La semaine dernière, j’ai mis la main sur la démo de Drakensang, rpg qui semblait être conçu pour les amateurs de Baldur’s gate à en lire les avis sur le net. J’installe donc, je lance… et je trouve que le jeu rame beaucoup.
Vous cherchez le rapport avec Gabriel Knight ? Et bien dans la foulée j’ai fait ma crise habituelle de « puisque les nouveaux jeux ne marchent pas autant utiliser les anciens », et je suis donc revenue à une série que j’avais commencé sans jamais la finir (version buggée du 1er empêchant de la finir, 2e incompatible avec Windows XP, et 3e… étant bloquée au bout de 2 min faute de maîtriser les commandes, j’ai laissé tombé).
Cette série, c’est donc Gabriel Knight, trilogie de jeux d’aventure qui ont bien marqué leur époque à leur façon, à ce que j’ai cru comprendre. A la différence de mes chouchous habituels comme Day of the Tentacle ou Monkey Island, Gabriel Knight, conçu par Jane Jensen, est beaucoup plus sérieux (même si non dénué d’humour), et tape une veine bien différente, celle du polar à tendance fantastique…
Ca se joue sous
DOS box (pour un mode d’emploi en français,
c’est par ici), et c’est un incontournable si vous avez envie de vous prendre une bonne claque dans la gueule (vous savez l’éternel « mes graphismes sont pourris mais je t’en mets plein les yeux quand même »).
Gabriel Knight : The Sins of the Fathers
Notre histoire commence à la Nouvelle Orléans, dans une librairie miteuse, tenue par Gabriel Knight (mufle cynique, dragueur invétéré, et écrivain plus ou moins raté) et gérée par la charmante et cinglante Grace Nakimura.
L’intro pose d’office les deux registres de l’histoire : le dramatique d’un rêve assez obscur de Gabriel avec une femme, un bûcher, un pendu et autres horreurs ; l’humour des échanges entre Grace (qui fait office de répondeur téléphonique) et Gabriel (qui a beaucoup trop de petites amies).
C’est à la fois pour éclaircir un peu ces rêves étranges, mais aussi pour écrire un nouveau livre que Gabriel va partir enquêter sur les mystérieux meurtres vaudou ayant actuellement lieu en ville. Le voilà donc parti, magnétophone en poche, dans une aventure bien plus complexe qu’on pourrait s’y attendre au premier abord, surtout quand elle prend un tour très personnel.
L’aventure est découpée en journées (qui s’ouvrent toutes avec une citation qui a j’imagine un rapport avec les évènements à venir mais je n’ai jamais vraiment pu vérifié). Chaque matin Gabriel se lève, papote avec Grace, et se met en route. Musée Vaudou, bayou, église, commissariat où travaille son ami le détective Mosely, tout est bon pour trouver des indices, même chez Grand-Mère Knight !
L’interface est celle habituelle des point’n’click : tout se fait à la souris, et en faisant un clic droit on change la forme du curseur en fonction de l’action (regarder, prendre, parler…). On dispose bien sûr d’un inventaire qui se remplit fort vite, d’un menu de sauvegarde (à utiliser plus que fréquemment, surtout à la fin où il suffit parfois de tourner à gauche et non à droite pour mourir !), mais aussi d’un accès au magnétophone pour réécouter tous les dialogues (pratique pour les étourdis).
Le jeu est plus que difficile. Personnellement je l’ai avancé avec la solution sous le coude, étant en permanence bloquée, d’autant plus qu’il est nécessaire de réaliser un certain nombre d’actions avant de clore la journée. Honnêtement il m’est arrivé de ne même pas comprendre le pourquoi de telle action (alors que d’habitude quand on regarde une solution, on se dit « Bon sang mais c’est bien sûr ! »).
Il faut être extrêmement vigilant, à ce qu’on voit, à ce qu’on entend, à bien rassembler les morceaux de l’énigme et à les lier entre eux. Il faut harceler toutes les personnes interrogeables pour obtenir des informations, fouiller en détail les lieux, et recouper ça avec quelques recherches de fonds que Grace se fera un plaisir d’effectuer pour Gabriel.
On a vraiment l’impression d’être plongé dans un pur polar, ce qui explique que la balade soit agréable même avec l’aide d’une solution. Le scénario à lui seul vaut la peine qu’on s’y intéresse, et les personnages ne valent aussi le détour. Gabriel, le héros n’est pas juste une incarnation du joueur lambda, il a son caractère (cynique, tête brûlé), sa petite histoire qu’on découvre au cours du jeu.
(je vous spoile un peu là -je vois pas comment parler de la suite sans le faire- mais Gabriel est en fait le descendant d’une lignée de Schattenjäger –chasseur d’ombre en allemand, une sorte de chasseur d’éléments surnaturels et occultes-, dont le destin est plus ou moins lié à cette histoire de vaudou depuis un bon paquet de générations)
La tension monte en crescendo au fur et à mesure, et la troisième partie du jeu, la plus angoissante de tous (c’est assez rare qu’un jeu me fasse angoisser, mais celui-là y arrive très bien) vire dans un registre bien plus noir (et gore si on se plante).
L’atmosphère du jeu est vite prenante. Bon, les graphismes sont ceux de l’époque, rudimentaires des pixels de partout, mais ça n’enlève rien à leur charme, et les quelques cinématiques sont très chouettes.
Les dialogues sont excellents, parfois plein d’humour, parfois sérieux. De plus, si vous avez l’occasion de jouer sur la version CD, tous les dialogues sont doublés, et ça, c’est énorme ! (et je dis pas ça uniquement parce que Mark Hamill double Mosely, d’ailleurs je l’avais pas capté en jouant).
Et la musique, bien qu’un peu synthétique, contribue grandement à l’atmosphère. Le thème principal est à la fois beau et tragique (il sera repris plus magistralement dans The Beast Within), et dans certains passages, on a des morceaux de toute beauté.
Bref, pour un jeu datant de 1993, il défend encore valeureusement son bout de gras… ce qui justifie tout à fait qu’on en ait fait une suite…
The Beast Within: A Gabriel Knight Mystery
Pour la suite, réalisée en 1995, on prend les mêmes et on recommence : Gabriel Knight le Shattenjäger et Grace Nakimura son assistante, des meurtres mystérieux, sans doute lié à quelque chose de surnaturel. Sauf que cette fois-ci, l’histoire se déroule en Bavière, autour de Munich, et laisse de coté le vaudouisme pour s’intéresser aux loups garou et à certains mystères de l’histoire locale.
On incarne à tour de rôle Gabriel, plongé dans son enquête sur les meurtres autour de Munich, pendant que Grace effectue des recherches de fonds sur les loups-garou, recherches qui vont lui faire découvrir que le problème est peut-être bien plus complexe et ancien qu’on ne pourrait le penser.
Si on reste dans un point’n’click comme le premier, le mode graphique a considérablement changé : adieu 2D, bonjour le full motion capture (c'est-à-dire avec des personnages filmés et incrustés dans les décors, et des cinématiques filmées, elles aussi). C’est… comment dire… c’est très drôle et ça donne un coté un peu nanar au jeu, quand on voit la qualité des incrustations… et le jeu des acteurs.
La palme d’or revient à celui qui joue Gabriel, qui passe les ¾ du jeu à sourire niaisement en se passant la main dans les cheveux (avant de reprendre un peu de sérieux sur la fin, il était temps !), ce qui a un peu tendance à couvrir la noirceur et le sérieux du scénario (et d’un personnage qui n’est pas aussi ridicule dans le premier volet).
Il faut avouer que le doublage abominable français n’aide pas. C’est un véritable supplice en fait, et non, ce n’est pas une légende urbaine, il y a bien au moins un passage où l’on entend 1) le souffleur et 2) l’acteur dire « j’arrive pas à me relire ». Mais bon la VF n’étant pas équipée en sous-titres, j’imagine que ça en est de même pour la VO, et vu la variété des accents des personnages, je ne m’y risquerais pas…
Néanmoins, abstraction faite de la réalisation graphique, le jeu est au moins –si ce n’est plus – aussi énorme que le premier. Le scénario est passionnant et angoissant à souhait, et nécessite en permanence un cerveau qui tourne à plein régime pour relier les points entre eux pour voir le dessin final. La quantité d’informations à assimiler est impressionnante, et tout ou presque a son utilité. La tension monte de chapitre en chapitre jusqu’à la fin du 5 (l’avant dernier), le 6e étant un peu à part.
Les énigmes sont parfois dures, mais ça reste tout de même beaucoup plus raisonnable que dans le premier volet. J’ai avancé sans solution la plupart du temps, et j’avoue l’avoir sortie parfois plus par impatience de connaître la conclusion que parce que je bloquais complètement… sauf sur certains passages bien carabinés où il faut vraiment faire preuve d’initiative (la fleur de lys pour ceux à qui ça parle…).
Ah oui et ne négligez jamais les bouchères bavaroises.
L’ambiance est une fois de plus très prenante, avec un réalisme assez impressionnant. Il faut relever notamment que l’action se déroulant en Allemagne, beaucoup de personnages parlent allemand… sans traduction (sauf les personnages clés vous vous en doutez, ça serait fun tiens comme méthode linguistique : « apprenez l’allemand avec Gabriel Knight »), ce qui crée une immersion très efficace, d’autant plus qu’on se sent tout de même obligé de tendre l’oreille pour déchiffrer leurs paroles.
Par ailleurs, la recherche du meurtrier (et donc potentiellement du loup garou) permet de s’offrir des folles réflexions pendant qu’on interroge les personnages, à la limite du cluedo parfois (« je soupçonne Von Truc… ah non c’est Von Machin… mais bordel je me mélange dans leurs noms ! »).
Le jeu est très documenté et prend parfois un coté « visite touristique de la Bavière » qui fait envie. La musique est excellente, tout simplement, avec de grands morceaux dramatiques et des trucs plus légers. Quant aux personnages, ils sont une fois n’est pas coutume hauts en couleur, parfois flippants, parfois à mourir de rire.
Et une fois de plus, Grace et Gabriel ne sont pas là juste pour mener l’enquête, on a l’opportunité de découvrir aussi leur relation qui a évolué dans un dialogue de sourds (par lettres) parfois assez conflictuelle, d’autant plus qu’ils ont chacun –enfin surtout Gabriel- des problèmes personnels à résoudre. Même si son conflit intérieur ne transparaît pas trop, merci l’air niais de l’acteur, la clé de voûte de l’histoire est définitivement le choix qu’il doit faire.
Bref, pour peu qu’on s’accoutume au mode de réalisation (et on s’y fait très vite finalement), The Beast Within est un jeu aussi passionnant que son prédécesseur, qui est tout aussi prenant. Je pourrais vous en écrire des pages sur le sujet, mais le fait que j’arrive à la fin de ma 3e page Word m’oblige à m’arrêter.
Il existe comme je le disais un 3e volet à cette série réalisé en 1999 et cette fois-ci en 3D. Il s’agit de Gabriel Knight : Blood of the Sacred, Blood of the Damned (ou Gabriel Knight : Enigme en pays cathare en vf), qui parle de ce que j’en ai entendu de vampires et de Graal.
Menfin celui-là il va falloir que j’attende de récupérer mes CDs, parce qu’il n’est pas encore abandon-ware, lui.
4 pages… oh misère j’ai bien fait de ne pas attendre le 3e volet pour écrire cet article ! Et si les jeux vous intéresse,
ce site devrait vous y aider...)