Déracinée – Naomi Novik

Après avoir passé pas de nombreuses années en compagnie de Téméraire, j’ai eu envie de continuer à profiter de la plume fort agréable de Naomi Novik. Je me suis donc lancée dans la lecture de Déracinée, un roman de fantasy qui revisite à sa façon les contes de fées avec un dragon qui n’a cette fois-ci de dragon que le nom.

Nous voilà donc projetés dans une vallée qui serait plutôt bucolique, si elle n’était pas entourée par le Bois, une forêt sinistre qui semble douée d’une volonté propre, et qui kidnappe régulièrement des habitants du coin. La vallée est placée sous la protection du Dragon, un puissant magicien, qui perçoit pour tout tribut une jolie jeune fille qui se met à son service pendant dix ans.

Lorsque l’histoire commence, tout le monde s’attend donc à ce que la plus belle et la plus brillante des filles du village de Dvernik soit choisie cette année-là. Mais le lecteur n’est pas vraiment surpris lorsque c’est la très maladroite Agnieszka qui est choisie, vu qu’il s’agit de la narratrice de l’histoire.

Agnieszka est donc emmenée par le Dragon dans son antre, mais contrairement aux princesses de contes de fées, elle ne va pas attendre d’être libérée par son prince charmant (les princes n’étant pas très charmants dans cet univers). Elle va plutôt chercher à comprendre pourquoi elle a été choisie contre toutes attentes.

Lorsque j’ai commencé à lire Déracinée, j’avais complètement oublié cette histoire de réécriture de conte de fée si bien que je n’ai même pas prêté attention à la déconstruction que pratique Naomi Novik, tout en citant quelques personnages célèbres comme Baba Yaga (mais sans la maison aux pattes de poule). Pourtant il y a un joli travail là-dessus quand on revient dessus.

Cependant le livre se lit aussi très bien comme un « simple » roman de fantasy, car l’autrice ne fait pas dans le « Il était une fois » vague et prend bien attention à construire son univers. Si on ne trouve pas de carte à l’entrée du roman, on perçoit assez vite que le monde que Naomi Novik met en scène n’est pas qu’un vague ersatz de moyen-âge idéalisé mais un univers avec une géopolitique et un système de magie plutôt développé pour une histoire en un seul tome.

Je me suis donc retrouvée sans crier gare happée dans ce roman très prenant. J’ai aimé son héroïne attachante autant par sa maladresse que par son humanité, j’ai apprécié son intrigue plus riche qu’on ne pourrait s’y attendre et qui ne fait pas dans le manichéisme. Et j’ai passé un excellent moment dans ce royaume, entre le village paisible de Dvernik, le Bois sombre et oppressant et la capitale guère plus sympathique où tout va trop vite pour que Agniezska en comprenne les codes.

On pourra reprocher un roman un certain classicisme (après tout il n’invente rien dans le genre), mais c’est un classicisme que j’ai beaucoup apprécié car il m’a rappelé de vieilles lectures que j’avais beaucoup aimé. Avec son héroïne un peu à contre-courant et sa manière de jouer des clichés du genre, Déracinée m’a notamment évoqué l’excellent Fendragon de Barbara Hambly (ce qui dans mon panthéon personnel n’a rien d’anecdotique)

Si vous cherchez une histoire de fantasy prenante qui vous en mettra plein la vue en moins de six cents pages tout en détournant à sa façon certains codes des contes de fées et de la fantasy, vous pouvez vous lancer sans souci dans Déracinée. Il offre un excellent moment d’une lecture agréable, confortable et même réconfortante. Je dois dire que cela faisait longtemps que je n’avais pas dévoré un livre avec un tel plaisir, et cela m’a fait un bien fou personnellement !

Infos utiles : Déracinée (Uprooted) est un roman de Naomi Novik publié en VO en 2015. La version française, avec une traduction de Benjamin Kuntzer, a été publiée chez Pygmalion en 2017 puis chez J’ai lu en 2018. Comptez 509 pages pour l’édition poche, qui est dotée d’une très jolie couverture de l’agence Crushed.co.uk.

Autres avis : Célindanaé, Lutin82, Mariejuliet