Après avoir passé un excellent moment de lecture avec Dernières nouvelles de Majipoor, j’ai voulu continuer à faire un bout de route avec Robert Silverberg, j’ai donc sorti du fond de ma Pile à lire son Livre d’or de la SF, acquis et dédicacé aux Utopiales 2015. Un collector à plus d’un titre donc !
La couverture relativement soft pour un Livre d’or, est signée Wojtek Siudmak. C’est donc tout à fait normal qu’on ne la comprenne pas, même si je lui trouve un petit côté Dali dans ces espèces de girafes surdimensionnées qui semblent se transformer en… quelque chose. Au moins il n’y a pas de femmes en petite tenue.
Pourtant pour une fois ce n’aurait pas été complètement inapproprié, aussi incroyable que cela puisse paraître. Pour le comprendre, il faut lire la très riche et très intéressante préface signée par Philippe R. Hupp (dont sa biographie nous apprend qu’il « appartient à la toute dernière génération de spécialistes, ceux qui voyagent, fréquentent les conventions, nouent des relations d’amitié avec de grands auteurs anglo-saxons », voilà qui laisse songeur)
Dans cette préface, on découvre donc que Robert Silverberg, écrivain professionnel avant tout, a commencé sa carrière en écrivant moult récits à l’emporte-pièce correspondant aux demandes des éditeurs, quitte à faire du western ou des profils de vedettes quand la SF ne payait plus.
C’est un peu ce que j’ai parfois ressenti en lisant ce recueil : les textes sont parfois un peu désuets (avec quelques femmes dans des rôles pas toujours hyper valorisants), mais en même temps tout est extrêmement carré, très professionnel. Du coup même si tous les textes ne restent pas forcément en tête, on en apprécie la lecture.
Cette sensation se ressent surtout au début du recueil. Les nouvelles sont présentées par ordre chronologique à quelques exceptions près, si bien qu’on sent l’évolution de l’auteur. Et surtout, plus on avance plus on voit apparaître des thématiques plus personnelles, comme vous allez le voir.
On commence cette lecture avec Absolument inflexible, une histoire de paradoxe temporel qu'on voit vite venir, mais qui n'en est pas moins savoureuse (comme tout paradoxe temporel qui se respecte). L’auteur adorant les voyages dans le temps, c’est loin d’être la dernière que l’on lira de lui.
Avec Le Circuit Macauley on se penche sur un synthétiseur de musique tellement innovant qu’il en remplace petit à petit le travail de l'homme, ce qui soulève des questions intéressantes tout en parlant extrêmement bien de musique.
Eve et les vingt-trois Adams est une nouvelle qui risque d’être très glauque pour toute lectrice féminine passant par-là, vu qu’elle nous emmène dans un futur où chaque vaisseau de soldats part avec une femme à bord pour assurer le « bien-être » de l’équipage.
Dans Le Coup du téléphone, une erreur téléphonique envoie un Monsieur Toutlemonde dans une aventure rocambolesque à travers le temps. On sent que l’auteur aime vraiment jouer avec le sujet.
Je vous 1000110 met en scène un ordinateur psychiatre qui devient fou. Je vous avoue avoir trouvé l’ensemble un peu confus, mais l’idée est sympathique.
L’histoire de Quand les arbres ont des dents est assez triste, puisqu’on y découvre un propriétaire d'un verger d'arbres conscients sur une autre planète qui se retrouve forcé à les détruire. Cette nouvelle marque une sacrée transition, puisque que c’est à partir d’elle qu’on commence à avoir des textes plus fouillés, plus personnels (enfin, c’est mon ressenti).
La Danse au soleil nous raconte l’histoire d’un chercheur qui dresse d'étranges parallèles entre une population d'amibes peu à peu exterminés par l'homme sur une autre planète, et le destin de ses ancètres amérindiens. Certains passages sont confus, mais les problématiques soulevées sont très très intéressantes.
Si vous avez déjà lu Les monades urbaines, vous connaissez déjà Monade urbaine 158, une des nouvelles qui compose ce fix-up. Qu’on découvre ou redécouvre ce futur surpeuplé, ce texte est toujours aussi glaçant.
Un jeune homme puceau se découvre des supers pouvoirs dans Pousser ou grandir, avec des réflexions et une conclusion fort intéressante (et non dénuée d’ironie).
Bon pour le service des organes est une histoire grinçante où pour maintenir la santé des hommes politiques et de la hiérarchie militaire, une société pratique la conscription volontaire... d'organes ! Le dilemme du héros comme sa décision sont intéressants.
Voir l'homme invisible nous emmène dans une société où l'on punit certains crimes par l'invisibilité. L’idée est brillante et parfaitement orchestrée, je crois que c’est une des nouvelles qui m’a le plus marquée.
Des mondes en cascades pousse à l’extrême le paradoxe du grand-père en mettant en scène un couple qui se déchire et où chacun d’entre eux décide de supprimer l'autre en voyageant dans le temps. Ce texte est assez confus, donc très frustrant (surtout la fin où on ne comprend plus rien), mais le côté scène de ménage à travers le temps est plutôt drôle.
Avec Le Dybbuk de Mazel Tov IV, on voyage sur une autre planète, Nouvelle-Israël, où une communauté juive est confrontée à des questions de surnaturel et de religion. J’ai trouvé ce texte étonnant et plutôt délicieux, tout en soupçonnant avoir raté la moitié des subtilités de l’histoire
On termine ce recueil avec Schwartz et les galaxies, où un ethnologue ne supporte pas le monde unifié (et donc sans conflits) dans lequel il vit et rêve à des rencontres avec l'Autre. C’est un texte triste et superbe à la fois qui fait réfléchir sur la mondialisation.
Voilà pour ce livre d’or que j’ai trouvé très sympathique à lire. Tous les textes ne sont pas mémorables mais on trouve quelques thématiques fétiches de Silverberg (l’isolation, le voyage dans le temps), et globalement je suis sortie de ma lecture avec l’envie de lire d’autres textes de cet auteur, autant dire que l’objectif est accompli.
Pour la petite anecdote décalée, on apprend dans la préface que Robert Silverberg a décidé d’arrêter l’écriture et de se consacrer aux anthologies. C’était en 1976, alors qu’il avait une bibliographie de certes plus de 400 références, mais avant la publication de Majipoor, entre autres. Je ne veux même pas savoir le nombre de références que compterait sa bibliographie à jour…
Si vous aimez cette collection : D'autres livres d'or de la SF chroniqués sur ce blog
D’autres avis : NooSFere
Ca m'a tout l'air d'être un recueil passionnant ma foi !
RépondreSupprimerExcellente idée de faire dédicacer ce recueil, un Livre d'Or dédicacé ce n'est pas courant !
RépondreSupprimerJe n'ai pas lu ce Livre d'Or, mais quelques unes des nouvelles qu'il présente se trouvent dans le premier tome de son intégrale raisonnée en quatre gros volumes. J'ai lu le premier qui contient 6 nouvelles de ce Livre d'Or. C'est essentiellement son début de carrière, donc tout n'est pas transcendant (otut en restant toujours divertissant, c'est là qu'on sent que Silverberg est un sacré conteur !) mais je garde en effet un excellent souvenir de "Voir l'invisible".
Factuellement, c'est nouvelle est un peu bancale (le concept de l'invisibilité dans cette société ne tient pas vraiment debout), et pourtant elle reste vraiment en mémoire, et fonctionne malgré ses défauts. Étonnant et marquant !
J'avais oublié que tu l'avais fait dédicacer. C'est classe ^^ C'est clair que la couv fait penser à Dali.
RépondreSupprimerC'est une machine à écrire ce gars, c'est fou !
@Shaya
RépondreSupprimerTout à fait, il est plutôt dans le haut du panier des livres d'or.
@Lorhkan
Voir l'invisible est un des textes qui m'a le plus marquée. J'ai repéré l'intégrale des nouvelles, elle me fait bien envie maintenant...
@Tigger Lilly
En faisant quelques recherches je suis tombée sur une critique où on le qualifiait ainsi : "Silverberg, même quand il écrit pour payer ses impôts, reste un immense professionnel". Ca donne une idée du personnage xD. En tout cas la préface donne vraiment l'impression qu'il écrivait une nouvelle toutes les 2 heures durant certaines périodes !
Haha sympa la citation ^^ Ça correspond bien.
SupprimerJe crois que j'ai vu ce recueil abandonné dans un coin. Tu indiques qu'il mérite d'être dépoussièré..
RépondreSupprimerComme toi, je trouve la couverture d'une veine très Dali. Lui trouves-tu un rapport avec les nouvelles ?
@lutin82
RépondreSupprimerJe n'ai trouvé absolument aucun rapport, mais le contraire m'aurait étonné xD