qui ne l’avait pas vu venir ? Surtout vu la très belle -mais elles le sont toujours dans cette série- couverture ?

C’est certainement l’histoire de laquelle j’attendais le plus, et j’ai été un poil déçue. On appréciera l’intégration d’éléments de contes de fées, l’histoire ultra-guimauve, ou le caractère très autoritaire de Blanche-Neige qui refait vite surface, mais il y a des passages où les propos de l’auteur m’ont fait grincer des dents.

Enfin, le dernier récit, Grands et petits, suit les pas de Cendrillon dans une de ses « missions », et c’est vraiment très drôle à lire. On est très loin de la fille qui suit les sages préceptes de sa marraine, et c’est marrant de la voir ultra-indépendante, pleine de ressources, plongée dans les négociations et les manigances, tout en discutant –en vannant presque- le Prince Charmant (« ex-amour de ma vie », comme elle l’appelle).

Globalement c’est un bon album, qui fait avancer le smilblick, contrairement au précédent, mais je lui trouve moins de charme qu’aux premiers. Le mélange contes de fées/vie réelle n’est pas toujours aussi finement dosé, et le dessin n’est pas extraordinaire (hormis les couvertures, bien sûr). Bref, c’est à lire, mais avec moins d’enthousiasme. Ca ne m’empêchera pas de continuer ceci dit.

samedi 27 mars 2010

L’arnacoeur - Pascal Chaumeil


C’était le printemps du cinéma en début de semaine, et je voulais quand même profiter de l’opportunité. N’ayant de film particulier à voir, je me suis rabattue sur l’Arnacoeur : très bonnes critiques, et pour une fois qu’on n’a pas besoin de débourser 8 à 10 euros, il faut en profiter.

Romain Duris y campe un personnage assez particulier dont le boulot, aidé par sa sœur et son beau-frère, est de briser des couples. Mais pas tous, il ne prend pour cible que les femmes malheureuses. Et il se contente de leur ouvrir les yeux, « pas les jambes » pour citer l’inénarrable beau-frère. Pour cela tous les moyens sont bons, y compris les plus grandiloquents, comme le montre l’introduction du film.

Mais alors que Romain Duris… enfin Alex revient du Maroc, il se retrouve sérieusement à court d’argent. Il ne peut se permettre de refuser une proposition de travail : il a dix jours pour convaincre Juliette (alias Vanessa Paradis) de ne pas se marier alors qu’elle semble parfaitement heureuse et décidée à épouser son homme parfait.

L’arnacoeur est une comédie romantique donc, dans la pure tradition des comédies romantiques. Je suis sûre d’avoir lu à quelque part un synopsis de ce type, et fondamentalement il n’y aucune surprise dans le scénario qui se termine comme il doit, bien évidemment (mais je ne vous dirais pas comment !).

Mais c’est un film rigolo et distrayant, avec de bonnes tranches de rigolade. Il n’y a pas de réelle surprise scénaristique, mais l’inventivité dont fait preuve la bande à Alex pour réussir à faire annuler le mariage de Juliette vaut le détour.

Il y a quelques très bonnes trouvailles, d’autant plus que tout cela se passe dans l’environnement ultra chic (et riche) de Monaco. Et il faut compter avec quelques références à Dirty Dancing (je pense que tous les critiques de cinéma doivent être fans de ce film tant ils brandissent cet argument), mais vu que je ne l’ai jamais vu, je vous avoue qu’elles m’échappent quelque peu.

Ce n’est pas le film du siècle, mais on passe un bon moment, surtout dans une salle comble où le rire est communicatif. Le scénario est prévisible, mais les personnages sont plutôt sympas (mention spéciale à la sœur caméléon et au le beau-frère qui a une tête -et des tee-shirt- de geek). C’est une comédie sans prétention, un pur produit à 3,90 euros pour le printemps du cinéma.

mercredi 24 mars 2010

Suprême : l’âge d’or – Alan Moore


Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas mis le nez dans un comic d’Alan Moore. Et j’ai pris mon temps avant de l’ouvrir, parce qu’en général ce n’est pas le genre de bouquin qui se lit distraitement. C’est d’ailleurs pour ça que je n’ai jamais fait de chronique sur V pour Vendetta, j’étais incapable d’en dire quoi que ce soit une fois le comic refermé ! Ceci dit Suprême est bien moins complexe à aborder, et si on y trouve une intrigue riche en (c’est du Alan Moore après tout), ce comic est infiniment plus simple à aborder.

Suprême est un super-héros à la Superman. S’il ne vient pas d’une autre planète, il a été exposé petit aux radiations d’une météorite qui lui ont conféré un paquet de super-pouvoirs : force, vol, yeux qui lancent des rayons… est-ce vraiment la peine de continuer la liste ? Jusque dans le costume, on dirait un clone de Superman. Qui porte lui aussi des lunettes en civil pour cacher son identité.

Après quelques années d’absence, Suprême revient sur Terre, à moitié amnésique. Après une rencontre assez déjantée avec toutes ses versions alternatives réfugiées dans les limbes après la « redéfinition » de leur monde, le voilà occupé à essayer de retrouver son passé tout en menant une carrière de dessinateur de comic.

Voilà donc Suprême bien occupé. A retrouver sa forteresse –de solitude ?- et à y remettre de l’ordre. A renouer le contact avec ses anciens alliés et amis, parfois bien dans la mouise. A affronter quelques méchants ultimes. Et surtout à retrouver la mémoire, ce qui induit moult flash-backs.

C’est là où le comic devient intéressant, car le style graphique change entre présent et passé, passant d’un design plutôt moderne à quelque chose de très archaïque (plus rudimentaire dans le dessin, plus coloré, avec des couvertures kitsch à souhait…). Comme pour bien marquer la différence d’époque.

Et ce n’est qu’un des nombreux jeux introduits par les auteurs du comic. Même si l’histoire est globalement assez classique et linéaire, elle est truffée de clins d’œil aux comics de l’âge d’or (d’où le titre d’ailleurs) et bien évidemment à Superman.

Sans en avoir l’air, l’intrigue déborde d’ironie. On trouve quelques mises en abîme comme le super-héros qui dessine des histoires de super-héros dans le civil (et qui parle de Neil Gaiman !), ou le passage des redéfinitions qui évoque les multiples remise à zéro des histoires de super-héros. Et Alan Moore se moque pas qu’un peu des super-héros quand il étudie les différences histoires d’amour de Suprême, qui finissent toutes de façon abominable bien sûr.

Franchement, vous avez déjà vu ça dans un comic :
« Salut Suprême ! Fakeface a pris la place du président et s’apprête à déclencher une guerre mondiale ! Tu viens nous aider à l’arrêter ?
- Judy est à sa réunion Tupperware, je garde les gosses. »

Ce mélange d’une histoire old school riche en rebondissements et en méchants ultimes et d’une bonne dose de second degré est vraiment plaisant à lire. C’est beaucoup moins complexe que ce que fait Alan Moore d’ordinaire, mais c’est sacrément chouette.

dimanche 21 mars 2010

Xenocide (Cycle d’Ender 3) – Orson Scott Card


Vous pourrez remercier Alixe (pour ceux qui la connaissent), cette dernière lecture est presque entièrement de son fait. En tout cas son argumentaire m’a bien donné envie de me remettre au cycle d'Ender, même si je n’avais pas entendu que des bons échos des tomes 3 et 4.

Pour ceux qui ont un train de retard (et même deux), vous pouvez découvrir le premier opus ici, et sa suite ici. Xenocide reprend l’histoire où elle s’arrêtait dans la Voix des morts, à quelques mois/années près. Tout dépend du point de vue, entre ceux qui sont en train de voyager dans l’espace à la vitesse de la lumière, pendant que d’autres laisser passer le temps plus normalement sur la petite planète Lusitania.

Mais le premier chapitre laisse de coté les habitués de la série pour se pencher sur les habitants d’un autre monde, celui de la Voie, où la société d’origine chinoise est clairement scindée entre les gens « normaux » et les Elus des Dieux.

Une fois passé ce chapitre étrange, on retourne en terrain connu (avec Valentine) et des en-têtes de chapitre où deux mystérieux interlocuteurs discutent sans qu’on sache leur identité (du moins au début). Au programme : la cohabitation de plusieurs espèces intelligentes ; des recherches scientifiques sur la descolada et sur le voyage à vitesse supraluminique ; et bien sûr une course contre la montre pour prendre de vitesse une flotte de vaisseaux qui arrive pour détruire Lusitania.

On ne s’ennuie donc pas au fil des pages, vu la quantité d’idées, d’informations et d’évènements à digérer pour un ouvrage qui ne fait même pas 600 pages. Contrairement aux deux tomes précédents dont la ligne narrative était relativement claire (et unique, bien que complexe), ici, la narration explose littéralement en multipliant les points de vue et les lieux.

Cela donne des choses très intéressantes, car pour un même fait, on dispose parfois du point de vue de différents personnages. Les échanges entre Qing-Jao et Wang-Mu sont très intéressants à cet égard, puisqu’aucune des deux a la même vision d’une situation identique.

Comme les deux tomes qui le précèdent, Xenocide est un roman prenant qu’on lirait facilement d’un bout à l’autre d’une traite, même si il peut être bon de faire quelques pauses pour bien tout assimiler.

L’histoire commence avec une sacrée épée de Damoclès au dessus de la tête des héros, et cela ne va pas en s’arrangeant. Orson Scott Card sait ménager son suspens, mais au lieu de suspendre le lecteur à une révélation finale, on va ici de révélation en révélation et de découverte en découverte, ce qui multiplie les réflexions entre les personnages.

Certaines réflexions sont vraiment intéressantes. Toute l’interrogation autour de l’Autre (une constante de la série) est menée avec brio, surtout qu’elle concerne ici non pas la confrontation de deux espèces, mais de trois voire quatre espèces différentes (je vous laisse imaginer le bazar intergalactique qui en découle et le niveau des discussions philosophiques).

La question de l’Autre est d’autant plus passionnante qu’elle croise toute une réflexion sur la conscience (Qu’est qu’un être intelligent ? Qu’en est-il d’un être comme Jane ?), le déterminisme biologique et le libre-arbitre qui n’est pas anodine, et qui sonne très juste. A coté de ces grandes questions, l’auteur ménage des passages plus intimistes et émouvants, qui s’intéressent plus aux personnages, à leurs choix et à la façon dont ils mènent leur vie.

Bref, on ne s’ennuie pas à lire Xenocide, et même si on ne sera pas d’accord avec tout ce que dit l’auteur, on ne pourra qu’approuver certaines réflexions, et apprécier l’intrigue dense et riche, sans aucune temps mort.

Le seul bémol se trouve dans la dernière partie du roman, qui vire dans une dimension ésotérico-psychologique qui m’a laissé assez sceptique, je l’avoue. Elle éclaircit certes quelques points obscurs du cycle, mais elle détonne un peu comparé au reste du roman qui est extrêmement rationnel.

L’autre bizarrerie de cette dernière partie, vient de l’impression de ne pas avoir tellement avancé que cela par rapport à la fin du tome 2, même s’il s’est passé plein de choses. Cependant, si on laisse de coté cette légère déception c’est un roman diablement intéressant, et je jetterais sûrement un œil à la suite, Les enfants de l’esprit, pour voir comment tout cela se termine.

mercredi 17 mars 2010

Titus d’enfer – Mervyn Peake


Voilà un moment que Titus d’Enfer trainait sur mon étagère, sans que je me décide à l’entamer. Et puis est passée pendant les vacances de Noël l’adaptation en téléfilm par la BBC. Charmée par cette atmosphère très étrange, je suis allée chercher le bouquin et… bien plus tard, je l’ai enfin fini.

Pour une fois, je n’ai pas regretté cet avant-goût télévisuel, parce qu’il m’a considérablement aidé à entrer dans l’histoire. Les premiers chapitres sont facilement rebutants, mais la patience est récompensé, car c’est un très beau –mais très étrange- roman qui se dévoile ensuite.

Titus d’Enfer suit les pas d’un étrange château perdu au milieu de nulle part, Gormenghast, où règne la maison d’Enfer. C’est un univers étrange, agglomérat de bâtiments de tous âges adossés les uns aux autres, régi par des rituels à toute heure de la journée et de la nuit, et peuplé d’êtres, qui, à l’image des lieux, sont tous complètement fous. Le livre s’ouvre avec la naissance du prochain comte (le Titus du titre) qui va mettre en route tout un enchainement d’évènements.

Mais l’arrivée de Titus intéresse fort peu l’auteur, qui préfère d’abord nous balader dans le château (ses couloirs labyrinthiques, ses toits, le village des sculpteurs à l’extérieur de ses murs) pour nous en présenter la famille d’Enfer : Lord Tombal, actuel comte mélancolique qui ne vit que pour lire ; sa femme, Gertrude, intéressée uniquement par ses chats et ses oiseaux ; Fuschia, leur fille ainée, rêveuse romantique qui a oublié de grandir ; Cora et Clarice, les sœurs (jumelles) du comte, complètement folles.

Autour d’elle gravite différents personnages comme le serviteur du compte, le très sec Craclosse, le Dr Salprune (foudre d’éloquence) et sa sœur Irma (qui répète toutes ses questions), Nannie Glu la gouvernante (toujours à se plaindre), Lenflure le chef cuisinier (qu’on n’aimerait pas croiser dans un couloir). Sans être aussi atteints que la famille (quoique), tous ont leur grain de folie.

Au milieu de tout ce petit monde évolue l’ambitieux Finelame, peut-être le seul être « normal » dans ce monde de fous, qui tire les ficelles, manipule, complote et fait des plans, suite à la naissance de l’héritier.

Même le résumé de Titus d’Enfer ressemble à une description, et c’est sans doute parce le roman ressemble beaucoup à une visite guidée. Un peu difficile à attaquer au début, je le disais plus haut, mais on finit par s’habituer au fait que le château de Gormenghast soit un personnage au moins aussi important que ses habitants, à sa façon. Et qu’on passe d’un habitant à l’autre comme on passerait d’une pièce à une autre.

C’est un roman bizarre, mais quand on rentre dedans, il exerce une étrange fascination. L’univers baroque et décadent y est pour quelque chose, ainsi que sa galerie de personnages tous aussi timbrés les uns que les autres.

La virtuosité de l’écriture joue aussi. Le vocabulaire est extrêmement riche, et les descriptions ne sont pas banales du tout. Je peux difficilement vous mettre un extrait ici (ceux qui me viennent en tête avoisinent la page entière), mais à un moment par exemple, Mervyn Peake pose le décor au travers du reflet d’une goutte d’eau qui coule le long d’une feuille. Et cela à deux reprises. C’est juste fou, et magnifique.

Les dialogues sont délicieux et incroyablement musicaux. Le genre qu’on lit à voit haute pour mieux les savourer, qu’il s’agisse des diatribes de Salprune, dont on ne sait jamais s’il se moque ou s’il est sérieux (surtout avec sa sœur), ou des échanges des jumelles où on oublie très vite qui a dit quoi.

Ambiance décalée, écriture délicatement ciselée, ce livre est assez unique dans son (absence de) genre. Nul doute que je jetterais un œil à la suite (Ghormenghast), curieuse d’en savoir plus sur la destinée de Gormenghast et de la lignée d’Enfer.

jeudi 11 mars 2010

Sherlock Holmes – Arthur Conan Doyle


Ca m’aura pris trois semaines de lecture intensive, mais je suis enfin venue à bout de l’intégrale de Sherlock Holmes, le célèbre détective de Baker Street dont je ne connaissais rien, suite au film qui avait sérieusement titillé ma curiosité. Et dire qu’on doit ce grand élan de lecture de ma part à Robert Downey Jr., n’est pas magnifique ?

Mais je m’égare. Dois-je vraiment présenter le personnage de Sherlock Holmes ? Héros créé par Arthur Conan Doyle, c’est un des sinon le plus célèbre des détectives, connu pour sa brillantissime intelligence, ses connaissances encyclopédiques en criminologie (entre autres), sa pipe dont il ne se sépare jamais, et bien sûr son éternel acolyte qu’est le Dr Watson.

Excusez cet étalement de généralités connues de tous, mais sait-on jamais… tout le monde connait Sherlock Holmes, mais tout le monde n’a pas forcément lu les textes originaux. Pour moi c’était une grande première, et vous me pardonnez la chronique un peu chaotique qui suit (j'aurais dû prendre des notes, j'aurais dû !).

Même si la version que j’ai lu porte la mention d’« œuvres complètes », c’est apparemment une vision assez relative au vu du bazar que constituent les textes mettant en scène le personnage : il y a les textes de Arthur Conan Doyle, bien sûr. Il y en a d’autres dont l’attribution est floue. Il y a ceux écrits par son fils, et enfin tout un paquet d’œuvres écrites par d’autres auteurs dont je vous épargne la liste complète (Sherlock Holmes s’invite notamment chez Arsène Lupin, rien que ça !).

Pour ma part, je m’en suis tenue au « canon », c'est-à-dire quelque chose comme quatre romans (Une étude en rouge, le Signe de quatre, le Chien des Baskerville et la Vallée de la peur) et cinq recueils de nouvelles (les Aventures de SH, les Mémoires de SH, le Retour de SH, Son dernier coup d’archet et les Archives de SH).

[SH = Sherlock Holmes bien sûr, à force c'est usant à écrire]

A quoi ça ressemble donc ? Le schéma est à peu près toujours le même, qu’on ait affaire à des romans ou à des nouvelles. L’histoire est racontée, sauf exception, par le Dr. Waston, à la première personne. Quelqu’un vient consulter SH pour résoudre un problème, celui-ci étudie l’affaire, fait sa petite enquête, avant d’éclairer tout le monde en fournissant son explication en guise de fin de l’histoire, explication surprenante et généralement très différence de ce à quoi on s’attendait, bien évidemment.

Jusque là j’ai un peu l’impression de décrire n’importe quel roman policier, cependant, il y a quelques détails qui m’ont marqué. Il faut déjà s’arrêter sur la personnalité du héros qui est un vrai personnage, avec réelle épaisseur. SH est incroyablement intelligent mais complètement dénué d’émotion, il travaille pour le défi plus que pour le prestige, il est bourré de manies détestables et il est particulièrement cassant les gens…

Il est contrebalancé par son acolyte, Watson (j’allais dire « le bon docteur Watson »), un peu naïf mais pas autant que le dit SH, nettement plus humain (qui a une vie à coté, en plus). Il tient un peu la place du lecteur, à suivre le héros, à hasarder des hypothèses et à faire de son mieux bien que comparé à SH il ne fasse pas le poids.

Bref, rien d’étonnant qu’un tel duo soit resté dans les mémoires. D’autant plus que certaines conclusions sont parfois surprenantes. Sherlock Holmes a une vision très personnelle de la justice, et le ou les coupables ne finissent pas toujours en prison. Il se rapproche drôlement de la figure d’un justicier parfois, surtout qu’il ne travaille pas vraiment pour l’argent.

L’autre élément qui m’a frappé, ce sont les enquêtes en elles-mêmes qui sont très diversifiées. Il y a des meurtres et des vols, bien sûr, mais il y a aussi des problèmes relevant de l’insolite, de l’étrange ou même mieux, de la vie de famille. Et parfois des débuts complètement fous, comme quand on demande à Holmes d’élucider le mystère de la ligue des rouquins, ou de retrouver le propriétaire d’une dinde de noël égarée (l'escarboucle bleue)

Ceci dit la recette est un peu toujours la même, et si bien qu'on finit par deviner la clé du mystère avant la fin. Pas avant Sherlock Holmes bien sûr, mais avant qu’il ne révèle la solution ça devient possible, parce que les mécanismes sont souvent les mêmes.

Doyle offre quand même quelques variations. Il abandonne le point de vue de Watson à plusieurs reprises, pour une troisième personne plus neutre, et mieux encore, pour confier deux fois la narration à SH himself (le soldat blanchi, la crinière du lion), ce qui donne un texte assez mordant. Certaines nouvelles sont des aventures qui ne recèlent aucune énigme à proprement parlé (le dernier problème, son dernier coup d'archet...), et sur la fin, les résolutions m’ont parues plus axées sur la science que sur la pure logique. Un changement de siècle ?

En tout cas, si ce n’est pas une série qui est fait pour être lu à la chaine comme j’ai eu la bonne idée de le faire, c’est une lecture très agréable : les nouvelles sont courtes et s’enchainent facilement, ce qui fait qu’on peut lire ça n’importe quand, on a la certitude d’avoir la conclusion assez vite. Les romans quant à eux permettent de créer une vraie ambiance.

Et puis il y a tout un jeu sur les non-dits (toutes ces enquêtes évoquées mais jamais écrites), et sur la narration (SH accuse Watson de l'enjoliver et de choisir des sujets tapageurs, alors que le docteur prétend privilégier les histoires intéressantes du point de vue du raisonnement de son ami) qui pimente la lecture.

C’est une série intéressante, mais tout n’a pas besoin d’être lu. Je vous recommande plus que chaudement la lecture de deux des romans, Une étude en rouge (qui pose les bases de la mythologie) le Chien des Baskerville (un mystère, du suspens, des retournements… on ne s’y ennuie pas, d’autant plus que pour une fois la moitié du roman n’est pas occupée par le passé des personnages).

Ajoutez à ça quelques nouvelles autant pour se distraire que pour découvrir quelques éléments clés du personnage (sa « mort », son adversaire ultime qui finalement n’ apparait –et encore- dans trois nouvelles !), et quelques autres pour la pure distraction (La Ligue des rouquins, L'Escarboucle bleue, La Figure jaune, l'Homme à la lèvre tordue sont celles qui me reviennent), et vous ne devriez pas vous ennuyer !

Quant à moi, maintenant j’ai un excellent prétexte, je lis les Nombreuses vies de Sherlock Holmes !

lundi 8 mars 2010

Noob Saison 1.5 : La Pierre des Ages – Fabien Fournier


C’est décidément la mode chez les séries humoristiques audio ou vidéo, d’envahir les rayonnages des bibliothèques avec des romans et des BDs. Je m’étais penchée sur la saison 4 de Naheulbeuk en décembre, ça ne vous étonnera donc pas que je jette aussi un œil à la saison 1.5 de Noob, la Pierre des Ages.

Ce roman porte bien son qualificatif de 1.5, puisqu’il se déroule entre la saison 1 et la saison 2 de cette série incontournable sur les MMORPG. On y retrouve bien sûr la fameuse guilde Noob, qui doit accomplir une série de quêtes cachées dans le jeu promettant une belle récompense en objets et en XP. Mais attention, ils doivent les terminer avant la très attendue mise à jour Horizon 1.1 (qui marque le début de la saison 2). Et évidemment, vu les phénomènes qui composent la guilde, cela ne sera pas de tout repos.

C’est un roman intéressant à lire pour les fans de la série. Il apporte pas mal de contexte, que ce soit sur le jeu vidéo ou les personnages dans la vraie vie. Je mentionnerais particulièrement le cas d’Omega Zell dont la biographie mitonnée par l’auteur vaut vraiment le détour. On découvre aussi quelques détails croustillants sur Gaea et Arthéon. Rien sur Sparadrap par contre, mais on en savait déjà beaucoup sur lui de toute façon.

La Pierre des Ages offre également l’opportunité de voir une vraie session de guilde où on suit une quête d’un bout à l’autre, avec les mécaniques de jeu, les interruptions nécessaires que sont le sommeil et le boulot pour certains, et des décors qu’on ne verra jamais dans la série à moins qu’ILM ou WETA ne s’en mêlent.

Coté écriture par contre, ce n’est pas la panacée. Le problème vient, je pense, du fait qu’on a affaire à un roman et pas à un épisode. Du coup des recettes qui fonctionnent en vidéo tombent un peu à plat dans un roman. Ca se lit bien (et vite) mais on ne rigole pas tant que ça (comparé à la série). Certains passages sont même un peu poussifs, comme quand on lit une novélisation de film. Il n’y a guère que quelques moments où on sent que l’auteur exploite vraiment le support roman.

C’est donc une lecture pas désagréable qui amène deux ou trois clins d’œil sympas, mais sauf pour les mordus de la série, rien d’indispensable.

lundi 1 mars 2010

Fantastic Mr Fox – Wes Anderson


Chic alors, un nouveau film de Wes Anderson ! Toujours un évènement pour moi, vu que je suis (pas qu’un peu) fan des réalisations du bonhomme depuis que j’ai vu The Aquatic life with Steve Zissou. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre quand je suis allée voir cette espèce de parodie de commandant Cousteau, mais c’était tellement drôle et triste à la fois, coloré et complètement décalé que je suis tombée sous le charme.

The Darjeeling Limited était pas mal aussi dans son genre avec ces trois frangins plus-dissemblable-tu-meurs qui parcourent l’Inde à la recherche de leur mère, mais c’est plutôt le film fétiche de ma maman (la preuve, elle me l’a demandé en DVD alors que je ne suis même pas sûre qu’elle sache comment le regarder –pardon Maman j’ai pas pu m’empêcher-).

Bref je n’allais pas laissé passer son nouveau bébé, Fantastic Mr Fox, un film d’animation cette fois-ci. Ce qui surprend quand même au premier abord, mais le ton très décalé de la bande-annonce a suffi à me convaincre qu’on avait affaire à un pur Wes Anderson.

Coté voix, déjà, on est à moitié en terrain connu puisqu’on croise pas mal d’habitués des films d’Anderson comme Bill Murray. Le reste du casting est très classe : le rôle titre est notamment assuré par George Clooney, et c’est LA raison de voir le film en VO (bon courage pour trouver une salle par contre).

L’histoire est tirée d’un roman de Roald Dahl, ce qui promet de bons moments en soi. Je n’ai pas lu le roman, mais Wes Anderson en tire une histoire loufoque et colorée, pas franchement morale en plus (puisque Mr Fox se créé lui-même ses problèmes de sa propre volonté, mais c’est parce qu’il est « un animal sauvage » qu'il explique). Disons que cela se résume en gros à la lutte entre un renard chapardeur et les trois fermiers qu’il a cambriolé, qui implique vite tous les animaux des environs.

Comme d’habitude, les héros ont tous un grain de folie, les péripéties sont nombreuses et drôles, et entre deux fous rires, on se ménage quelques petits moments d’émotion (dans les relations père/fils, un élément récurrent chez Wes Anderson décidément).

La technique d’animation est très particulière, puisqu’on a affaire à de l’image par image avec des marionnettes, façon Wallace&Gromit ou Coraline mais en plus rudimentaire. Cela donne un aspect très old school à l’image, qui n’est pas du tout désagréable. Celui-ci est d’ailleurs renforcé par l’emploi du dessin notamment pour les effets spéciaux (les flammes ont réellement l’air d’avoir été peintes directement sur l’image).

Le résultat est un très joli film qui se déguste avec plaisir : léger, mignon, avec un look très particulier. La bande originale est, comme toujours avec Wes Anderson, déjantée, avec d’une part une partition signée Alexandre Desplat, et d’autre part un paquet de musiques récupérés à droite à gauche. Et je compte bien l’ajouter à ma collection, à l’occasion.

Fantastic Mr. Fox est donc un bon bol d’air frais, qui certes ne casse pas trois pattes à un canard (à un poulet par contre...) mais permet de passer un moment agréable au cinéma. Et en plus on peut y emmener toute la famille (à condition de consentir à sacrifier George Clooney si vos enfants ne comprennent pas l’anglais !).