Après quelques rencontres hasardeuses (et ô combien heureuses) avec Poul Anderson, j’ai voulu m’aventurer plus avant dans son œuvre. Le chant du barde, recueil récent du Bélial (repris au Livre de Poche) est donc tombé à pic avec ses neuf nouvelles (à tendance novella) vendues comme les meilleures de l’auteur. Voilà le programme :
Sam Hall est un texte étrange, à la fois complètement désuet et terrifiant d’actualité, qui met en scène une Amérique où chaque habitant est fiché (religion, enquête sur ses mœurs, déplacements prévus, etc.) mais avec une telle confiance dans le fichier que personne ne vérifie outre mesure les informations qu’il contient. Pour une entrée en matière, on n’est pas volé, bien au contraire !
Jupiter et les centaures s’avère tout aussi bon, en racontant la colonisation de Jupiter réalisée à l’aide de créatures contrôlées de toutes pièces, des avatars manipulées depuis une base spatiale. Passons sur la ressemblance flagrante avec un film récent qui ne vous aura pas échappé, cette nouvelle m’a surtout plu pour son caractère merveilleux, typique de cette époque où on en savait si peu sur l’univers qu’on pouvait imaginer des planètes où l’eau se travaille comme un métal !
Long cours se déroule sur une planète colonisée par des humains coupée de ses racines, si bien que lorsqu’un explorateur téméraire des océans rencontre un humain venant d’une autre planète, le contact n’est pas des plus simples. J’ai beaucoup aimé ce texte, plutôt palpitant et avec un personnage central d’explorateur vraiment fascinant. La fin m’a beaucoup plu, je vous aurais allègrement cité le dernier paragraphe, mais je préfère vous laisser le découvrir.
Pas de trêve avec les rois ! est un récit à tendance post-apo, dans une Amérique qui semble avoir à nouveau sombrer dans une guerre de sécession, dans laquelle interviennent des puissances extra-terrestres. La conclusion est surprenante, mais pas dénuée d’intérêt sur la notion de libre-arbitre (le grand dada de Poul Anderson).
Ma nouvelle favorite du reucueil est Le partage de la chair, qui met en scène une femme cherchant à venger la mort de son mari, tué par un cannibale. C’est un des rares personnages féminins (non cantonné au rôle de la secrétaire/femme au foyer) qu’on croise dans le recueil, et si le propos est légèrement perturbant à la base (entre le côté vengeance froide et les histoires de cannibalisme), il se révèle finalement très intéressant. Je n’en dis pas plus, mais je vous conseille de découvrir ce texte !
Destins en chaîne est un texte étrange qui multiplie les destins et les morts d’un personnage, en changeant à chaque fois la société dans laquelle il évolue. Il y a définitivement un petit côté Philip K. Dick comme indiqué dans son introduction, et de sympathiques variations sur les sociétés futuristes archétypales (dont une sonnant très Orwell, et un post-apo très bucolique dans une veine retour à la nature).
La reine de l'air et des ténèbres est une longue novella portée par un souffle mythologique dans ses références (entre les enfants fées et les planètes qui tirent leurs noms de classiques médiévaux). On y suit une femme qui engage un détective nommé Sherringford (belle référence à Sherlock Holmes en passant) pour retrouver son enfant qui a été enlevé. Prenant, mêlant habilement science et fantasy, c’est fascinant à lire.
Le Chant du barde est une réécriture du mythe d’Orphée, avec un très beau style et une ambiance fascinante, mêlant une fois encore avec brio mythe et technologie futuriste. C’est un texte particulier, mais encore une fois fascinant.
Le recueil se termine sur Le jeu de Saturne, qui parle cette fois-ci de l’exploration d’un satellite de Saturne par une équipe qui se laisse un peu emporter par les psychodrames (des jeux de rôle grosso modo) auxquels ils ont pris l’habitude de participer. Le monde de glace décrit est fascinant, d’autant plus avec le jeu sur la réalité qui l’accompagne. Difficile de ne pas penser aux jeux vidéo en lisant ce texte, preuve une fois encore que si les images évoqués par Poul Anderson sont parfois désuètes, les textes eux restent parfois très actuels.
Arrivée à la fin de ce recueil, je ne peux que faire l’éloge de ce recueil ; Le chant du barde est un livre où on apprécie vraiment le travail de l’anthologiste (et traducteur) : les traductions ont été révisées, chaque nouvelle est précédée d’une introduction qui remet le texte dans son contexte, et les textes tournent tous autour d’une thématique commune, celle du libre-arbitre.
C’est peut-être ce dernier point qui est autant une force qu’une faiblesse. L’ensemble est extrêmement cohérent, mais quand on enchaine les nouvelles comme je l’ai fait, on se lasse un peu de retomber sans cesse sur la même thématique (et des fins parfois assez similaires). N’hésitez donc pas, si vous tentez l’aventure, à faire des pauses entre les nouvelles.
A part ça, je comprends mieux qu’on classe Poul Anderson en classique de la SF. Certes, ses textes sont souvent très désuets dans leurs univers, et sérieusement misogynes par moment, mais les mondes qu’il évoque sont absolument merveilleux. Nul doute que je continuerais mon exploration de son œuvre, à l’occasion (j'ai Tau Zéro qui me fait de l'oeil, mais il était sorti à la bibliothèque quand j'y suis passée).
C'est certain, son imaginaire est très daté sur certains textes, mais dans l'ensemble j'ai gardé un bon souvenir de ce livre. Peut-être à lire de manière découpée, comme tu le suggères. Le recueil marque aussi différentes périodes de l'auteur et c'est intéressant.
RépondreSupprimerMon avis au passage ;-)
http://naufragesvolontaires.blogspot.be/2012/09/le-chant-du-barde-poul-anderson.html
Du très bon malgré le passage du temps, sensible surtout sur les premières nouvelles d'ailleurs.
RépondreSupprimerJ'en garde un bon souvenir
Il faut vraiment que je me penche sur cet auteur, avec la sortie en poche de ce recueil, je n'ai plus d'excuses...
RépondreSupprimer@Julien
RépondreSupprimerOui je pense que j'ai un peu trop enchainé sur la fin, mais sinon beaucoup aimé (et faut avouer que les systèmes informatiques sur fiche perforée étaient charmants :D)
@Efelle
Oui c'est désuet mais pas désagréable. Là je viens de commencer un Vance, je rentre moins facilement dedans, mais je me lasse peut-être un peu...
@Lorhkan
Toutafé, en poche tu n'as aucune excuse (enfin quoique je dis rien, je m'interdis de livres en prévision des imaginales là...)
Depuis le temps que je me dis qu'il faut que je lis cet auteur je ne comprends pas qu'il ne soit pas encore dans ma PAL.
RépondreSupprimerPar contre tant qu'à choisir je préfère la couverture en GF qu'en poche.
Je suis bien d'accord pour la couverture, c'est bien pour ça que j'ai mis celle du GF aussi, bien plus jolie !
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