Cela fait tout bizarre, de replonger ainsi en Terre du Milieu presque dix ans après la sortie du Retour du Roi. J’avais l’impression de retrouver les mêmes gens assis à côté de moi, tant tous avaient la tête d’un fan qui a attendu dix ans pour avoir son adaptation du Hobbit !
Je vous avoue que j’étais un peu inquiète avant la séance : en dix ans, les goûts, ça évolue, et entre le découpage en trois films (pour un roman de 300 pages !) et les trailers parfois un peu inquiétants, je m’interrogeais sur le résultat. Mais finalement, en rangeant le livre au placard trois heures durant, on passe un très bon moment.
APERCU GENERAL
(garanti sans spoilers)
Ce n’est pas comme une adaptation du roman de Tolkien qu’il faut considérer ce premier film Le Hobbit, mais comme la prequel de la trilogie des films de Peter Jackson. Et à ce titre, c’est une réussite à tout point de vue.
Cela se voit dès le prologue du film, qui s’amuse à merveille à nous refaire l’introduction de La communauté de l’Anneau. Avec une belle séance flash-back épique et des scènes qui font joliment le lien entre les deux films, on se remet immédiatement dans le bain.
Même si le ton est un peu plus léger, il y a donc une réelle continuité : on retrouve les mêmes décors, les mêmes acteurs pour bon nombre de protagonistes (et pour les autres, Martin Freeman fait un Bilbo jeune tout à fait crédible notamment), la même façon de filmer… et la musique, bien sûr, cite abondamment certains motifs du Seigneur des Anneaux.
Autant dire qu’on n’est pas du tout dépaysé. Peter Jackson a vraiment recréé son petit monde, et s’est fait plaisir se faisant, comme s’il avait moins de contraintes cette fois-ci. Il semble en vouloir toujours plus : plus de flash-backs historiques, plus de beaux paysages, plus de nains et même plus de chansons ! (et une version longue encore plus longue, probablement !)
Du coup, quand on a aimé Le Seigneur des Anneaux, on retombe immédiatement sous le charme. C’est beau, c’est épique, c’est drôle, que demander de plus ? Si vous aimez la trilogie de Peter Jackson, ce film vous ravira. Si ce n’est pas le cas, vous n’aimerez pas plus ce Hobbit à mon avis.
Pour ma part j’ai passé un très bon moment cinéma, qui a été suivi par un sympathique débriefing entre amies à la sortie (qui m’a rappelé le bon vieux temps). Le film est un peu longuet par moment, mais ça reste un grand spectacle et une très belle réalisation en matière de film de fantasy. J’ai été ravie de retrouver son univers, et il s’en tire tout à fait honorablement question adaptation.
J’ai cependant un peu de mal à arrêter définitivement mon avis, car n’ayant vu finalement qu’un tiers de film, toutes mes questions n’ont pas trouvé leur réponse. Il me faudra voir les trois films pour fixer mon opinion sur cette nouvelle trilogie. Ce qui ne devrait pas être un supplice, bien au contraire !
PINAILLAGE
(garanti 100% spoilers et 100% trop long)
Ma plus grosse inquiétude vis-à-vis de ce Hobbit, ce n’était pas vraiment la façon dont Peter Jackson allait l’adapter (après tout, il s’en était tiré plus qu’honorablement pour le Seigneur des Anneaux), mais plutôt la façon dont il allait remplir deux puis trois films avec un roman aussi court.
Ce petit malin est donc allé chercher des idées ailleurs pour enrichir l’histoire, notamment dans
L’expédition d’Erebor (publié dans les
Contes et légendes inachevés et dans
Le Hobbit annoté), qui développe tout l’arrière-plan du
Hobbit (autrement dit pourquoi Gandalf a lancé les nains dans leur expédition, et ce qu’il faisait lorsqu’il ne trainait pas avec eux).
C’est une bonne idée, surtout que cela permet d’aligner habilement le Hobbit (un texte à la base assez décalé dans l’univers où il se déroule) sur Le Seigneur des Anneaux, plus sombre et plus vaste. Ca donne vraiment un côté « prequel » bien pensé, cohérent et très sympathique.
Après, pour ce qui est de l’adaptation, comme toujours, il y a des choses qui m’ont plu, d’autres moins. C’est très subjectif, mais je ne peux m’empêcher de vous faire une petite liste des bons et des mauvais points, du moins pour moi.
Ce que j’ai aimé :
Dans le livre, ils sont à peine développés et pas forcément très plaisants. Il y a un formidable boulot fait pour que ce ne soit pas le cas. Ils sont tous très différents, et si je ne les ai pas encore tous identifiés, j’ai apprécié que leurs personnalités soient plus étoffés, de même que leur apparence. Du coup à côté Gimli fait l’effet d’un cliché sur pattes.
Thorin, qui m’était assez antipathique dans le livre, m’a bluffé. Il a un réel charisme dans le film, avec une personnalité bien travaillée qui ferait presque de l’ombre à Aragorn (même s’il m’est moins sympathique, faut pas abuser non plus).
Ca m’a toujours manqué dans les films du Seigneur des Anneaux, qu’il n’y ait pas plus de chansons que cela. Alors forcément, quand on retrouve à peu près toutes les chansons du livre dans le film, comment voulez-vous ne pas tomber sous le charme.
Il y a la chanson des nains bien sûr (qui sert de leitmotiv/thème principal), mais aussi celle lorsqu’ils font la vaisselle, et une des chansons des gobelins. Il n’y a guère que la chanson des elfes qui manque à l’appel, et on comprendra que Peter Jackson l’ait écarté, ça n’aurait pas fait sérieux de voir Elrond débarquer en chantant (mais ça aurait été drôle !).
Howard Shore s’en tire à merveille, une fois de plus. Je trouve qu’il a trouvé un bon équilibre entre reprise des anciens thèmes et nouvelles créations. J’aime beaucoup la façon dont il ressort des anciens leitmotiv de telle sorte qu’on comprend immédiatement qu’on va croiser Galadriel ou Gollum.
C’est d’ailleurs assez marrant, parce que j’ai passé une bonne partie du film à me demander où s’arrêterait l’histoire, et c’est la bande-son qui m’a pratiquement donné la réponse, car la dernière scène utilise une musique très similaire aux dernières scènes de La communauté de l’Anneau et des Deux Tours.
- Les petites allusions au texte
Comme dans Le Seigneur des Anneaux, j’ai beaucoup apprécié qu’on retrouve pratiquement des morceaux du roman dans le film. Il y a les chansons bien sûr, mais aussi certains dialogues provenant directement du livre (Gandalf et Bilbo qui se disent bonjour…), sans parler de quelques titres de chapitres glissés ici et là (notamment le « out of the frying-pan into the fire »).
- Le flash-back sur Erebor et Dale
La montagne solitaire est un lieu que j’ai toujours eu du mal à me représenter dans ma tête. Enfin tel qu’il était au moment du Hobbit, c’était assez facile, mais imaginer ce que cela avait été avant l’arrivée de Smaug, c’était difficile car Tolkien n’était pas forcément très prolixe sur le sujet. Ce n’est pas comme Minas Tirith qui garde sa grandeur passée, ou l’Ithilien qui n’a pas encore complètement succombé au Mordor. Dale a été complètement dévastée, de même qu’Erebor.
Du coup j’ai beaucoup aimé le flash-back de l’intro qui nous montre ce lieu au temps de sa grandeur (un peu too much sur les bords mais sacrément impressionnant quand même). D’autant plus que c’est un lieu nouveau. Il aurait été facile de faire un remake d’Osgiliath ou de la Moria, mais je n’ai pas du tout eu cette impression. On voit bien qu’on est à un autre endroit de la Terre du Milieu.
C’est pour moi la scène la plus magique du film, celle où on a vraiment l’impression de voir le livre prendre forme sous nos yeux. La scène des énigmes avec Gollum est aussi brillamment orchestrée, mais m’a moins touché. Mais les trolls qui discutent cuisine, les nains dans les sacs, Bilbo qui essaye de s’approcher discrètement et qui plus tard leur sauve la mise (certes à la place de Gandalf, mais ne pinaillons pas, il a besoin de s’affirmer ce hobbit), c’est juste magique !
Même si le Hobbit s’inscrit quand même bien dans la lignée des très sérieux films du Seigneur des Anneaux, il a quand même conservé un peu de la légèreté du roman, ce qui permet des péripéties assez ubuesques parfois.
J’ai beaucoup aimé l’escapade au royaume des gobelins, la scène de fuite m’évoquant alternativement un jeu de plate-forme ou Pirates des Caraïbes, avec ses passerelles et ses enchainements de cascades et de combats.
Autre moment complètement délirant, l’apparition de Radagast, qui est de loin le personnage WTF de tout le film. Avec ses copains les animaux déjà (Sebastian le hérisson), mais surtout son traineau tiré par des lapins ( !!!), je ne sais si on doit voir ça comme un hommage aux Monty Python ou la revanche de Tom Bombadil ! C’est assez perturbant lors de sa première apparition, mais finalement ça allège un peu l’atmosphère en dépit des mauvaises nouvelles que le personnage amène.
Ce qui m’a moins plu :
Sans doute parce que ce point est assez peu développé dans l’univers de Tolkien, j’avais peut-être beaucoup d’attente pour le film, et j’ai été assez déçue du résultat. Il faut dire qu’on se retrouve avec quatre clampins, dont les réjouissances consistent à s’y mettre à trois pour faire la morale à Gandalf.
C’est assez peu cohérent, surtout de la part d’Elrond lorsqu’il explique bien que la paix règne depuis 400 ans, juste après une petite sortie récréative pour chasser de l’orc ! Et ne parlons même pas de Galadriel qui alterne entre dialogues et télépathie, et dont la dernière scène avec Gandalf m’aurait choquée à vie si je ne l’avais pas déjà vu dans les bandes-annonces.
Il n’y a que venant de Saruman que la démarche semble cohérente .Par contre sa remarque sur Radagast qui abuse des champignons m’a paru assez déplacée par contre, ceci dit vu qu’il reprochait à Gandalf d’abuser de l’herbe à pipe dans Le Seigneur des Anneaux, on va dire qu’il mène une lutte de longue haleine contre la consommation de drogues en Terre du Milieu !
Du coup je me demande comment cette ligne narrative va se développer dans les films à venir, vu que je ne les vois pas trop partir tous les quatre à l’assaut de Dol Guldur. Ou réunir une armée pour le faire. Ou embaucher les nains pour la tâche… Ca reste vraiment l’arc narratif qui me convainc le moins pour le moment.
Ce sont les lois de l’adaptation qui veulent ça, un antagoniste est nécessaire sinon ce n’est pas correct, on n’a pas de boss de fin ! Même si Azog est présent dans le roman, j’ai trouvé que son omniprésence était un peu artificielle, d’autant plus que l’intrigue fonctionnerait aussi sans.
Avec sa quête pour récupérer son royaume, Thorin en a déjà bien assez sur les bras sans tomber dans une sorte de remake de
Conan le Barbare avec le méchant qui tue son (grand-)père devant lui, qui lui met la pâté une fois (heureusement Bilbo intervient), et qui sera sûrement vaincu dans le troisième film.
C’est l’élément qui m’a un peu choqué dans la dernière partie, lorsque Bilbo commence réellement à combattre. Quelques jours plus tôt, j’écrivais justement à propos du Hobbit que Bilbo avait la grande qualité d’accomplir des exploits à sa hauteur et qu’on ne le verrait jamais trancher un gobelin en deux à coup de hache.
Et voilà t'y pas qu’il nous descend non pas un warg, mais deux wargs. Si le premier peut passer pour une erreur de parcours (la bestiole s’est clairement empalée d’elle-même sur sa dague), le deuxième, on le voit clairement se battre.
Ce qui me perturbe un peu, parce que ça ne ressemble pas au personnage. On n’avait pas besoin de cela pour en faire un vrai héros, ce n’est pas comme s’il allait affronter le Nécromancien de Dol Guldur à lui tout seul (pitié, faites que non !).
Bon ceci dit même si ces éléments m’ont dérangé (et il fallait bien qu’il y en ait, c’est une adaptation après tout), c’est tout de même assez facile de les accepter comme des modifications nécessaires. C’est la loi (implicite) des adaptations après tout. Je serais donc au rendez-vous l’an prochain pour la deuxième partie du Hobbit : The Desolation of Smaug !