Normalement, j’aurais dû lire ce magnifique texte en novembre dernier dans le cadre d’une lecture commune (et pour pourrir le challenge Fins du Monde de Tigger Lilly), mais faute d’avoir une liseuse sous la main, j’avais un peu jeté l’éponge.
C’était donc tout naturel que j’étrenne pratiquement ma liseuse avec ce formidable roman sentimental post-apocalyptique, qui n’est pas un Harlequin mais un J’ai lu pour elle. Ca a l’air d’un détail, mais après lecture, j’en suis arrivée à la conclusion que le Harlequin constituait vraiment le haut du panier du roman sentimental. Si si, je vous jure.
Et je ne dis pas ça pour les clichés, la romance qui ne fait même pas rêver, le sexisme et tout le tintouin. Enfin si, aussi pour ça. Mais c’est surtout que je n’ai jamais lu un roman aussi bordélique qui mange à tous les râteliers pour finir par arriver à un truc complètement informe.
Bon commençons par les bases. L’apocalypse est arrivée sur Terre il y a cinquante ans, sans autre forme d’explications. Il y a eu des tremblements de terre (bien sûr), plein de morts (évidemment), et des zombies ont fait leur apparition. Et puis un continent a poussé en plein milieu du Pacifique aussi. Oui comme ça.
A noter que les zombies (les gangas comme on les appelle dans le roman) sont assez particuliers, voire carrément difficiles pour ce qui est de choisir leurs proies.
Ils m’ont confirmé ce que nous soupçonnions : que les gangas ne s’en prennent qu’aux blonds, hommes comme femmes.
[...]
Voilà qui ne présageait rien de bon : les gangas, d’ordinaire, n’attaquaient jamais les humains blonds.
Voilà, ça résume tout le livre, rien n’a de sens. On a des zombies qui sont supposés attaquer tous les blonds, ou tout le monde sauf les blonds, mais au final ils attaquent tout le monde quand même, et on ne comprend même pas ce que les blonds viennent faire là-dedans.
Bon en même temps, on s’en fiche, puisque notre héroïne n’est pas blonde. Elle est rousse, avec des yeux vert émeraude, d’où son prénom : Jade. Enfin ce n’est pas son vrai prénom, avant elle s’appelait Diana. Et puis elle a été retenue et abusé par un sinistre personnage pendant trois ans. Mais sinon elle a du caractère, une voix magnifique, et surtout, elle adore l’équitation, comme en témoigne sa première entrée en scène :
Couchée sur l’encolure de son mustang lancé au grand galop, les cheveux volant comme un glorieux étendard, l’héroïne sans visage avait disparu dans la nuit – après lui avoir laissé entrapercevoir un morceau de peau d’un blanc de nacre, entre son jean et sa ceinture.
Quand à celui qui admire ce « morceau de peau d’un blanc de nacre », il s’agit d’Elliott, son futur amoureux comme vous vous en doutez, et médecin de son état.
Avant d’écrire cette chronique, j’ai pris la peine de relire celle du dernier Harlequin que j’avais lu et j’ai redécouvert que dans
La morsure de la passion, le mâle était un vampire neurochirurgien (à noter que c’est bien le seul point commun entre les deux, et à choisir je préférais encore le vampire au philtre d’amour !). Je me demande si c’est une constante des romans sentimentaux de genre, juste pour caser ce genre de dialogue :
- Non. Je me sens tout à fait bien. Etonnamment bien, en fait.
- Parfait, dit-il en s’approchant, le sourire aux lèvres. Cela signifie que je vous ai guérie… et que je ne suis plus votre médecin.
- Quel rapport avec ce dont nous parlions, s’enquit Jade, mal à l’aise.
- Et bien… les médecins ne font pas ça avec leurs patients…
Bref Elliott n’est pas juste un médecin, c’est aussi un type qui était dans une grotte lors de l’apocalypse, et qui pour une raison qui ne sera jamais clairement expliquée (autrement dit « ta gueule c’est magique »), en est ressorti cinquante ans plus tard avec sa bande de potes, et des super-pouvoirs en prime.
Désormais, il peut diagnostiquer des cancers rien qu’en touchant les gens, et surtout, il peut les guérir. Sauf que dans ce cas, le mal se transfert en lui, et il doit ensuite le transmettre à quelqu’un d’autre. Mais bon, ce n’est pas grave, il y a toujours la personne idéale à proximité, qu’il s’agisse d’un animal (Elliott envisage de se servir des chiens, le monstre !) ou d’un être humain (comme cette allumeuse de serveuse qui venait le draguer dans son lit en plein milieu de la nuit, bouh la vilaine).
A part ça, Elliott est surtout un type à qui on mettrait bien un bon coup de genou dans l’entrejambe pendant toute la lecture, et à plusieurs reprises même, pourvu que ça calme un peu ses ardeurs de gros macho possessif que le moindre bout de peau excite.
Bon ceci dit, vous noterez qu’entre deux, dès la première rencontre, c’est pratiquement le coup de foudre :
- Etes vous… un ange ? lui demanda la femme. Raphaël, peut-être ?
[…]
- Navré de vous décevoir, mais je ne suis qu’un médecin….
- Mmm… […] Vous n’êtes pas un ange ? Dommage ! […] Qui êtes-vous ? Enlevez votre chemise ! »
Cette pauvre Jade n'a jamais eu l'occasion de voir Star Wars : La menace fantôme, sans quoi elle saurait que le coup de l'ange, au mieux, le spectateur se frappe le front. Au pire il se jette par la fenêtre. En même temps, ce n'est pas sa seule tare, elle souffre également, en dépit de ses traumatismes passés, de la même affliction qu’Elliott, à savoir que le moindre bout de peau l’excite.
Et puis… Oh mon Dieu, un ganga venait de déchirer sa chemise. Quand elle fut réduite en lambeaux, Jade eut sous les yeux les pectoraux et les épaules luisant de transpiration, comme enduits d’une pellicule nacrée.
Et dès qu’Elliott la touche, alors là…
Jade était effarée : comment cet homme qu’elle connaissait à peine, qui l’avait en tout et pour tout embrassée trois fois, osait-il énoncer de telles exigences ? En un clin d’œil, il avait basculé du gentil et sexy Elliott à ce mâle alpha qui la clouait au mur.
Exactement le genre d’homme qu’elle vomissait.
Le problème, c’est qu’elle avait adoré l’embrasser, l’enlacer, et qu’elle aurait volontiers recommencé. Bon sang, quelque chose ne tournait pas rond dans sa tête !
C’est sans doute pour ça que leur histoire d’amour ne fait vraiment pas rêver, c’est juste malsain. Notez que Jade a quand même un éclair de lucidité sur le sujet, qui dure… deux lignes. Ce qui pour une fille qui a été séquestrée, violée, battue etc. pendant plusieurs années, ne tient absolument pas la route.
Bon j’avoue avoir eu un grand avantage dans ma lecture à ce sujet, j’étais prévenue de ce fait, du coup j’ai fait assez facilement abstraction, ce qui m’a permis de m’amuser avec le reste du roman (c'est-à-dire une fois qu’ils ont enfin couché ensemble, alors qu’il y a un cadavre dans la salle de bains à côté, quelle romance !).
Parce que oui, l’intrigue ne se limite pas à leur histoire d’amour. L’auteur a voulu développer tout un univers post-apo, et c’est là que ça part complètement en sucette avec les mystérieux étrangers qui ont des cristaux incrustés qui leur confère l’immortalité. Même qu’ils dealent de la drogue (ouh pas bien) et ont des esclaves (blonds ? pas blonds ? toujours pas compris). Et puis y’a cette histoire d’Atlandide. Quand je vous disais que c’était le boxon, je ne mentais pas !
Il existe une résistance qui cherche à découvrir leurs plans maléfiques, dont fait bien évidemment partie Jade. Pour cela, ils s’efforcent de reconstituer le réseau internet (à partir des fichiers cachés dans les ordinateurs trouvés ici et là, j’aimerais bien savoir comment ils comptent sauver le monde en retrouvant toutes les vidéos de chats que les gens regardent sur Youtube…).
Oui c’est très geek en fait comme roman, enfin voulu comme tel même si ça ne fonctionne absolument pas, en dépit de quelques tentatives de glisser des références ici et là
Ils sont leur armée de mercenaires. Forts, faciles à manipuler, et de peu de valeur. En sus, ils sont très bêtes. Comme les Orcs du Seigneur des Anneaux.
[...]
Seigneur… c’était un vrai roman de science-fiction, ou un épisode de Star Trek. Mais un épisode sinistre et inquiétant.
D’ailleurs, il y a même un héros geek, qui à mon avis ferait un bien meilleur parti que Elliott. Il s’agit de Théo, qu’on rencontre très tardivement dans un centre commercial (de loin le meilleur passage du bouquin, c’est bien le seul moment où on se croirait vraiment dans une histoire de zombies).
Donc ce cher Théo, spécialiste informatique, s’est retrouvé lors de la catastrophe avec un circuit imprimé dans le corps, si bien qu’il vieillit plus lentement, et surtout qu’il peut recharger les appareils avec sa propre énergie. C’est le compagnon idéal, avec lui vous n’aurez plus à vous soucier de recharger la batterie de votre smartphone !
C’est tout de même plus utile qu’un macho de première qui certes peut vous guérir votre cancer, mais doit le refiler à votre chat sous peine de passer l’arme à gauche !
Je pourrais sans doute continuer sans peine sur ce roman, notamment sur le sujet de la lingerie fine en soie et en dentelle qui semble mieux survivre à l’apocalypse que des choses nettement plus utilitaires, mais ce serait faire trop d’honneur à ce texte, qui certes m’a parfois amusé, mais qui est surtout un très mauvais mauvais roman (et pas un bon mauvais roman comme certaines mièvreries).
Lecture commune avec Lelf, Lhisbei et Lune (les seules autres survivantes !)