samedi 28 mai 2022

Unlocking the air – Ursula K. Le Guin

Unlocking the air - Couverture

Si la plupart des livres signés Ursula K. Le Guin qui sortent en librairie en ce moment sont des rééditions (bienvenues), quelques éditeurs s’attaquent aux derniers textes de fiction non traduits jusqu’ici. C’est le cas de ce recueil, Unlocking the air, dont le positionnement particulier explique sans doute qu’aucun éditeur ne se soit penché dessus jusque-là. 

Unlocking the air se compose de dix-huit nouvelles écrites dans les années 80 et 90. Et contrairement à ce qu’on a l’habitude de lire de l’autrice, ces textes ne relèvent pas de la science-fiction, tout au plus flirtent-ils avec les littératures de l’imaginaire, et encore.

J’aime bien la présentation qu’en donne l’autrice sur son site, c’est tout un programme :

« The stories in Unlocking the Air aren’t science fiction; they belong variously to plain realism, or magical realism, or surrealism, or post-modern genres that don’t even have names yet. They approach reality sometimes frontally, confrontationally, in daylight; sometimes deviously, by a back road in the dark; but they always approach it. »

Bref si on s’attend à voyager vers d’autres mondes et à se régaler d’anthropologie, forcément on est un peu déçu. Cependant c’est Ursula K. Le Guin : sa plume est superbe et elle sait comme personne rendre extraordinaire la description de choses ordinaires.

Les textes abordent, entre autres des sujets tels que la structure familiale, le handicap, les souvenirs, ou l’avortement. On y trouve des tranches de vie, des jouets extraordinaires, des vieilles maisons pleines de surprises, une ville qui se déplace, un certain nombre de textes qu’on pourrait croire autobiographiques et quelques histoires qui jouent avec les contes et les mythes à leur façon.

Comme toujours avec les recueils, j’ai plus ou moins aimé les textes. Certains ne m’ont pas plus parlé que ça, et il y en a d’autres que je n’ai tout bonnement pas compris. Mais ce n'est pas le cas de tous, alors voilà un petit tour d’horizon de mes nouvelles préférées :

Les maisons du professeur est un récit tendre sur le passage du temps et les façons de s'occuper l'esprit pour se distraire des problèmes.

Limberlost met en scène une écrivaine qui participe à une sorte de conférence et qui ressent d'étranges réminiscences. C’est un joli texte porté avec une belle ambiance.

Ether, ou nous fait découvrir une étrange ville dont l’emplacement ne cesse de changer par le biais de ses habitants. J’aime beaucoup ce portrait par petites touches, avec les points de vue qui se croisent.

La clé des airs est la seule nouvelle du recueil à se rattacher à un cycle de l’autrice, à savoir Orsinia. J’ai trouvé ce texte fascinant, avec une belle écriture et une belle ambiance, ça m'a donné envie de lire L'intégrale Orsinia (c’est plutôt une bonne nouvelle vu que ça fait 3 ans que je tourne autour de ce cycle !).

Une épouse enfant est un conte mythologique très réussi. J'ai bien aimé la façon dont l'autrice donne des éléments petit à petit pour reconnaître l'histoire

Découvertes est un texte très court que j'ai trouvé très pertinent sur les hommes et les femmes, et la façon dont ils racontent des histoires (on rejoint un peu sa théorie de la fiction-panier).

Anciens est l’une des nouvelles les plus connotées fantasy du recueil, autour d’un homme qui revient blessé de la guerre. Très jolie ambiance et encore une fois une belle façon de dévoiler petit à petit l’univers.

Le Braconnier est un récit qui tourne (pratiquement littéralement) autour d’un conte classique. Forcément j’ai beaucoup aimé.

Globalement j’ai bien aimé cette lecture, même si une partie des textes m’a laissée perplexe. Je regrette d'ailleurs l’absence d'un vrai texte d’accompagnement (il y a juste une préface de Bernard Henninger qui ne parle pas du recueil et une mini-intro à deux nouvelles uniquement). Peut-être que l’édition originale était tout aussi aride en explications mais j’aurais aimé en savoir un peu plus sur le contexte de publication (là on a juste la date de publication et la revue où le texte a été publié).

Unlocking the air est donc un recueil intéressant pour découvrir qu’Ursula K. Le Guin est aussi à l’aise pour nous faire visiter d’autres mondes que pour mettre en scène le nôtre avec sa très belle plume. Il est cependant un peu brut de décoffrage, ce qui peut être un brin déstabilisant quand on connait l’autrice surtout pour ses textes de SF. Un livre à apprécier en sachant à quoi on a affaire.

Infos utiles : Unlocking the air (même titre en VO) est un recueil de nouvelles de Ursula K. Le Guin paru en 1996 en VO et sorti en VF en 2021 aux éditions ActuSF. Traduction d’Hermine Hémon et Erwan Devos. Préface de Bernard Henninger. Couverture de Zariel. 333 p.

D’autres avis : Fantasy à la carte, Un dernier livre avant la fin du monde

6 commentaires:

Baroona a dit…

Ça m'épatera toujours de voir à quel point Le Guin a pu être diverse dans ses écrits. Tout comme ça m'épatera toujours qu'on puisse sortir de tels recueils sans paratexte.
Par contre, tu as une idée de pourquoi le titre n'a pas été traduit ? 🤔

Alys a dit…

Encore une victoire de Le Guin 🤩🤩 Quel cerveau, celle femme!

Tigger Lilly a dit…

A l'allure où je vais je lirai ce recueil dans 20 ans peut être d'ici là il aura été réédité avec un paratexte 🤣
Ca reste cool que ce soit édité ^^

Vert a dit…

@Baroona
Absolument pas, et c'est d'autant plus perturbant que c'est le titre d'une des nouvelles d'une recueil, et celui-ci a justement été traduit 🤣
(c'est La clé des airs si tu veux tout savoir)

@Alys
Oh que oui ^^

@Tigger Lilly
Oui y'a pas urgence à lire celui-là, j'en ai d'autres à te conseiller avant 😁

shaya a dit…

C'est quoi cette théorie de fiction-panier déjà ? Ca a l'air intéressant, mais tu t'en doutes, je passe mon tour !

Vert a dit…

@Shaya
C'est un essai qu'on trouve dans son recueil Danser au bord du monde. C'est difficile de le résumer en 2 lignes mais tu peux trouver des versions en ligne. Ca parle (entre autres) de la façon dont l'Histoire et les récits/légendes sont des histoires d'hommes, ce qui occulte complètement l'idée que l'élément principal de la survie pendant la préhistoire était en fait le récipient (qui permet de cueillir/conserver) mais qui n'a pas forcément survécu au passage du temps. C'est un très mauvais résumé que je te fais, si tu veux je te prête le livre 😅