Ca fait parti des vieux trucs un peu moisis que je dégotte chez les bouquinistes pour trois francs six sous, et qui trainent des mois (en général en attendant un long séjour loin du monde) avant que je les ouvre.
Je l’ai acheté par curiosité. J’avais déjà lu un recueil de nouvelles plutôt « contes »de Lord Dunsany, les Dieux de Pegana ou le Livre des Merveilles, je sais plus, qui ne m’avait pas laissé un mauvais souvenir (une nouvelle qui parlait du bord du monde, je crois, notamment), j’irais bien le re-chercher à la bibliothèque d’ailleurs. La fille du Roi des Elfes, son unique roman (de fantasy) est présentée comme son chef d’œuvre.
Il s’agit de l’histoire d’Alveric, fils du Roi de la Vallée des Aulnes, qui part enlever Lirazel, la fille du Roi des Elfes parce que le Parlement de ce petit royaume veut « un prince enchanté ». Il se met en route, ramène donc sa belle et… on arrive à peine au tiers du livre. L’action principale, c’est ce qui se passe « après » : le Roi qui essaye de récupérer sa fille, Alveric qui part la chercher, leur fils qui grandit…
Le sujet n’est pas vraiment d’une franche originalité, on le croirait tiré de n’importe quel conte de fée. C’est probablement le cas, car l’histoire emprunte beaucoup à ce format dans sa structure.
Ce qui est intéressant, plus que la trame (bien qu’elle réserve quelques inattendus, en fait), c’est la façon dont Lord Dunsany raconte. Les descriptions sont épatantes : très riches, dans un langage bien ampoulé, et avec une nette tendance à inviter au voyage et surtout, à l’émerveillement. Le Royaume Enchanté dégage une impression d’étrangeté et de merveilleux qui ne laisse pas indifférent.
Le rythme aussi, joue, assez lent, finalement même si les premiers évènements arrivent en cascade. Par moment, ça exaspère, mais souvent, on se laisse juste bercés, porté par l’atmosphère onirique de l’ouvrage.
Ceci dit le roman en lui-même n’est pas exceptionnel : les personnages ne sont pas très développés (du coup on ne partage pas beaucoup avec eux), et la traduction (qui parait-il a été révisée pour la nouvelle édition) rend certains passages fort lourds, avec des phrases à la Marcel Proust qui s’étalent sur une demi-page sans jamais voir autre chose qu’une petite virgule. Et le récit, somme toute, reste assez basique.
Alors pourquoi ce roman est à lire ?
Et bien Lord Dunsany a écrit son livre en 1924. Il fait parti de ces « précurseurs oubliés » de la fantasy, bien avant le rouleau compresseur Tolkien des années 50. Quoique dans le cas de Dunsany je lui collerais plutôt l’étiquette de « merveilleux », ça se ressent comme tel.
Replacé dans son contexte, la simplicité de l’histoire couplée aux descriptions ampoulées a nettement plus de sens. Comme souvent avec ces vieux textes, il y a l’effet « tablette d’argile » où on croirait avoir déterré la version originale d’un mythe, et on s’amuse à faire le lien avec des textes modernes. Le parallèle avec Stardust de Neil Gaiman est inévitable.
Par ailleurs, le Royaume Enchanté en lui-même vaut le voyage pour son atmosphère féérique et étrange. Il n’y a d’ailleurs aucun elfe dans ce royaume, paradoxe du titre pour les habitués des oreilles pointues. Ici je pense que ça désigne plutôt les êtres féériques en général (attendez de voir les trolls pour voir comme on est loin de l’archétype moderne).
Pour les amateurs d’antiquités et de royaumes merveilleux à deux pas de chez soi, ça reste une bonne lecture, même si je garde un meilleur souvenir des nouvelles.
(et dès que je récupère mes contes de Beedle le Barde je conclus mon cycle HP, promis !)
Voilà une chronique objective. Les contes n'étant définitivement pas ma tasse de thé, je vais passer mon chemin.
RépondreSupprimerJe l'ai lu il y a peu de temps, je voulais le lire depuis très longtemps, ayant découvert Dunsany en faisant des recherches sur Lovecraft, et j'ai été étonnée de voir à quel point effectivement on peut le rapprocher des contes de fées et de certains romans de fantasy actuels ! J'ai trouvé le rythme un peu trop lent pour être très divertissant, mais il y a des éléments très intéressants : la séparation nette entre les mondes, la magie (bourrine !) du Roi des Elfes, le rapport entre le monde des hommes et celui des Elfes... J'aurais presque aimé l'étudier en cours, je me demande si c'est parfois le cas chez nos voisins anglais ?
RépondreSupprimer@croiseedeschemins
RépondreSupprimerJe ne sais s'ils l'étudient en cours, mais je pense qu'il est lu par un paquet d'auteurs anglophones, l'influence se ressent bien chez certains ^^