C’est toujours très frustrant, lorsqu’un monument de la SF vous échappe. J’ai fait connaissance avec Philip K. Dick il y a bien longtemps, et si j’ai toujours adoré ses nouvelles, j’ai malheureusement bloqué sur ma seule expérience romanesque, Le maître du haut château, en dépit de sa réputation, ce qui m’a toujours un peu vexée.
Du coup lorsque par un concours de circonstance (impliquant le Winter Time Travel, le Cercle d’Atuan et le fait d’avoir les épreuves de la nouvelle traduction sous la main) j’ai eu l’opportunité de faire une nouvelle tentative, j’ai voulu donner une deuxième chance à ce classique d’entre les classiques, ce que je ne suis pas mécontente d’avoir fait.
Le maître du haut château est une uchronie se déroulant aux Etats-Unis, prenant comme point de divergence l’assassinat de Roosevelt avant la seconde guerre mondiale, ce qui conduisit à la défaite du pays. Celui-ci est désormais occupé à l’est par les Allemands, et à l’ouest par les Japonais, avec quelques états neutres dans les Rocheuses.
Dans ce contexte, on suit le parcours d’un certain nombre de personnages : M. Tagomi, un Japonais qui s’apprête à entamer de grandes négociations avec un industriel suédois : Frink, un ouvrier qui décide de se lancer dans la fabrication de bijoux ; Juliana, sa femme qui vit dans les Rocheuses et enseigne le judo ; Childan, un vendeur d’« antiquités » américaines, et quelques autres.
Leurs histoires se croisent à leur façon tandis que l’on découvre peu à peu ce monde différent où un roman, Le poids de la sauterelle, fait grand bruit en racontant le destin alternatif d’une Amérique ayant gagné la guerre.
A la première lecture, j’avais détesté ce roman, principalement à cause de la fin plus qu’étrange, mais aussi à cause de l’omniprésence du Yi King, dont je n’avais jamais entendu parler jusque-là. D’ailleurs ironiquement, je me souviens l’avoir recroisé peu de temps après en lisant Le miroir d’ambre, je me suis sentie légèrement harcelée à l’époque !
A la deuxième lecture, je savais à quoi m’attendre, si bien qu’il a été bien plus facile d’apprécier le texte. Le maître du haut château est un texte étrange, car si on parle toujours principalement de son caractère uchronique, l’uchronie elle-même semble parfois n’être qu’un prétexte, une vague toile de fond.
Finalement ce n’est pas ce qui compte vraiment (surtout à l’heure actuelle où les uchronies sont assez nombreuses pour que ce soit plus vraiment une grande innovation), mais plutôt le jeu des personnages qui se cherchent (Frink dans la fabrique de bijoux, Childan dans sa tentative de rentrer dans les hauts cercles japonais avec ses antiquités…), et toutes ces destinées qui s’entrecroisent sans pour autant se lier complètement (Frink et Tagomi ne se rencontrent jamais, et pourtant…)
C’est un roman extrêmement bavard, truffé de monologues intérieurs assez longs (et parfois un peu fatigants quand on n’est pas passionnés par les modes de pensés orientaux), mais finalement pas désagréable une fois qu’on s’est habitué au style truffé de phrases courtes (qui est bien mieux rendu dans la nouvelle traduction, il me semble).
Du coup, même si j’aurais toujours du mal à considérer ce texte comme un chef d’œuvre, je me suis suffisamment réconciliée avec lui pour en sortir avec une impression plutôt positive, même si toujours assez confuse.
A noter que la nouvelle édition dispose d’une postface rédigée par Laurent Queyssi qui replace très justement le roman dans son contexte d’écriture et offre quelques éléments d’analyse plus qu’appréciables. C’est intéressant notamment de découvrir que Philip K. Dick s’est servi du Yi-King pour écrire son roman (bonjour la mise en abîme !), ou que l’histoire des bijoux est liée à l’entreprise de sa femme.
Cette deuxième lecture n’aura donc pas été un mal, et même si j’aurais toujours du mal à recommander ce roman que je trouve assez difficile d’accès, je ne suis pas mécontente d’avoir réussi à renouer avec !
Un bon souvenir de ce bouquin.
RépondreSupprimerTu fais partie des rares élus alors :D
RépondreSupprimerSi je me souviens bien, je l'avais trouvé difficile à lire, une sensation d'être hypnotisée tout au long du récit, c'est lent lent lent, comme si les personnages marchaient à pas feutrés. ET il était fort difficile de s'attacher aux personnages. Bon cela dit, je suis heureuse de l'avoir lu.
RépondreSupprimerEn fait c'est un peu comme escalader une montagne, on est bien content de l'avoir fait même si on souffre à la montée xD
RépondreSupprimerMoi je ne l'ai lu qu'une seule fois et je suis à cheval entre tes deux impressions : j'ai apprécié les monologues intérieurs et l'impression d'être un peu hypnotisée par le rythme lent, mais la fin me frustre. Je cherche toujours la personne qui pourra me l'expliquer (ou en tous cas me donner quelques hypothèses)...
RépondreSupprimer@Nathalie
RépondreSupprimerSi tu as la nouvelle édition sous la main, la postface éclaire un peu la fin de mémoire.