Je suis en train de devenir doucement accro à Theodore Sturgeon. Après un Cristal qui songe qui m’avait déjà impressionné, je suis tombée sur Un peu de ton sang, un recueil composée de la novella éponyme de 150 pages, qui est un délice à consommer sans modération, et d’une nouvelle plus courte de 50 pages, Je répare tout, en guise de collation.
Un peu de ton sang emmène (littéralement) le lecteur visiter les dossiers d’un psychiatre, le Dr Philip Outerbridge, qui s’est vu confié un bien étrange cas : un certain George Smith, soldat de son état, interné comme fou dangereux pour avoir frappé son supérieur hiérarchique qui avait lu son courrier, sans que personne n’en connaisse la raison exacte.
L’histoire se construit au fil des documents qui nous sont présentés : d’abord avec un récit rédigé par le patient, puis avec de la correspondance, des transcriptions d’entretien. A l’exception de l’introduction et de la conclusion qui s’adressent au lecteur, il n’y a pas vraiment de narration.
La construction en elle-même n’est pas courante, mais le contenu également. Vu le titre, vu l’image en couverture (qui m’évoque terriblement Entretien avec un vampire pour ma part), on s’attend à du fantastique. A la rigueur à la de la SF, vu la collection. Mais que nenni mon ami, l’horreur ici est purement psychologique.
Je vends la mèche sans vergogne, mais c’est pour cette raison que je suis tombée amoureuse de cette novella. Tout est dans la suggestion et dans l’évocation d’une nature humaine qui n’a pas besoin de surnaturel pour susciter l’angoisse et le malaise. Pire (mieux) encore, c’est finalement au lecteur de décider du caractère horrifique de l’histoire.
Dans la facture, on est très proche de ce que peut écrire un Daniel Keyes. Le méli-mélo de lettres et de récits, ainsi que cette plongée dans cet étrange univers qu’est l’esprit humain quand il devient fou évoque les 1001 vies de Billy Milligan. Et il est difficile de ne pas penser à des Fleurs pour Algernon, quand on lit le récit de George Smith où l’écriture se plie vraiment à la pensée du personnage (avec une narration à la 3e/1ère personne fort étrange). Rien que pour ça, cette lecture est un moment de plaisir.
A cela, il faut ajouter la griffe de Sturgeon, qui parsème son texte de passages poignants sur la solitude, la différence, les relations entre les personnes, comme celui-ci qui ouvre le récit de George : « Il n’y eut qu’une seule raison à ce mariage : elle était la seule fille qui lui eût jamais parlé. Ils partagèrent une seule chose : la solitude. Ils furent seuls ensemble au lieu de l’être chacun de leur coté ».
A la suite de ce petit bijou, Je répare tout est une nouvelle plus convenue, toujours dans le registre de l’horreur psychologique, qui raconte l’histoire d’un homme, semble-t-il un peu l’idiot du village, qui trouve une femme agonisante devant la porte. Il la ramène chez lui et décide de la sauver…
Prenante, elle aussi, on y retrouve une écriture efficace qui ne s’embarrasse pas de chichis, et une belle interrogation sur la différence et la solitude, sans pour autant renier le coté divertissant d’une histoire à chute qui est autant angoissante que rigolote, selon comment on la regarde.
Résultat, je suis sous le charme de Sturgeon, et je ne saurais que trop vous recommander la lecture de ces deux nouvelles. Quant à moi, je m’en vais dénicher les Plus qu’Humains sous peu…
Mon vrai bon souvenir de lecture de Sturgeon est Les plus qu'humains. C'est pourquoi je ne saurais trop t'encourager à le lire. Ce que tu dis de Un peu de ton sang est très tentant et je vais donc peut-être me laisser tenter. Deux cent pages si j'ai bien calculé. Ah, la belle époque où les auteurs pouvaient faire tenir des histoires autrement plus intéressantes que beaucoup d'aujourd'hui en si peu de pages. Même si j'ai bien compris qu'il s'agit ici de grosses nouvelles, les romans de Sturgeon sont très concentrés eux aussi.
RépondreSupprimerIl est entré dans ma PAL en même temps que Les plus qu'humain aptès avoir beaucoup apprécié la lecture commune de Cristal qui songe. Nul doute qu'il ne tardera pas trop a passer par la table de nuit. Merci pour cette présentation qui confirme mes attentes
RépondreSupprimerVoilà qui me donne encore plus envie de découvrir Sturgeon :)
RépondreSupprimerLelf, faut pas hésiter à te lancer, Sturgeon en vaut la peine...
RépondreSupprimerBon je sens que Les plus qu'humains va pas tarder à passer à la casserole chez moi (et comme tu le fais si bien remarquer Arutha, c'est court, du coup aucune excuse pour retarder cette lecture ^^)
Ah mais j'avais raté ce billet. Ca m'apprendra à me mettre en vacances de blog :-) Bon eh bien tout pareil :-) J'ai beaucoup aimé la construction et le thème du premier récit et comme toi, j'ai trouvé le second plus convenu mais bon. Ca me donne envie de lire plus de cet auteur.
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