A défaut de pouvoir continuer dans ma série de la Reine de Mémoire (à moins d’y investir moult argent), je suis revenue sur mes pas en m’attaquant au Silence de la Cité, prequel des Chroniques du Pays des Mères que j'ai relu dans la foulée, ce qui explique que je me retrouve très vite à chanter les louanges du pays des mères, chef d’œuvre de… SF ? probablement, même si ce pavé de quelques 600 pages ne ressemble pas à grand-chose de connu…. Bref reprenons dans l’ordre (ou pas, dépend du point de vue).
Chroniques du Pays des Mères
Dans un futur lointain, le genre humain a enfin réussi à quasiment se détruire (probablement à l’aide d’armes atomiques, bien que ce ne soit jamais vraiment clarifié). Tout un tas de mutants sont apparus, certains lieus pollués/irradiés sont devenus infréquentables, et accessoirement il naît désormais plus de filles que de garçons. Bien plus de filles que de garçons.
Bien évidemment, c’est un prétexte pour que les hommes affirment une fois de plus leur autorité sur les femmes. C’est le temps des Harems.
Dans un futur plus lointain, les femmes finissent par se révolter, les victimes deviennent les bourreaux et vice-versa, c’est le temps des Ruches (pour ceux qui ne saisissent pas l’image, je vous conseille d’étudier les mœurs des abeilles, ça vous donnera une idée…).
Et dans un futur encore plus lointain, les Ruches ont disparu au profit du non-violent Pays des Mères. On y vénère une figure divine, Elli, et sa fille deux-fois-morte-deux-fois ressucité, Garde. La gente féminine est toujours aussi omniprésente (et les hommes soumis, mais nettement moins martyrisés tout de même), si bien qu’on emploie le féminin par défaut : on fait les enfantes, on monte des chevales, et on emploie le « elles » même quand il y a un homme dans le groupe. Hommes et femmes vivent plus ou moins séparés, selon les communautés, certaines étant plus traditionalistes que d’autres.
La perpétuation de l’espèce est une telle obsession qu’elle en organise complètement la vie des personnes. Les femmes sont des Vertes dans leur adolescence, des Rouges quand elles sont en âge de porter des enfants (période où elles vont –doivent même- porter un enfant tous les deux ans grâce aux miracles de l’insémination artificielle), puis des Bleues.
Et encore, ceci n’est que l’ébauche de la grandeur de l’univers dans lequel nous plonge ce roman qui suit les pas de Lisbeï de ses jours de mosta à la garderie jusqu’à la fin de sa vie. On suit son parcours par un récit intercalé de lettres et d’extraits de journaux.
Les Chroniques du Pays des Mères est un des plus beaux romans qu’il est été donné de lire. Il est prenant, émouvant, poignant, intelligent, et ne laisse jamais indifférent. Lisbeï est un personnage naturellement curieux, qui interroge sur tout, aussi bien le passé que le présent, si bien qu’elle est le vecteur idéal pour découvrir le Pays des Mères, véritable anti-cliché à des lustres de tout ce qui pourrait s’écrire (en SF féministe et même en SF tout court).
Sur 600 pages, l’auteur ne se contente pas d’imaginer un futur possible. Elle nous fait visiter un univers dans ses moindres détails (un peu comme dans un roman de fantasy), et elle tisse une intrigue qui ravira les fans d’archéologie, et autres aventuriers de l’histoire humaine (mais pas qu’eux). Elle interroge également en permanence sur les relations homme/femme, et même les relations humaines en général (amitié, amour, famille, et tout ça à la fois).
C’est une œuvre complète en quelque sorte, et on a peine à croire que tout ça tient en un seul tome. On n’en ressort pas, mais alors vraiment intact, même à la deuxième lecture.
Le Silence de la Cité
Ca n’est pas flagrant comme ça, mais les Chroniques du Pays des Mères, en fait, c’est une suite. En tout cas, ça se déroule dans le même univers qu’un roman écrit dix ans auparavant, et qui nous raconte des évènements d’avant le Pays des Mères. Dites bonjour au Silence de la Cité.
L’histoire se déroule dans le futur, après une apocalypse qui a soigneusement décimé une bonne partie de la planète, et provoquer pas mal de mutations, ainsi qu’un grave déséquilibre au niveau des naissances qui fait qu’on se retrouve avec plus de filles que de garçons.
L’humanité est revenu à un mode de vie assez barbare, à l’exception de quelques personnes qui survivent dans des Cités, fleurons de technologie coupés du monde où ils échappent partiellement à la mort grâce à diverses techniques. L’un deux est obsédé par la génétique et les mutations, et finit par créer Elisa, fille aux capacités plus qu’étonnantes. Le livre raconte son histoire, dans la Cité et à l’Extérieur, alors qu’elle essaye, à sa façon, de « sauver » l’humanité.
Le paradoxe du Silence de la Cité, c’est que sans le Pays des Mères, ce n’est pas un livre extraordinaire. Il se lit bien, l’histoire est sympa, les thématiques (les rapports homme/femme et toussa) plutôt originales. Mais ça reste anecdotique (en tout cas on est loin de la puissance évocatrice du Pays des Mères)
Par contre, si on le lit après le Pays des Mères (ce qui est une contradiction vu qu’il a été écrit –et se déroule- bien avant), c’est le complément idéal qui bouche les dernières questions laissées en suspens dans les Chroniques (ce qui est logique vu que la réponse avait déjà été donnée dans le Silence de la Cité d’une certaine façon… je vous embrouille là ?).
Bref, si vous avez lu les Chroniques du Pays des Mères, c’est un très bon complément. Si vous n’avez rien lu, commencez par le Pays des Mères (et c’est un ordre !).
(en toute honnêteté, si je devais sélectionner dix bouquins dans ma bibliothèque que le monde entier devrait lire, le Pays des Mères y tiendrait une bonne place, quelque chose me dit que tout le monde y trouverait quelque chose, à ce bijou).