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mercredi 23 janvier 2019

Papa Longues-Jambes – Jean Webster


Je ne pensais pas signer pour un challenge avant l’été prochain, mais ma chère collègue Lune qui n’est jamais à court d’idée dans le domaine a décidé de s’offrir quelques madeleines de Proust pour se réchauffer pendant l’hiver, et nous invite à faire de même. Idée sympathique, à condition de trouver de quelle œuvre parler. J’étais partie dans la relecture d’une trilogie jeunesse qui revisitait Frankenstein mais j’ai calé assez vite. Et c’est presque par hasard que je me suis rabattue sur ce livre, tout en me demandant comment j’avais fait pour ne pas y penser plus tôt.

Papa-Longues-Jambes fait partie de ces livres doudous que j’ai découvert quand j’étais jeune (j’étais au collège) et que je relis sans cesse sans jamais m’en lasser. La préface (de 1967) qui ouvre mon édition commence par « A quel ingrédient secret Papa-Longues-Jambes doit-il d’être resté aussi vivant qu’à sa parution, voici plus d’un demi-siècle ? ». Cette question me travaille aussi à chaque relecture, tant ce texte qui a désormais plus d'un siècle reste toujours aussi frais et plaisant à relire.

Papa-Longues-Jambes, à la base, c’est un peu un conte de fées des temps modernes. L’héroïne du roman, Jerusha Abbott (très vite renommée Judy) est une orpheline brillante qui est envoyée par l’université grâce à un généreux bienfaiteur. Une seule condition : Judy doit régulièrement lui envoyer des lettres racontant sa vie à l’université, mais sans attendre de réponses car son mécène souhaite rester anonyme.

Papa-Longues-Jambes est donc un roman épistolaire à sens unique, où l’on va suivre les pas d’une orpheline qui a vécu un peu coupée du monde qui découvre l’université et le bonheur d’avoir de l’argent de poche, fréquente des jeunes filles d’un milieu social très différent du sien et vit plein d’aventures, émerveillée devant ce monde ouvert qu’elle découvre après des années d’orphelinat.

Les cœurs de pierre pourront dire que tout cela est un peu trop facile, que Judy réussit un peu trop facilement dans tout ce qu’elle fait et que le ton est un peu mièvre par moment (malgré une histoire d’amour un brin dérangeante si on y réfléchit trop). C’est en partie vrai, mais se concentrer là-dessus, c’est passer à côté des deux grands atouts du roman.

Le premier, c’est son héroïne pleine de vie et ultra-attachante. J’adore Judy, c’est une jeune fille qui découvre enfin le monde après des années cloîtrées dans un orphelinat et qui s’émerveille de tout. A chaque relecture, j’adore la voir découvrir tous les classiques de la littérature, se passionner pour le théâtre et parler en vrac dans ses lettres de caramel artisanal, d’élevage de crapauds et d’ornements de chapeaux.

Ses lettres sont pétillantes, pleines d’humour et de dessins rigolos, avec des remarques très justes sur la vie. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir des moments de mélancolie ou de désespoir, ou de faire preuve de caractère et d’obstination quand son généreux bienfaiteur (qui ne lui répond jamais sinon par le biais de télégrammes de son secrétaire) lui interdit de faire ce qui lui plairait.

L’autre grand atout, c’est le caractère hautement féministe du roman. L’autrice a été élevée dans une famille de femmes militantes, et cela se ressent à la lecture. Ce roman date de 1912 et on y parle émancipation et droit de vote des femmes. C’est toujours un plaisir de voir Judy partager ses réflexions à ce sujet, et faire son possible pour ne pas être dépendante de son bienfaiteur pour payer sa scolarité et assurer son avenir.

C’est ce qui fait probablement que 100 ans après, ce roman reste très vivant et actuel, et qu’on continue à le lire dans le monde scolaire (en tout cas ma sœur l’a lu au collège, c’est comme cela qu’il est arrivé dans notre bibliothèque familiale et que je l’ai découvert).

Je pourrais m’étaler des heures sur ce roman, mais si vous n’avez pas lu, vous risquez assez vite de vous lasser. Je vais donc m’arrêter là et me contenter de vous conseiller d’y jeter un œil à l’occasion. Certes on n’y trouve ni créature fantastique, ni alien et encore moins des prophéties sur le retour de l’Élu, mais c’est un roman super agréable à lire qui ensoleillera sans peine votre journée (ce qui est très pratique par les temps qui courent où le soleil joue à cache-cache).

Plus d’informations : Papa-Longues-Jambes ou Papa Faucheux selon les traductions (Daddy Long-legs en VO) est un roman écrit en 1912 par Jean Webster. J’ai lu l’édition française traduite par Yvette Métral en 1981 dans la version Castor Poche (1990, 267 pages). Vous pouvez consulter l’édition de 1933 sur Gallica ou vous procurer l’édition la plus récente (avec une nouvelle traduction de Michelle Esclapez) chez Gallimard Jeunesse. Les textes en VO sont désormais libres de droit et disponibles sur Gutenberg.

Pour aller plus loin : Jean Webster a également écrit une suite, Dear Enemy, qui a été traduit sous le titre Mon ennemi chéri mais qui n’a jamais été réédité depuis les années 1950 (autant dire qu’il est difficile de se le procurer en français). Je l’ai lu en VO mais j’avoue avoir été déçue à l’époque car il laissait de côté Judy pour se concentrer sur son amie Sally. Il faudrait que je le relise maintenant en sachant à quoi m’attendre pour mieux l’apprécier.

Pour aller encore plus loin : Succès oblige, le roman a été adapté à plusieurs reprises en film, en comédie musicale (mais sans Julie Andrews, pourtant je l’imagine tellement bien dans le rôle !) et sous forme d’une série d’animation japonaise (ça ne m’étonne même pas !). Je n’ai jamais voulu en voir aucune de ces adaptations, j’aime trop ce livre pour supporter le moindre changement dans les personnages ou l’intrigue.


12 commentaires:

  1. je ne savais pas que c'était un roman, c'est pas passé au club Dorothée ?
    ça donne envie de le lire !! Merci pour cette madeleine !!

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  2. J'en ai lu des Castor Poche mais celui-ci ne me dit strictement rien. Je retiens si jamais je tombe dessus chez Boulinier.

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    1. @Tigger Lilly
      Si ça se trouve tu vas tomber sur une vieille édition Bibliothèque verte

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  3. lu ado, je n'avais pas saisi sa portée, car je n'avais pas fait attention à la date de publication. Il faudrait que je le relise, en fait.

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    1. @Karine
      Oui je pense qu'on passe à côté de son féminisme quand on est ado. A sa sortie il visait un public plus âgé de jeunes femmes adultes en fait.

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  4. Mince! Je crois que c'est le livre que j'aurais dû lire au collège. Ça m'aurait peut-être fait réfléchir un peu. Ça a l'air super.

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  5. Le titre me parle mais je ne sais pas pour quelles raisons... Soit je l'ai lu et j'ai oublié (c'est l'âge), soit j'en ai vu une adaptation et j'ai aussi oublié (toujours l'âge!) :p

    Bref, ta chronique, bien sympathique, donne envie de s'y (ré)intéresser. :)

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    1. @Itenarasa
      Cherche pas, c'est le Club Dorothée à priori qui a diffusé l'adaptation en anime ^^

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  6. Jamais lu même si souvent croisé en librairie (je me demande s'il n'est pas encore étudié dans certains collèges), mais ça me tente. A tester !

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    1. @Shaya
      Je suis sûre que tu peux le croiser en bibliothèque et le lire très vite ^^

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