Assez bizarrement, autant je calais un peu sur l’opus précédent de l’Histoire de la Terre du Milieu (la Formation de la Terre du Milieu), autant ce cinquième volume, la Route perdue, me tentait bien plus. D’abord parce qu’on y trouve Númenor au programme, et ensuite… figurez-vous que c’est la faute à Neil Gaiman.
Oui j’arrive à parler de lui même dans un article sur Tolkien, je suis irrécupérable. Mais il y a un lien, je vous jure. Figurez-vous que dans son comic Sandman (que je vous encourage vivement à lire, mais ceci est une autre histoire), on visite à plusieurs reprises dans le domaine du rêve une bibliothèque gérée par Lucien, et qui contient des ouvrages très intéressants :
Désolé pour l’image pas très lisible, je n’ai pas trouvé mieux et je n’ai pas mon exemplaire de la Saison des Brumes (Sandman vol. 4) sous la main. Si vous plissez un peu des yeux, vous repérerez La route perdue de Tolkien, deuxième à droite à côté du Lewis Caroll, entre autres livres jamais écrits ou jamais terminés autrement qu’en rêve.
Bien sûr cette bibliothèque doit déborder d’œuvres inachevées de Tolkien, mais pourquoi avoir choisi celle-là ? Du coup ça m’a toujours un peu intriguée. Et il faut avouer que bien que n’occupant que peu de pages dans ce volume, l’esquisse de la Route perdue présentée dans ce volume est très intéressante.
L’idée de ce roman est née d’une discussion avec C.S. Lewis, rapportée dans sa correspondance (ce mini extrait donne bien envie de se mettre pour de bon à la lecture de ses Lettres d'ailleurs), sur le fait qu’il y avait trop peu d’histoires comme ils en aimaient, et qu’ils devraient donc en écrire eux-mêmes.
Nous sommes tombés d’accord pour qu’il essaie « le voyage dans l’espace » et que j’essaie « le voyage dans le temps ». De son côté, le résultat est bien connu. Mes tentatives, après quelques chapitres, ont tourné court : c’était un détour trop long vers ce que je voulais réellement faire, à savoir une nouvelle version de la légende de l’Atlantide. La dernière scène a été conservée pour devenir la Chute de Númenor.
Pour l’œuvre de Lewis, je pense qu’il s’agit de sa trilogie cosmique (que je n’ai jamais lue). Quant au projet inachevé de Tolkien, je ne peux m’empêcher de penser qu’on a là un excellent point de départ pour un épisode de Doctor Who le mettant en scène, mais je m’égare…
A vrai dire les textes de la Route perdue n’occupent qu’une grosse centaine de pages sur les cinq cents du volume, mais ils sont très intéressants. Le titre fait référence au chemin pour se rendre à Valinor, la voie droite, qui est perdue lorsque les Valar rendent la Terre ronde pour couper l'accès à Valinor, ce qui entraine la submersion de Númenor.
On trouve tout d’abord deux versions de la Chute de Númenor, versions abrégées de l’histoire où on sent la mythologie qui commence à se mettre en place : Sauron porte enfin le nom qu’on lui connaît par le Seigneur des Anneaux, et on commence à voir apparaître des figures telles que Gil-Galad et Elendil (dans une Dernière Alliance des elfes et des humains), avec un Elrond qui joue le rôle du premier roi de l’île, faute d’avoir son frère jumeau pour le remplacer.
Ensuite se trouvent les fragments de la Route perdue à proprement parlé, qui sont assez différents de tous les récits mythologiques de Tolkien. Bien sûr, on ne voit pas les personnages construire une machine à voyage dans le temps, le trajet semble destiné à s’effectuer plutôt de façon mystique (même si la partie en question n’a jamais été écrite).
Les premiers chapitres racontent l’histoire d’un père et de son fils, dans notre époque actuelle (enfin celle de Tolkien), tous deux férus d’étude de langues et d’histoire ancienne, à qui on va proposer ce voyage dans le passé.
Inutile de vous dire que si on laisse de côté le voyage, le ton a quelque chose de très personnel (même si le récit n’est pas autobiographique), c’est un des rares textes de Tolkien où on sent particulièrement proche de l’auteur.
Les autres chapitres concernent Númenor, et mettent en scène un certain Elendil qui discute avec son fils Herendil sur les dangers de lancer une expédition à l’Ouest, et sur les manigances de Sauron. Difficile de ne pas noter le parallèle entre les deux histoires de relation entre un père et son fils.
Ces textes sont assez courts (et viennent accompagnés de deux trois poèmes plus ou moins liés), mais suscitent vraiment la curiosité. C’est tellement différent du Tolkien habituel, j’aurais bien aimé en lire plus !
A part ces fragments, ce volume de l’Histoire de la Terre du Milieu qui s’intéresse à la période juste avant l’écriture du Seigneur des Anneaux propose différents textes, dont de nouvelles versions des Annales de Valinor et du Beleriand, sur lesquels je ne m’étendrais pas.
On trouve ensuite une première version de l’Ainulindalë (le premier texte du Silmarillion qui raconte la création du monde), et le Lhammas (qui n’a rien à voir avec les lembas), une vraie nouveauté pour le coup ! Il s’agit d’un texte qui raconte l’origine de toutes les langues de la Terre du Milieu et leurs influences mutuelles, complexe schéma fléché à l’appui.
Il y a beaucoup de subtilités au niveau des différentes évolutions linguistiques, qui se recoupent avec les multiples hésitations de Tolkien quant aux statuts des différents elfes (ceux qui sont allés à Valinor, ceux qui n’y sont pas allés, ceux qui ont pris la route mais se sont arrêtés pour ramasser des fleurs…). C’est assez obscur, mais c’est plaisant de se rappeler à quel point son univers est complexe et travaillé.
La plus grosse partie du volume est occupée par la Quenta Silmarillion (oui, encore), dans une de ses versions les plus récentes, celle sur laquelle Tolkien travaillait avant que son éditeur la refuse, et lui conseille plutôt d’écrire une suite au Hobbit. Le manuscrit était particulièrement beau selon Christopher Tolkien, mais on se contentera de le croire sur parole.
C’est une version très proche de celle publiée en 1975, cela se sent parfois dans les tournures, même si l’univers n’est pas encore complètement fixé. La fin commence vraiment à prendre forme quant au destin d’Eärendel et d’Elwing, et Elros, le frère jumeau d’Elrond qui donnera naissance à la lignée des rois de Númenor s’impose dans les corrections.
Mais je ne vous cache pas que je sature un peu, je comprends le choix éditorial de présenter les travaux chronologiquement, mais on finit de se lasser de relire à l’infini les mêmes histoires, avec des différences parfois infinitésimales difficiles à saisir d’un tome à l’autre.
En guise d’appendices, on trouve les Etymologies (une sortie de dictionnaire que Tolkien complétait tout en écrivant avec les mots et leurs racines), que j’ai survolé vite fait, ainsi qu’une nouvelle carte du Beleriand, bien plus lisible que les précédentes.
Au final, j’ai trouvé ce volume plus intéressant que le précédent (notamment pour la partie sur la Route perdue), mais je ne vous cache pas que j’ai dû me forcer à avancer dans l’ouvrage une fois passés la première partie. Je suis admirative du travail réalisé par Christopher Tolkien pour présenter tous ces textes de façon aussi claire, mais je préférerais lire autre chose que la matière du Silmarillion, aussi belle soit-elle.
C’est un peu énervant de s’arrêter là, parce que les tomes suivants (non traduits en français pour le moment) couvrent l’écriture du Seigneur des Anneaux, ce qui pour le coup m’intéresserait plus. Mais j’avoue manquer de courage pour continuer l’aventure en vo…
D’autant plus que j’ai encore d’autres textes à lire en vf ! Prochaine étape, Roverandom. Petit à petit, j'en vois le bout de ce challenge...
Ce que j'ai lu :
Ce qu’il me reste à lire :
Roverandom
Les Enfants de Hurin
Les Enfants de Hurin
La Légende de Sigurd et Gudrun
Une étude : Sur les rivages de Terre du Milieu de Vincent Ferré
Une oeuvre qui l'a inspiré : L'Edda
Je trouve que tu cartonnes plus tot pas mal pour ton Middle Earth challnge. Et en plus, là tu vas rajouter Roverandom :)
RépondreSupprimerOuais, seulement il me reste que les trucs les plus durs je crois xD
RépondreSupprimerJe vais ptêtre enchainer sur l'Edda, histoire de rendre le bouquin à Ely après ^^