On pourrait croire qu’après mon marathon pernais, j’aurais vu assez de dragons pour toute l’année mais non, on n’en a jamais assez, des dragons ! Enfin si ça peut vous rassurer, il m’a quand même fallu deux mois (et une deadline de retour en bibliothèque plus que menaçante) pour me lancer dans ce livre.
Ce n’est pas tant le problème du dragon, mais ma difficulté à revenir à des écritures un peu plus complexes ces temps-ci. Du coup reprendre le boulot m’a bien aidé, car c’est encore dans le métro que j’arrive le mieux à lire ce genre de texte (d’une certaine façon j’ai donc quand même fait ma rentrée littéraire !).
Recueil de nouvelles, Le Dragon Griaule est centrée autour de son « héros » éponyme, un gigantesque dragon pétrifié par un maléfice, qui git depuis dans une vallée d’une Amérique imaginaire, influençant (peut-être ?) les esprits des habitants alentour.
Ca n’a pas été une grande surprise pour moi d’apprécier ce recueil, par j’affectionne particulièrement ce format « histoire-géographie » en fantasy, où différents textes servent à tirer le portrait d’un monde imaginaire au travers des époques et des lieux, sans réel fil conducteur (comme dans Janua Vera ou Des nouvelles du Tibbar).
Ici cependant on reste centré globalement sur un même lieu, avec Griaule en guise de fil rouge, dont la présence domine tous les textes. Tantôt on tente de le tuer (dans L’homme qui peignit le dragon Griaule), puis on en explore l’intérieur (dans La fille du chasseur d’écailles), avant de débattre de son influence dans un procès pour meurtre (Le Père des pierres), entre autres choses.
Etrange personnage que ce Griaule, qu’on ne voit jamais s’exprimer vraiment, et dont on ne sait jamais si l’influence (assez maléfique) et les manipulations sont réelles, ou pures affabulations de la part des habitants. On ne sait jamais bien s’il est vivant ou mort d’ailleurs. En fait on ne sait pas grand-chose, c’est presque fascinant toutes ces questions sans réponses.
Et cela n’empêche pas d’apprécier la ballade, bien au contraire. De tous les textes, seule la première nouvelle (L’homme qui peignit le dragon Griaule) ne m’a guère convaincu (le style m’a donné du fil à retordre, ça joue sûrement).
Je me suis régalée avec tous les autres textes, surtout Le Père des pierres (pour son côté un peu polar), La Maison du Menteur (que j’ai trouvé étrangement touchant) et La fille du chasseur d'écailles (pour les merveilles à l'intérieur de Griaule, digne d'un Voyage au centre de la Terre). La dernière nouvelle, Le Crâne, est assez particulièrement car elle a bien plus pied dans notre époque (et dans notre monde) que toutes les autres. Très longue, il me faudra encore un petit moment pour la digérer.
Lucius Shepard tisse un univers plein de noirceurs assez fascinant, et il a une sacrée plume pour mettre tout cela en forme (et la traduction m’a l’air rudement bonne d’ailleurs). La lecture m'a demandé un peu plus d’effort que d’habitude, mais ça en vaut vraiment la peine.
Ca n’a l’air de rien, mais je trouve qu’il soigne notamment superbement ses conclusions (que je ne vous recopierais pas ici pour des raisons évidentes). La plupart d’entre elles m’ont fait l’effet d’un délicieux carreau de chocolat noir pour conclure un bon repas. On sort de chaque texte rassasié et sous le charme.
Je suis donc bien contente de m’être forcée à lire à ce livre avant de le rendre à la bibliothèque, il s’agit vraiment d’un très beau recueil (qui n’a aucun équivalent VO en plus), autant dans le contenu que dans la forme, avec toutes ses illustrations.
« Nous n’avons pas voulu ce qui nous arrive, mais c’était inévitable, dit-elle. De par la volonté de Griaule. Mais cela n’importe pas. Nous avons une route à suivre et devons nous en accommoder. Et donc, nous… nous sommes devenus attachés.- Et la liberté ? Qu’est ce que ça a à voir ?- Pour trouver le chemin de la liberté dans l’inévitable, dans les limites de son destin… pour moi, c’est ça, l’amour. C’est seulement quand on accepte une limite qu’on peut y échapper. »
Le Père des pierres, Le Crâne et L'homme qui... m'ont particulièrement marqués.
RépondreSupprimerUn très bon recueil assez varié, une expérience chouette.
C'est vrai qu'il y en a relativement pour tous les goûts dans les textes ^^
SupprimerHaa Le Dragon Griaule ! Sans doute une de mes lectures les plus marquantes de l'année 2012. Très contente de lire ton avis.
RépondreSupprimerVu les bons échos, j'aurais eu tort de ne pas le lire ^^
Supprimer"Le crâne" et surtout "Le père des pierres" sont deux superbes nouvelles. Le reste est d'ailleurs très bon aussi. bref, un recueil très riche et complexe qui m'a demandé à moi aussi un peu de temps pour être digéré.
RépondreSupprimerEt bien vu pour l'analogie entre "La fille du chasseur d'écailles" et "Voyage au centre de la terre" que je n'avais pas vu alors qu'en y pensant c'est assez frappant !
Bah j'y ai pensé après coup, surtout que finalement on parle plus biologie du dragon qu'autre chose dans ce texte-ci, ça rappelle presque les interminables descriptions de l'ami Verne ^^
SupprimerAh, j'hésitais à acheter le livre, mais si c'est un univers noir et dans le même genre que "Janua Vera" (auquel je n'ai pas du tout adhéré), je vais passer mon tour !
RépondreSupprimerMerci pour cette critique instructive ! :-)
Bah c'est comme Janua Vera dans la forme, après ce n'est pas tout à fait (voir pas du tout) le même genre d'univers, ni même le même genre d'écriture. Mais bon si tu veux te faire une idée des univers de Lucius Shepard, il existe d'autres textes de lui, disponibles en poche en plus.
SupprimerBon à force d'en entendre parler en bien j'vais finir par l'acheter, même si les nouvelles c'est pas trop mon truc à la base, ça a l'air tentant !
RépondreSupprimerDis toi que la plupart des textes sont pratiquement des novellas, donc y'a pas de raison d'être frustré par le format.
SupprimerDis donc, tu sembles ravie :) J'hésite... j'ai peur du format "nouvelles".
RépondreSupprimerComme je le dis à Shaya, certains textes sont très longs (avec un découpage en chapitres et tout et tout), on est vraiment pas sur des textes courts.
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