mercredi 11 avril 2012

De bons présages – Neil Gaiman & Terry Pratchett


Je suis toujours la première à critiquer les quatrièmes de couverture, mais il faut reconnaitre que certaines font tellement bien leur travail, qu’on n’a aucune envie d’essayer de les égaler.
L'Apocalypse aura lieu samedi prochain, après le thé ! Ainsi en ont décidé, d'un commun accord, les forces du Bien et du Mal.
L'Antéchrist va fêter ses onze ans. Son éducation a été supervisée par un ange, Aziraphale, et un démon, Rampa, résidents sur Terre depuis l'époque de la première pomme.
Mais voilà, suite à un coup du sort, l'enfant a été échangé à la maternité. Le vrai Antéchrist se nomme Adam et vit dans la banlieue londonienne. Et ça, ça change tout ! Une course contre la montre commence alors pour l'ange et le démon qui, finalement, se disent que la race humaine ne mérite pas son sort...
J’ai découvert De bons présages par le biais de ce résumé complètement tordu, à une époque où j’ignorais complètement l’existence de Neil Gaiman, et où le nom de Terry Pratchett ne me parlait pas plus que ça. Je n’irais pas jusqu’à parler de révélation, mais vu que je relis une fois l’an ou presque, il serait temps que je m’occupe de le chroniquer. Même si je ne saurais par où commencer, comme pour tous ces romans qu’on connait trop bien à force de les relire.

De bons présages met en scène l’Apocalypse (selon St Jean, avec toutes les catastrophes, les quatre cavaliers et tout le tintouin), mais quelle Apocalypse ! Pratchett et Gaiman sont capables du meilleur chacun de leur côté, alors ensemble, forcément ça donne.

L’histoire en apparence complètement barrée est finement orchestrée, avec des idées délirantes des personnages hauts en couleur, et des péripéties qui sont de vrais morceaux de bravoure (comme la chevauchée de Mme Tracy et de Shadwell sur la fin qu’on rêverait de voir en film !). Du coup, il est difficile de faire la liste de tout ce que j’aime dans ce roman.

Il y a toutes ces explications complètement tordues (où on se dit que ça ressemble à du Pratchett, mais aussi à du Gaiman, et au bout d’un moment on jette l’éponge quant à savoir qui a inventé quoi dans cette histoire).
Ces histoires de fossiles de dinosaures sont un canular, mais les paléontologues ne l’ont pas encore compris.
Ce qui prouve deux choses :
D’abord, que les voies du Seigneur sont impénétrables : elles fonctionnent peut-être même en circuit fermé. Dieu ne joue pas aux dés avec l’univers, mais à un jeu ineffable de Son invention, qu’on pourrait comparer, du point de vue des autres joueurs, à une version obscure et complexe du poker, en chambre noire, avec des cartes blanches, pour des enjeux infinis face à une Banque qui refuse d’expliquer les règles et qui n’arrête pas de sourire.
Il y a les personnages de Rampa et d’Aziraphale, leur étrange vie d’ange et de démon (j’adore le boulot de Rampa, qui fait dans la Tentation à échelle industrielle quand ses collègues sont dans l’artisanat !), et l’étrange amitié qu’ils entretiennent (pardon, c’est un Pacte), ce qui donne lieu à des échanges absolument délicieux.
« C’est nous qui allons gagner, bien entendu, annonça-t-il.
- Ce n’est pas dans ton intérêt, répliqua le démon.
- Et pourquoi donc, je te prie ?
- Enfin écoute ! Combien de musiciens crois-tu qu’il y a de votre côté ? Des musiciens de premier ordre, entendons-nous bien. »
La question sembla prendre Aziraphale au dépourvu.
«  Et bien, je dirais…
- Deux, annonça Rampa. Elgar et Litz. Point final. Tous les autres sont chez nous. Beethoven, Brahms, la famille Bach au grand complet, Mozart, toute l’équipe… Tu te vois passer une éternité en compagnie d’Elgar ? »
Le reste du casting est tout aussi brillant, entre Adam et les Eux (aussi touchants qu’ils sont drôles, ils incarnent l’enfance dans toute sa splendeur), les quatre cavaliers de l’Apocalypse (dont on appréciera la réinterprétation du rôle de certains dans le monde moderne, comme Famine), ou encore Shadwell (difficile d’oublier un tel phénomène).
Mais il s’aperçut qu’il aimait bien Shadwell. C’était l’opinion générale, ce qui ulcérait Shadwell. Les Rajit l’aimaient bien : il finissait toujours par payer son loyer, c’était un locataire calme, et son racisme était si gauchement ostentatoire, si brouillon, qu’il en devenait inoffensif ; simplement, Shadwell haïssait tout le monde, sans distinction de milieu social, de couleur ou de croyance, et il n’allait pas commencer à faire des exceptions.
C’est assez marrant parce que sous la couche de comédie (et il y en a une belle épaisseur, croyez-moi), De bons présages réserve aussi quelques réflexions sur la religion, le libre-arbitre et d’autres choses.
- J’vois pas ce qu’il y a de super à créer des gens comme ils sont, et puis à s’énerver qu’ils se conduisent comme des gens, intervient Adam avec sévérité. Et puis, de toute façon, si vous arrêtiez de dire aux gens tout s’arrange après leur mort, ils commenceraient peut-être à mettre leurs affaires en ordre pendant qu’ils sont encore vivants. Si c’était moi le chef, j’essaierai de faire vivre les gens plus longtemps, autant que Mathusalem. Ca serait drôlement plus intéressant. Et puis ils commenceraient peut-être à réfléchir à ce qu’ils font à l’environnement et à l’écologie, parce qu’ils seraient toujours là dans un siècle.
Et puis ce qui est chouette, c’est les petits clins d’œil, les symboles qui séparent les paragraphes qu’on ne sait jamais trop s’ils ont un sens ou non, tous les petits à côté de la trame principale (les lettres de M. Tyler, le dur métier de démarcheur par téléphone, la télé évangéliste dans toute sa splendeur…), les références en tout genre, et les idées débiles qu’on garde pour le restant de sa vie.
Rampa faisait actuellement du deux cents à l’heure, un peu à l’est de Slough. En apparence, il n’avait rien d’un démon classique. Pas de cornes ni d’ailes. Certes, il écoutait une cassette de Best of Queen, mais il ne faut rien en conclure : toutes les cassettes qu’on laissait trainer plus de quinze jours dans une voiture se métamorphosaient en Best of Queen.
Certes, ce n’est ni le meilleur roman de Gaiman, ni le meilleur roman de Pratchett, mais c’est un très bon divertissement, bien écrit, drôle, intelligent qui mêle habilement le talent des deux auteurs. Quand on pense en plus qu’on parlait à une époque d’une adaptation en film par Terry Gilliam, avec Johnny Depp dans le rôle de Rampa… voilà quelque chose qui fait rêver !

Ouvrage lu pour le challenge Fins du monde, histoire de changer des zombies. On y trouve quand même une Apocalypse avec quatre cavaliers, un Léviathan et des prophéties (mais aussi des Atlantes, des aliens et des Tibétains, mais ceci est une autre histoire).

CITRIQ

15 commentaires:

  1. Dis donc, ça me donne très envie de le lire ! tu n'as pas honte ?!

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  2. Ça me donne envie de le relire ! :) et je suis d'accord avec toi sur presque tout (n'ayant pas -encore- lu d'autres ouvrages de ces deux messieurs, pour l'instant c'est pour moi le meilleur ! :p)

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    1. T'avais pas Stardust ou Neverwhere en stock d'ailleurs ?

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    2. J'ai Stardust (acheté avec toi en même temps que De bons présages, me semble) et j'ai Neverwhere (acheté l'autre jour malgré le fait que je n'ai toujours pas lu le premier :p), donc c'est prévu, oui oui oui ! :D

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  3. Totalement d'accord avec ton article, j'adore ce livre délirant qui me rappelle aussi le JDR INS/MV ! Et c'est vrai que tu donnes envie de le relire...bon ça attendra un peu, ma PAL est trop importante (et je pars à Londres le week-end prochain !) !

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    1. Veinarde, je retournerais bien à Londres moi (mais c'est mieux pour mon porte-monnaie de m'en abstenir xD)

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  4. Mon premier Pratchett et mon premier Gaiman...

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    1. Y'a de pires façons de découvrir ces 2 auteurs ^^

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  5. C'est vrai que ce 4e de couverture est plutôt pas mal :)
    Je n'ai pas honte de dire que moi non plus, je ne connaissais que vaguement Gaiman et Pratchett quand j'ai lu ce bouquin.
    La brochette des personnages est bien trouvée, assez farfelue et on s'attache irrémédiablement.
    Ah, j'ai envie de le relire !
    Tiens une petite animation (mais tu connais peut-être déjà) http://vimeo.com/39921254

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    1. Je l'ai vu hier, on aimerait voir le film démarrer derrière :P

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  6. Ce livre est l'un des plus drôle qu'il m'ait été donné de lire, un curieux mélange du film "dogma" est de H2G2. Ange et démon sont plutôt bien équilibrés ni trop nunuche, ni trop méchant. Les cavalier de l'apocalypse de manquent pas de charme non plus, même le chien (molosse) est cool.
    Chaque séquence prête à rire jaune, noir... on en voit de toute les couleurs. Il n'y a pas de débat philosophique qui viendrait plomber la lecture, ou peut-être sur la conscience d'un enfant de 11 ans qui est à mon avis bien composé, j'ai retrouvé à travers lui mes 10 ans où la cohérance de mes jeux n'avait guère d'importance.
    L'ensemble de la société passe à la moulinette avec intelligence: les hyppies, les hells angels, les cadres, les iulluminés, les beaufs...

    http://sfsarthe.blog.free.fr

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