En bonne férue de contes de fées, quand on me propose une réécriture sur le sujet, je ne passe jamais à coté. C’est bien pour ça que je me suis presque jetée sur Sœur des Cygnes (alias Daughter of the Forest en VO), de Juliet Marillier, découpé en deux tomes en français, comme d’habitudeeuuuuuuuh… C'est à lire d’une traite, bien sûr.
Si vous connaissez vos classiques, vous vous doutez que le conte dont s’inspire l’auteur est celui où une jeune fille doit tisser six chemises sans jamais parler, pour délivrer ses frères transformés en cygnes. La quatrième de couverture et Juliet Marillier elle-même renvoient à la version de Grimm (les six frères cygnes), mais ne vous y fiez pas, dans la structure et dans la dureté, on est bien plus proche de celle d’Andersen (les cygnes sauvages).
Sorcha vit au cœur d’une forêt, en Irlande, avec ses six frères et son père, seigneur du domaine de Septenaigue, située dans une Irlande imaginaire. Comme dans le conte, leur père décide un jour de se remarier, et la belle-mère est bien évidemment une méchante qui ne souhaite que se débarrasser de ces enfants qui ne sont pas les siens. Je vous laisse imaginer (ou lire) la suite.
Juliet Marillier prend son temps pour poser son histoire, puisque les cent premières pages sont consacrées à la présentation des personnages (les six frères sont clairement différenciés, leur histoire bien posée) et du décor (guerres entre irlandais et britons, forêt magique ou presque), si bien qu’on en vient à se demander où est le conte, où nous emmène-t-elle, et quand va arriver la méchante belle-mère.
Mais tout vient à point à qui sait attendre : transformation des frères, Sorcha s’enfuit et tisse ses chemises en silence (avec une plante qui offre un beau mixte entre la version d’Andersen et celle de Grimm, d’ailleurs) et l’histoire retrouve le conte dans les grandes lignes, en plus long, en plus dense, en plus riche…
J’ai eu un peu de mal à rentrer dans l’histoire au départ parce que c’est très classique comme fantasy : ambiance celtique qui rappelle nombre de fantasy arthurienne, écriture plutôt lisse. Il faut attendre que l’histoire bascule réellement dans le conte pour plonger dans l’aventure aux cotés de Sorcha.
Le conte originel joue sur le profond dilemme de l’héroïne, qui ne peut parler sous peine de condamner ses frères, mais ne peut sauver sa vie –et donc ses frères, vu que leur libération dépend d’elle- qu’en prenant la parole. C’est agréable que pour une fois d’avoir une histoire où ce qui est admirable n’est pas les exploits ou les capacités exceptionnelles du héros, mais plutôt sa capacité à persévérer dans ce qui relève presque de la folie.
Certes, certains passages sont un peu clichés, et parfois à la limite de la guimauve, c’est le revers de la médaille de développer un matériel qui l’est déjà à la base, mais tout cela se lit bien, et même d’une traite une fois passée l’introduction.
C’est donc une très bonne adaptation de conte. Juliet Marillier a su densifier la matière originelle, donner de la consistance aux personnages et développer un univers pseudo-historique plutôt sympathique. Pour les amateurs de contes, c’est donc passionnant à lire, et on pardonnera facilement le coté un peu lisse de Sœur des cygnes (les couvertures sont jolies en plus !).
Il faut savoir qu’il existe trois tomes à la suite de celui-ci, se passant dans le même univers mais à des époques différentes, et sans le prétexte du conte. Je me demande si Atalante va se pencher dessus…