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mercredi 8 février 2023

Les quatre vents du désir – Ursula K. Le Guin

Les quatre vents du désir - Couverture

Les quatre vents du désir est le deuxième recueil de nouvelles d’Ursula K. Le Guin après Aux douze vents du monde. Sorti chez Pocket en 1988, il n’était plus disponible qu’en occasion, jusqu’à que le Bélial’ le réédite l’année dernière.

J’avais déjà chroniqué ce recueil dans sa première édition lorsque je l’ai lu il y a quelques années. Comme je me suis surprise à trouver de nouvelles choses à dire à son sujet, j’ai eu envie de sortir une « nouvelle édition » de mon avis.

Les quatre vents du désir
rassemble des nouvelles écrites entre 1974 et 1982, organisées selon les points cardinaux : nord, sud, est, ouest, auxquels l’autrice ajoute le zénith (le haut) et le nadir (le bas).

Même si à la relecture j’ai toujours du mal à saisir l’association d’idées entre les directions et certaines nouvelles, je reste admirative de la construction du recueil : les nouvelles n’ont pas été classées par hasard et on perçoit un changement de ton/thématique quand on passe d’une partie à une autre. Même si l’autrice ne donne aucun contexte ou élément d’explication (sauf dans l’interview en fin d’ouvrage), on sent que les textes n’ont pas été balancés là par hasard.

Je ne vais pas vous présenter toutes les nouvelles pour vous laisser le plaisir de la découverte, mais voilà un petit aperçu de ce qui vous attend. J’ai choisi une nouvelle par section.

La Nouvelle Atlantide (Nadir) : un récit qui entremêle un futur dystopique où tout n'est que contrôle absurde et la réapparition mystérieuse de continents perdus. C'est un superbe texte avec des passages superbes, notamment celui-là :

« Nous étions étendus côte à côte, et sa tête reposait sur mon bras. Je ne pense pas avoir jamais été aussi heureuse. Non ; était-ce du bonheur ? Quelque chose de plus vaste et de plus sombre, plus semblable à de la connaissance, plus semblable à la nuit : de la joie. »
Deux retards sur la ligne du Nord (Nord) : à chaque décès dans mon entourage, il y a toujours une nouvelle qui vient y répondre de manière inattendue. C'est le cas de ce double texte qui raconte deux voyages liés à des décès. L’intrigue n’a rien de spectaculaire mais c’est un superbe texte plein d’humanité et de douceur.

Le Journal de la Rose (Est) : dans un futur où on a inventé un appareil capable de « lire » le contenu des cerveaux, la prise en charge des problèmes mentaux a beaucoup évolué. On le découvre par le récit d’une utilisatrice de cet appareil, qui sort changée (et nous avec) de son expérience.

L’Œil transfiguré (Zénith) : Sur un monde colonisé par les humains, mais où les humains ne sont pas adaptés à la planète, un jeune homme malade pourrait bien avoir trouvé une parade grâce à une perspective différente. C’est un très joli texte plein d'humanité comme sait très bien en écrire Ursula K. Le Guin.

La Harpe de Gwilan (Ouest) : Un texte très poignant sur une femme, une harpe et le récit de sa vie. C’est le genre de texte qui me touche encore plus aujourd’hui, il dit tellement de choses en peu de mots.

Quelques approches au problème du manque de temps (Sud) : après beaucoup de textes bouleversants ou poignants,  je mets en avant un des textes légers du recueil, un récit plutôt drôle qui offre une résolution délicieusement absurde au souci évoqué en titre.

Comme tout recueil qui se respecte, Les quatre vents du désir contient quelques textes qui laissent indifférent ou perplexe, mais globalement c’est un très beau livre, bien construit, avec des nouvelles intéressantes dans leurs thématiques, souvent touchantes et portées par une très belle écriture. C’est aussi un ouvrage que je trouve très accessible, avec un caractère SFFF présent mais léger.

Je n’avais pas forcément prévu de refaire une chronique de ce recueil mais je me suis surprise à vraiment savourer cette relecture. J’ai eu l’impression de redécouvrir ces nouvelles, comme ci je les appréciais mieux aujourd’hui qu’il y a huit ans. 

La raison principale est sans doute que je suis plus sensible à certaines thématiques, mais ça me fait plaisir, dans une période où je suis parfois blasée et peu prompte à m’enthousiasmer, de relire un livre et de m’offrir un authentique coup de cœur.

Quelques mots concernant cette nouvelle édition pour finir : bel objet livre comme il se doit avec des illustrations intérieures pour chaque partie et des bonus intéressants : une très bonne préface de David Meulemans, une bibliographie détaillée et un très long entretien réalisé par Hélène Escudié en fin d’ouvrage d’une très grande richesse (mais susceptible de vous spoiler pas mal de choses).

Il y a huit ans, je concluais ma chronique de ce recueil d’un « En toute honnêteté, ce n’est sans doute pas le plus indispensable de ses livres », ce qui m’a un peu horrifié quand je l’ai relu récemment. Je disais cela parce que je savais ce recueil difficile à trouver à l’époque, mais il n’en reste pas moins que c’est une ÉNORME bêtise. 

Les quatre vents du désir est un superbe recueil de nouvelles, une très bonne porte d’entrée à l’œuvre d’Ursula K. Le Guin et de manière générale une lecture que je ne peux que vous recommander.

Infos utiles : Les quatre vents du désir (The Compass Rose) est un recueil de nouvelles de Ursula K. Le Guin sorti en VO en 1982. Première édition française en 1988, réédition en 2022 aux éditions du Bélial’ avec une couverture et des illustrations intérieures de Aurélien Police. Traductions de Martine Laroche, Françoise Levie-Howe, Jean-Pierre Pugi, Philippe Rouille et France-Marie Watkins. 444 p.

D’autres avis : Au pays des Cave Trolls, Les critiques de Yuyine, Un dernier livre avant la fin du monde, Yossarian

10 commentaires:

  1. Est-ce qu'on peut dire que les textes de Le Guin se bonifient avec l'âge du lecteurice ?
    En tout cas ce recueil ne pouvait être qu'au Bélial' tant sa construction semble digne des Quarante-Deux.

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  2. Les bienfaits de la relecture à l'occasion ça fait du bien ^^

    J'ai ce livre, Le Bélial me l'a envoyé, mais je lirai Au 12 vents du monde avant.

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  3. Tu confirmes que l'avoir dans mon viseur est vraiment une excellente idée!

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  4. @Baroona
    Je ne sais pas si c'est valable pour tout le monde mais pour moi oui ^^

    @Tigger Lilly
    Dans l'ordre ou rien, je comprends.

    @Lutin82
    Oui c'est une bonne idée !

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  5. Aaaaaaaah quelle femme extraordinaire, aaaaaah, je dois la lire plus, aaaaaaaaah.
    (J'ai dit sensiblement la même chose chez Grominou hier. Lol.)
    Vive les relectures!!! C'est là qu'on voit les bouquins qui brillent: ceux qu'on peut relire au fil de sa vie en y trouvant de nouvelles choses!

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  6. C'est du Ursula tout craché, plus je la relis, plus je l'apprécie ^^

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  7. Pas certaine de lire ce recueil, mais c'est un super exercice de faire une nouvelle chronique sur une relecture ! On évolue, nos points de vue avec, et la lecture en ressort forcément différente, et même ici meilleure visiblement :)

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  8. @Shaya
    Oui j'aime bien relire mes avis d'il y a dix ans et me dire que j'étais une idiote, je préfère ça que l'inverse 😁

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  9. Je suis d'accord, c'est chouette de voir sa perception et son appréciation évoluer. Ce dont je fais rarement l'expérience parce que je prends rarement le temps de relire ce que j'ai déjà lu. Et puis je n'ai pas alimenté un blog pour garder une trace de toutes mes lectures malheureusement 😔
    En tous cas, c'est sûr que je veux lire ce recueil un jour 😊

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  10. @Ksidra
    J'espère que tu apprécieras ta lecture ^^

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