Histoire de terminer mon challenge Anne McCaffrey avec quelque chose qui n’est pas Pern, j’ai déniche chez les bouquinistes cette sympathique anthologie de l’auteur, dans la série Le grand temple de la SF, qui continua un temps le travail du Livre d’or de la SF.
C’était la première fois que j’avais l’occasion de lire un ouvrage de cette collection/série, et la surprise a été plus qu’agréable, à tel point que je regrette que de tels ouvrages ne se fassent plus aujourd’hui, avec des nouvelles donnant un aperçu d’un auteur sous ses différentes facettes, une introduction fort intéressante, et surtout une bibliographie pointue extrêmement utile.
En plus, hasard des hasards, la Dame de la Haute Tour, anthologie consacrée à Anne McCaffrey, a été entièrement réalisée (de la rédaction de l’introduction au choix et à la traduction des nouvelles) par Elisabeth Vonarburg, il n’y a pas de hasard dans la vie !
Sa préface d’ailleurs, même si elle s’attache un peu trop à la question du cyborg au féminin (question à laquelle j’ai assez peu été confrontée en lisant Pern, vous vous en doutez bien), est très intéressante, redonnant un peu de contexte aux nouvelles présentées, et à l’œuvre d’Anne McCaffrey, qu’elle cerne avec justesse.
L’œuvre de McCaffrey, sur ce point comme sur les autres, se compare tout à son honneur avec les textes des femmes auteurs plus « révolutionnaires » qui l’ont accompagnée […] dans l’exploration du corps féminin plus ou moins mutilé et/ou libéré. On a tort de lui reproché de ne pas avoir été « plus audacieuse » ou d’être encore « coincée » dans les rôles féminins traditionnels. Elle écrivait en prise sur sa propre époque, et surtout sa propre histoire, celle des années quarante et cinquante.
Chaque nouvelle étant fort intéressante en elle-même (à tel point que j’ai activement pris des notes pendant la lecture), vous avez le droit à une présentation détaillée de chacune, petits veinards !
La Dame de la Haute Tour est la deuxième nouvelle écrite par Anne McCaffrey (elle-même la présente souvent comme sa première), et déjà, on y trouve un de ses violons d’Ingres, les pouvoirs psychiques. Ca ne vous surprendra pas de savoir que cette nouvelle sera plus tard étendue sous forme d’un roman, la Rowane.
Ce que j’ai aimé dans ce texte, c’est l’aspect atypique du space-opera. On nage en pleine fédération galactique, mais les déplacements spatiaux ne se font pas grâce à des moteurs ou de l’hyperespace, mais grâce à des surdoués de l’esprit qui déplacent les vaisseaux par la pensée, de la façon collaborative.
La Fille de sa mère est également un texte ancien (1971), qui met en scène une jeune fille issue d’une famille d’agriculteurs avec un père assez macho et fermé, sur un monde où les résultats aux examens déterminent les choix de carrière pour le plus grand bien des élèves.
Dans certains aspects, on pressent un peu Pern (qu’elle commençait à écrire) dans le côté très rural de l’histoire, ainsi que dans le côté très utopiste du monde. Ca se sent aussi dans ces personnages féminins qui plutôt que de quitter carrément le carcan familiale pour s’émanciper (notamment d’un père qui la considère uniquement comme bonne à marier et incapable de gérer la ferme), mais qui usent plutôt de tous leurs talents diplomatiques pour maintenir intact la cellule familiale.
L'Enfant des fées n’est absolument pas un texte de fantasy, en dépit de son titre. Et son argument SF est finalement assez faible, puisque sur fond de cité futuriste, il explore la vie d’un étrange ménage à quatre (composé de trois hommes et une femme, je vous laisse en découvrir vous-même les détails).
Même si je plains un peu la pauvre héroïne par moments, j’ai trouvé ce texte, qui pourrait presque être une comédie romantique (sacrément décalée), extrêmement moderne, et ce n’est pas le seul dans ce recueil.
Le Temps qu'il fait sur Welladay est la nouvelle qui m’a le moins plu dans le recueil. Elle met en scène l’enquête que mènent différents protagonistes sur un trafic de substances miracles (issus de baleines) ayant lieu sur une planète océanique. Même si l’univers est chouette, je n’ai pas trop accroché à cette histoire, d’autant plus que le manque de séparation entre les paragraphes lorsqu’on changeait de point de vue a provoqué pas mal de confusion à la lecture.
Les Épines de Barevi est un texte étrange, complètement en marge de la production habituelle de Anne McCaffrey, dans une veine de « porno douce », comme la qualifie Elisabeth Vonarburg. En fait l’histoire repose tellement sur les gros poncifs de la vieille SF (avec une race alien qui asservit les humains) et des Harlequin (avec le cliché de l’héroïne qui tombe amoureuse de son bourreau, à peu de choses) que le résultat est absolument hilarant (et je pense, volontairement mauvais).
L'Amour suprême, de tous les textes du recueil, est je crois bien mon favori. C’est un formidable texte d’anticipation, assez peu branché SF et carrément visionnaire. L’histoire est celle d’une obstétricienne qui aide une femme ne pouvant avoir d’enfants à en avoir, grâce à sa belle-sœur volontaire pour jouer le rôle de mère-porteuse.
A l’exception de quelques termes un peu désuets (l’auteur parle d’exogenèse), le texte n’a pas pris une ride, et aborde toutes les questions morales et législatives qui tournent autour de la procréation médicalement assistée. Le résultat est juste bluffant.
Le Bon Père Noël nous sort un peu du registre de la SF pour passer à celui du fantastique, avec l’histoire d’un enfant capable de donner vie à ses dessins. J’ai été assez surprise du caractère assez cruel de cette histoire, assez éloignée de ce que j’ai l’habitude de trouver chez Anne McCaffrey.
Pomme pourrie revient une fois de plus sur le Cycle des Doués (elle a été publiée dans le Vol de Pégase), qu’il est parfois difficile de ne pas mettre en parallèle avec les X-Men, vu que la nouvelle aborde la question de l’intégration de ces êtres doués de talents spéciaux de la société, et de ce qui se passe lorsque l’un d’entre eux se sert de ses pouvoirs pour cambrioler des magasins.
Après la Dame de la Haute Tour, cette nouvelle a vraiment piqué ma curiosité, si bien que je m’intéresserais sûrement un jour au cyclé des Doués.
Le plus petit des dragonniers termine le recueil avec une nouvelle se situant dans le monde le plus connu de Anne McCaffrey, Pern. Le texte aborde la question de l’Empreinte, avec un petit garçon, le futur K’van, moqué par ses pairs mais désireux d’avoir son dragon. Ce n’est pas le texte le plus original écrit par l’auteure, mais il a un côté magique assez mignon qui offre une conclusion légère à ce recueil.
Arrivée à la fin de cet article, je me rends compte que je me suis étalée plus que de raison, mais il faut dire que ce recueil est une perle : il donne un aperçu des grands cycles d’Anne McCaffrey (via des nouvelles pour Pern et les Doués, via l’intro qui le décortique en profondeur pour le vaisseau qui chantait), mais aussi de la variété de ses nouvelles, parfois visionnaires, parfois juste divertissantes.
Une très belle lecture pour découvrir toute la richesse de cet auteur, à consulter de toute urgence en bibliothèque ou chez les bouquinistes.
C'est vrai que les anthologies denouvelles consacrées à un auteur se font assez rares... Il n'y a guère que le Bélial pour nous en sortir de temps en temps...
RépondreSupprimerC'est bien dommage, c'est un format que je trouve très intéressant (si le recueil est bien construit).
Supprimerj'ai aussi beaucoup appréciée ce recueil. N'hésite pas pour le cycle des Doués c'est génial, d'ailleurs ça m'a donnée envie de le relire.
RépondreSupprimerLa métaphore dans le père Noël est cruelle c'est vrai mais elle est juste, cela aura été la dénaturer que de faire une fin différente. Le ton est certes assez inhabituel pour AMC tu as raison. Pomme pourrie est encore plus cruelle je trouve.
Pour le coup on a été synchro, je viens de publier la (longue) critique de ce recueil : http://chezlaventurierdesreves.over-blog.com/article-challenge-anne-maccaffrey-102272860.html
Pour les Doués je verrais l'année prochaine, là je vais changer de crèmerie quand même xD. J'ai vu ta chronique, pas encore eu le temps de la lire...
Supprimer