Des fleurs pour Algernon est un de ces livres qui m’a tellement marqué à la lecture, que je le relis régulièrement (une fois l’an en moyenne ces dernières années), à la fois par plaisir nostalgique, et aussi parce qu’à chaque lecture, on découvre de nouvelles choses qui nous avait échappé.
C’est un livre que je m’arrange pour mettre dans toutes les mains, de mon prof de français de seconde à ma cousine étudiante en médecine, en passant par ma propre mère qui ne se rappelait pas me l’avoir acheter. C’est un peu de l’acharnement me direz-vous, mais c’est un livre tellement universel que je considère pratiquement comme un crime de passer à côté.
Le reste de l’œuvre de Daniel Keyes n’a jamais été traduit en français, à l’exception du diptyque sur Billy Milligan (tome 1 & tome 2), ce qui est fort dommage. Même s’il parait que le reste doit être bien en dessous des Fleurs pour Algernon, il m’est avis qu’on y trouverait des choses très intéressantes.
Autant dire que quand j’ai entendu parlé de ce Algernon, Charlie et moi publié dans la collection Nouveaux Millénaires de J’ai Lu (le retour du semi-poche !), je me suis jetée dessus dès sa sortie, un essai de l’auteur lui-même sur sa propre œuvre, cela ne se refuse pas. D’ailleurs il faudrait peut-être que j’arrête de raconter ma vie et que je rentre dans le vif du sujet.
C’est un objet un peu étrange que Algernon, Charlie et moi : trajectoire d’un écrivain. Il est qualifié d’essai, mais on est à mi-chemin d’une autobiographie très centrée sur l’œuvre majeure de Daniel Keyes, qui n’est pas apparue comme ça par un bel après-midi de printemps, mais s’est nourrie de ses propres expériences sur une longue période de temps.
Je ne savais pas grand-chose de la vie de Daniel Keyes en fait. Dans ma tête j’étais persuadée que c’était un ancien médecin de la marine devenu psychologue par la suite, en fait j’étais complètement à côté de la plaque.
Il a commencé des études de médecine (qu’il n’a jamais achevé), il s’est engagé dans la marine non pas comme docteur mais comme commissaire de bord, il a suivi des cours de psychologie qu’il a abandonné en cours de route, et il a travaillé comme éditeur de pulps (au sens je sélectionne, je relis et je corrige les manuscrits). J’avais vraiment rien compris à l’histoire !
C’est assez marrant de lire ce texte de voir les petits détails de sa vie qui sont passés directement dans Des fleurs pour Algernon. Ça m’a beaucoup rappelé ma lecture de Moi Boy de Roald Dahl, dans lequel on se rend compte de la quantité de souvenirs d’enfance qui ont trouvé leur place dans ses romans jeunesse.
L’autre aspect intéressant est la construction mentale de la nouvelle (oui c’était une nouvelle à l’origine), ou comment l’idée est devenue histoire. Un des points qui m’a marqué est sans doute le choix de la première personne :
Je ne voulais pas que mes lecteurs se moquent de Charlie. Ils pourraient peut-être rire avec lui, mais pas de lui.
L’autre aspect important est à quel point il a dû batailler pour garder son texte intact, face à des éditeurs qui trouvaient la fin trop sinistre :
« La fin est trop déprimante pour nos lecteurs, m’a-t-il dit. Je voudrais que tu la modifies. Charlie ne régresse pas. Il ne perd pas son intelligence. Au lieu de cela, il reste un super-génie, épouse Alice Kinnian et ils vivent heureux jusqu’à la fin de leurs jours. Cela ferait une histoire fantastique. »
Vous avez le droit d’aller vomir un bon coup suite à cette citation.
Je pourrais sûrement relever des tas d’autres éléments, notamment la transformation de la nouvelle en un roman. Keyes parle aussi des critiques à la sortie de son livre, de son impact (jusqu’à une découverte récente où son roman devient presque réalité), et des multiples adaptations de son œuvre (en comédie musicale même !).
C’est une lecture très intéressante, on n’a pas souvent l’occasion de plonger dans l’intimité d’un auteur et de la création de son œuvre, et même si Keyes se défend de donner la moindre interprétation/ sur Des fleurs pour Algernon…
Tant que l’auteur –ou d’ailleurs n’importe quel artiste- garde le silence, il est possible de débattre, de commenter et d’imaginer différentes interprétations ou significations. Mais lorsque l’auteur se lance dans une explication ou une analyse de son travail, il le banalise.
… il donne quand même quelques clés de lecture. C’est donc un très bon complément pour un livre aussi important que des Fleurs pour Algernon, dont un des premiers lecteurs en a dit, à la première lecture : « Dan, ce sera un classique ».
D’ailleurs en guise de bonus, on a également le droit à la nouvelle originelle. Si les bases sont là, et c’est un plaisir de découvrir « l’origine », j’avoue qu’elle laisse un peu sur sa faim quand on connait l’ampleur du roman (qui sans être long, est incroyablement riche). Pour le coup, je suis contente que l’auteur ait pris le temps de développer son l’histoire pour arriver à un tel format.
En tout cas, pour le retour d'un semi-poche chez J’ai lu, c’est un choix bien inspiré, et un livre qui mérite qu’on y jette un œil.
Merci pour ce billet très intéressant, j'avais lu Des fleurs pour Algernon l'an dernier, c'est une merveille, un livre extrêmement touchant et qui n'aurait eu aucun sens si la fin avait été dans le sens des éditeurs, certes beaucoup moins triste mais sans aucun intérêt.
RépondreSupprimerC'est toujours passionnant de lire les dires d'un écrivain sur son propre livre, je pense que ce Algernon, Charlie et moi va me tenter fortement ^^
Très intéressant, ça donne envie de se procurer ce bouquin.
RépondreSupprimerC'est tristement drôle la happy end proposée par cet éditeur ...
J'avais bien aimé Moi boy aussi :D
+ 1 avec TG :)
RépondreSupprimerOuch ! Il me le faut ! Comme quoi parfois les éditeurs peuvent aussi se comporter comme de vrais marchands de soupe.
RépondreSupprimerDans la construction à mi chemin entre essai et biographie il me rappelle "Ecriture - mémoire d'un métier" de Stephen King.
Même si l'intervention d'un éditeur joue souvent un rôle important dans la création d'un roman, des fois on est content que l'auteur s'obstine et refuse de faire des modifications. Il s'est produit à peu près la même chose pour les adaptations en film en plus...
RépondreSupprimerJe voulais faire une chronique pour Moi Boy mais j'attends d'avoir lu la suite (Escadrille 80 je crois), et comme j'ai pas prévu de le lire prochainement, ça traine... xD
J'en entends beaucoup de bien en effet !
RépondreSupprimerJ'aimerais bien lire ce livre aussi..après ton commentaire..et surtout après avoir tant apprécié "des fleurs pour Algernon que je ne me souvenais pas t'avoir acheté..mais à ma décharge je t'en ai tellement acheté des livres que.. là ce n'est pas la faute de l'âge..Bisous
RépondreSupprimerJe suis tentée, mais le prix me rebute un peu je dois dire, juste pour le principe (2€ en-dessous du prix d'un grand format, c'est pas trop semi-poche à mes yeux...). Oui, je rechigne, mais bon, ma bibli l'achètera bien à un moment ou à un autre, j'en profiterai.
RépondreSupprimerJ'ai donné plusieurs fois à lire ce roman (toujours dans une liste de lecture de plusieurs titres) et pour la première année, je suis tombée sur des élèves qui n'ont pas aimé. Moi qui pensais que c'était un livre que je pouvais conseiller à n'importe qui...
@Anonymaman
RépondreSupprimerJe peux te le prêter tu sais :P
@Cachou
A ma décharge, je l'ai trouvé d'occas à Gibert, dans les 10 euros, c'est vrai que ça fait plus abordable. Ceci dit les bouquins de l'Atalante ne sont pas forcément beaucoup plus épais et coûtent à peu près le même prix xD
Ca donne envie de le lire, d'autant que "Des fleurs pour Algernon" est vraiment un très bon livre!
RépondreSupprimerTout à fait, Des fleurs pour Algernon c'est le bouquin où j'ai juste envie de refaire une chronique dessus à chaque relecture. Mais je risque de lasser les visiteurs du blog je pense xD
RépondreSupprimerJe viens d'achever de le lire, j'en suis vraiment très satisfaite, j'aime beaucoup découvrir la vie d'un roman, surtout quand on l'a tellement aimé^^
RépondreSupprimerEn tout cas je te remercie beaucoup de m'avoir donné envie de le lire :)
De rien, c'est toujours un plaisir quand on donne envie de lire (et que ça plait aux gens derrière accessoirement xD)
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