Lecture du mois du Cercle d’Atuan, La tour de Babylone est un recueil de huit nouvelles de Ted Chiang, un auteur américain pas forcément très prolifique (ce recueil reprend tous ses textes écrits entre 1990 et 2002) mais apparemment de qualité, si on se fie à l’incroyable quantité de prix littéraires évoqués en couverture. Il fallait bien que je vérifie si sa réputation était méritée !
Le recueil s’ouvre sur La tour de Babylone, qui nous permet d’assister à la construction de la fameuse tour du même nom avec une approche très rationnelle (conception de la tour, approvisionnement…), ce qui en fait un texte fort appréciable quand on est féru d’histoire ancienne.
Comprends, la deuxième nouvelle, évoque un peu Des fleurs pour Algernon ou Barrière mentale par sa thématique : celle de l’homme qui voit son intelligence s’accroître et largement dépasser celle de l’humain au moyen. Le phénomène est bien rendu et plutôt fascinant à suivre, bien qu’un peu déprimant sur la fin.
On enchaîne ensuite sur Division par zéro, une nouvelle au récit décousu (ça a l’air d’être une spécialité de l’auteur) qui se penche sur une mathématicienne qui découvre un théorème mathématique qui prouve que toutes les mathématiques sont fausses. L’idée est intéressante, et la construction plutôt bien fichue, même si on termine finalement avec un goût de pas assez.
L'Histoire de ta vie adopte la même construction alambiquée que Division par zéro (une sorte de désordre chronologique extrêmement maîtrisé) pour nous parler d’une linguiste qui communique avec des aliens et tente de comprendre leur langage et leur mode de pensée. La construction est brillante, de même que le contenu sur le langage, par contre j’ai terminé aussi sur un goût de pas assez (et j’ai cru comprendre qu’en conséquence j’étais passée à côté d’un chef d’œuvre !).
On parle toujours de langage dans Soixante-douze lettres, mais dans une forme bien différente puisqu’on visite un monde où la technologie s’est développée autour des golems (qu’on anime avec des noms), et où le personnage principal, spécialiste dans la création de noms, se retrouve à travailler pour sauver l’humanité de la stérilité qui la menace. Cette nouvelle est assez savoureuse pour son côté rétro-futuriste, où on se demande jusqu’où l’auteur va pousser sa démonstration.
L'Évolution de la science humaine est un court texte publié à l’origine dans la revue Nature sur le destin d’une revue scientifique humaine dans un futur où elle en serait réduite à tenter de comprendre le destin d’humains supérieurs. Ecrite à la façon d’un article de revue scientifique, cette nouvelle est un sympathique exercice de style.
Le texte suivant, L'Enfer, quand Dieu n'est pas présent, est assez surprenant (et finalement pas tellement quand on repense à La tour de Babylone) dans sa façon d’aborder des questions religieuses d’une façon très pragmatique, dans un monde où les visites d’anges sont autant des miracles que des catastrophes naturelles. C’est vraiment original et déstabilisant comme approche, c’est donc forcément très intéressant à lire (même si la fin m’a laissé un peu sceptique).
Enfin le recueil se termine sur Aimer ce que l'on voit : un documentaire, qui pour moi a été un peu le final en apothéose, tant ce texte qui s’interroge sur la perception de la beauté, la façon dont cela nous influence et l’usage qu’en font les publicitaires m’a touché. La construction façon reportage est très bien orchestrée, et l’auteur pousse vraiment son idée jusqu’au bout en confrontant les multiples points de vue et en permettant au personnage principal d’explorer la question à son rythme.
Dans l’ensemble j’ai trouvé que tous les textes de ce recueil étaient brillants. Les idées sont excellentes, et leur démonstration certes très scientifique est didactique et facile à suivre en règle générale. Sacré contenu, sans pour autant négliger la forme vu que Ted Chiang n’hésite pas à utiliser des formats de récits originaux ou parfois un peu alambiqués qui donnent vraiment envie d’avancer dans l’intrigue.
D’un point de vue personnel, j’ai été un peu dérangée cependant par les personnages assez froids (pour le coup ce n’est pas son atout), et par des fins qui m’ont soit échappé, soit déçu (et on ne pardonne difficilement à une nouvelle de passer à côté de sa fin). Cependant je pense que je serais ravie de lire d’autres textes de Ted Chiang, rien que pour la fulgurance des idées qu'ils contiennent.
Avis des autres participants : Lorhkan, MqlSz
Avis des autres participants : Lorhkan, MqlSz
cela fait un moment que je tourne autour de ce recueil et j'ai lu ton avis avec intérêt : de quoi me décider, un de ces jours, à franchir le pas et à m'y plonger !
RépondreSupprimer@Brize
RépondreSupprimerFaut pas hésiter !