J’ai fait connaissance avec Sean Stewart il y a quelques années en lisant l’Oiseau moqueur, et cette lecture avait été un petit coup de cœur à l’époque. J’ignorais complètement que d’autres romans de lui avaient été traduits en français, jusqu’à que j’entende parler de celui-ci à la salle 101 (c'était en janvier 2011, mais que voulez-vous, il faut le temps de dénicher le bouquin et qu’il s’affine un peu dans ma PàL…).
Sur le coup j’étais plus que contente d’en apprendre l’existence, d’autant plus que je ne serais jamais tombée dessus en rayon, vu que le bouquin était classé en littérature générale. Ce qui n’est pas complètement faux. Ni complètement vrai. Enfin rien d’anormal pour un livre de la collection Interstices en fait (collection dont il est difficile de déterminer si elle est encore vivante ou non, d’ailleurs).
Dead Kennedy (ou DK pour faire plus court) est le surnom de William Kennedy, un trentenaire vivant à Houston qui possède depuis tout petit la capacité de voir les morts (et de parler avec, tant qu’à faire). Ce qui ne lui facilite pas une vie déjà bien miteuse : sa femme l’a quitté il y a douze alors qu’elle était enceinte et il ne s’en est jamais vraiment remis. Il vit dans un appartement miteux et passe d’un petit boulot à un autre, et essaye d’être le meilleur père possible pour sa fille Megan qu’il voit tous les quinze jours.
Autant dire quand un soir, un cousin éloigné l’appelle pour lui demander de l’aide pour chasser un fantôme dans son garage (contre une belle somme d’argent), il accepte sa proposition. Et comme s’il n’avait pas assez de problèmes comme ça, sa vie devient encore plus compliquée…
C’est assez marrant parce que ça fait bien trois ans que j’ai lu l’Oiseau moqueur, mais dès les premières lignes de Dead Kennedy, j’ai retrouvé l’univers et le style si particuliers de l’auteur que j’avais aimés à l’époque.
Je m’appelle Will Kennedy. Je suis futé, mais pas autant que mon cousin Andy qui s’est mis à l’informatique à l’époque où il était chez les scouts et qui travaille aujourd’hui dans la Silicon Ravine – autrement dit à Austin. J’ai eu des démêlés avec la justice, mais pas autant que mon oncle Jerome, encore incarcéré pour agression caractérisée depuis qu’il a surpris son contrôleur judiciaire au pieu avec sa femme. Dans la famille, on me considère comme un cas, mais pas autant que tante Dot –qui, bien que toujours officiellement baptiste, assure avoir été une reine de la planète Saturne dans une vie antérieure.
On comprend facilement qu’un tel roman ne soit pas classé au rayon imaginaire, tant l’argument fantastique se révèle léger et s’intègre parfaitement la réalité qu’on connait. Dead Kennedy voir les morts, soit, mais finalement son entourage ne le considère pas comme plus bizarre qu’un fétichiste des chaussettes à pois (ou une femme qui se fait posséder par des esprits, pour ne pas évoquer l’Oiseau Moqueur).
On se rend d’ailleurs vite compte que le héros de cette histoire n’est pas tant hanté par les esprits des morts que par ses problèmes personnels qui le bouffent peu à peu, et le roman raconte finalement une descente aux enfers des plus banales (et des plus effrayantes).
Mais quel est l’intérêt du roman alors qui ne contient ni elfe, ni vampire, ni alien ? Cela tient à sa simplicité, à son ton plein d’humour (noir) et de tendresse, au petit monde étrange où il se déroule, où il est presque moins inquiétant de croiser son oncle mort qui se ballade pieds nus, que de découvrir que sa fille porte désormais des soutiens-gorge.
Toute l’histoire se déroule à Houston, au Texas donc, mais pas forcément le Texas qu’on connait par les clichés. Ou plutôt, s’il y a des clichés (les armes, les usines pétrochimiques à foison), Sean Stewart en joue très habilement, ce qui est très sympathique.
Il faut ajouter à cela une galerie de personnages assez extraordinaires. DK est en effet issu d’une famille gigantesque (tentaculaire même) dont il est difficile de matérialiser l’arbre généalogique, mais cela donne lieu à des rencontres avec des cousins, oncles et tantes particulièrement hauts en couleur, ou parfois juste touchantes, tous ces personnages étant finalement pour la plupart bourrés de défauts, ce qui ne les empêche pas de s’aimer.
« Ouais, je sais. Mais bon… tu me crois, seulement ? Quand je te raconte que je vois des fantômes ? Tu dois me prendre pour un fou. »Mon père a ôté ses lunettes de lecture, qu’il a repliées et rangées dans sa poche. Ses cheveux avaient viré au poivre et sel au cours des dernières années, et ses épaules semblaient plus courbées.« Ta mère affirme qu’elle sent véritablement la présence aimante du Christ dans sa vie. Or, j’ai beau croire en Dieu, enfin je pense, moi, ça ne m’est jamais arrivé. Mais est-ce que je vais la traiter de menteuse simplement parce que le Christ n’habite pas mon cœur ? a-t-il dit en se resservant un peu de déca. Non. Peu importe mon avis. Mon boulot, c’est de t’aider de toutes les manières possibles.- Ah », j’ai dit.Moi, le gars au couple bousillé et aux jobs de merde, j’étais touché – et penaud – de toutes les années passées à lui cracher dessus alors qu’il veillait au grain.
Assez ironiquement, je me suis d’ailleurs rendue compte à la lecture à quel point abuser de la fantasy donne parfois des aprioris tordus sur la famille type. J’ai en effet été surprise à un moment que le héros connaisse ses deux parents (tous deux toujours en vie), et qu’il ait une vraie famille avec des sœurs, des cousins et tout le tintouin.
Bref j’avais beaucoup aimé mon premier roman de Sean Stewart, et j’ai tout autant apprécié celui-ci, frais, plein de vie, drôle et triste à la fois… c’est un texte plein de subtilités (on a un peu de mal à suivre les cheminements mentaux de DK, c’est le seul reproche que je lui ferais) et truffé de références (notamment musicales, qui m’ont du coup complètement échappé), qui se dévore avec beaucoup de plaisir.
« Je pense que tout se résumé à des chansons, ai-je dit en reprenant de la bière. Qu’on a tous les droit à un CD de nos minutes, qui s’élèvent à soixante-dix. Et certaines des chansons sont courtes, d’autres longues. Quelques-unes ont un rythme d’enfer. D’autres nous brisent le cœur.[…]Au bout de ces soixante-dix minutes, on devient va savoir quoi. On aimerait tous produire un album comme Murmur, mais peut-être que ça ne t’est pas donné. Que tu dois faire, je sais pas… du métal industriel allemand. On n’a pas toujours le choix. Par contre, l’important, c’est qu’il ne faut jamais laisser des plages vides. »
Le style me dit vaguement quelque chose ouais :D Ça serait fun de se replonger dans une histoire de Stewart, son Mockingbird était excellent o//
RépondreSupprimerJe peux te le prêter, je ne l'ai pas emprunté à la biblio celui-là ^^
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