Harry Potter et l’Ordre du Phénix (spoilers et latin de cuisine en bonus)
C’est marrant ce qu’on déniche sur le net en cherchant des couvertures d’HP… pour le coup j’aurais bien aimé l’avoir celui-là de goodie, ça ferait fureur sur une porte de chambre. Et accessoirement évitez d'avoir l'esprit mal tourné comme le mien, parce qu'après on va se demander ce que vous fabriquez avec Harry !
Il faudra penser à remercier mon gentil PC, ses plantages répétitifs avec démarrage improbable voir impossible m’ont laissé l’autre soir avec rien d’autre à faire que lire le 5e tome d’Harry Potter en regardant faire les analyses de l’ordi. D'ailleurs j’ai perdu le compte du nombre de plantage pendant que j’écrivais ce matin, du coup un superbe paragraphe inspiré que je suis bien évidemment incapable de reproduire a fini dans les limbes (snif).
Le plus dur avec le tome 5, ce sont les trois cents premières pages quasiment. Les quatre cents premières même… En fait ça commence à devenir vraiment prenant à partir du chapitre « L’œil du serpent », c'est-à-dire aux alentours de la moitié du bouquin, on plonge dans l’histoire et en avant pour l’aventure. Mais le début… c’est comme la Chambre des Secrets, long à se mettre en place, sauf qu’ici le roman fait 900 pages et pas 300.
Le début est parfois chiant, voire ennuyeux (à se demander où est-ce qu’elle veut nous emmener), et souvent exaspérant, merci Harry. Honnêtement, en relisant les premiers chapitres, j’avais envie de lui coller une baffe pour qu’il arrête un peu son numéro du « Je suis incompris et particulièrement énervé ».
Je pense que s’il réussit si bien à taper sur les nerfs, c’est qu’il malheureusement difficile de ne pas y reconnaître l’ado terrible qu’on a tous été un jour ou l’autre. J’avoue, à ma première lecture du tome 5, j’étais de tout cœur avec lui dans sa colère perpétuelle contre le reste du monde. Maintenant ça me semble complètement stupide. Quelque chose me dit que j’aimerais pas non plus me revoir en pleine crise d’ado…
Harry est littéralement pétri de colère contre tous et le reste du monde, et ses relations avec autrui s’en ressentent sérieusement. D’ailleurs c’est un tome de « ressenti » plus que de « réfléchi ». Ca peut sembler un peu stupide comme ça mais j’ai commencé le tome 6, dans lequel Harry semble enfin se rappeler que le cerveau est un instrument fort utile lorsqu’on s’en sert pour réfléchir. Je vous jure, dans l’espace des premiers chapitres, j’ai perdu le compte des « je pense »/ « je suis sûr que » / « j’ai réfléchi » !
En comparaison, dans le tome 5, Harry se contente plutôt de réagir instinctivement, de préférence avec ses émotions, ce qui lui donne un peu l’air d’un babouin stupide, surtout lorsqu’il est confronté à Cho. Vous noterez d’ailleurs qu’il n’est pas beaucoup plus intelligent avec Ombrage (si mettre Cho et Dolores sur le même plan vous fait froid dans le dos, c’est normal !).
En parlant d’Ombrage d’ailleurs, s’il y a un élément à saluer dans ce tome, ce sont les nouveaux personnages, ceux qui sont assez importants pour mériter un titre de chapitre à eux tous seuls. Il y en deux : Ombrage et Luna.
Ombrage est… comment dire. Je n’aimais pas le rose avant de la connaître, maintenant j’ai une espèce de réaction viscérale quand j’en voie, surtout ce rose vif qu’ils ont utilisé dans le film. Avant la sortie du tome 5, JKR parlait d’un personnage « honey poisoned » (littéralement « miel empoisonné »). C’est très adapté quand on regarde, tant le personnage est une abomination qui se cache sous une couche de rose et de pseudo douceur.
Il n’y a que J K Rowling pour nous pondre des personnages comme ça, il suffit de voir Slughorn par la suite, qui est un sacré phénomène lui aussi. Ombrage, quand on a une nette tendance à se gaver de fanfictions, c’est la preuve ultime que JKR est seule maître à bord. Dans certains fandoms, il arrive que les fanfictions dépassent l’œuvre. Ca ne risque pas d’être le cas dans HP, personne n’a jamais réussi à inventer un personnage à la hauteur de Ombrage !
Pour Luna, c’est pareil, elle n’a aucun équivalent fanfictionnaire, et accessoirement j’ai trouvé peu de fanfictions où elle est écrite correctement, tellement ce personnage est unique.
Je ne sais pas si comme moi vous avez connu la grande époque des fanfictions pseudo tome 5 en attendant le vrai. Toutes s’appelaient Harry Potter et l’Ordre du Phénix, la moitié démarrait avec le faux extrait du tome 5 qui circulait en France (une grande comédie celui-là, sachant qu’il n’existait pas dans le monde anglophone !), et surtout, il y avait quasi systématiquement une Mary-Sue dont la principale fonction était de 1) d’être une élève transférée d’une autre école –de préférence les Etats-Unis-, 2) être fille/cousine/sœur/relation de famille d’un personnage du livre (de préférence Rogue, Dumbledore ou Sirius) et 3) sortir avec Harry.
Pour la petite anecdote, dans toutes ces fics, ça démarrait toujours par une rencontre dans le Poudlard Express, alors que Harry cherche un compartiment et qu’elle est toute seule dans un. Inutile de dire que quand on lit le chapitre « Luna Lovegood », pendant environ 3 lignes on a l’impression d’assister à un cliché de fanfiction, avant d’exploser de rire parce que franchement, c’est l’antithèse totale de toutes les Mary-Sue de fanfictions !
Elle ne vient pas d’une autre école, c’est juste qu’Harry ne la connaissait pas, et accessoirement elle est tellement bizarre que même Harry a tendance à la prendre pour une folle (et se sent hyper-rassurée qu’elle soit la seule à voir elle-aussi les Thestrals). Elle n’est pas plus intelligente qu’Hermione ou plus douée au quidditch que Harry. Et accessoirement Harry ne tombe pas fou amoureux d’elle au premier regard.
J’aime bien Luna d’ailleurs, j’ai toujours pensé qu’elle ferait un bien meilleur parti que Ginny pour Harry dans la vie. C’est un personnage fou mais qui a ses moments très attachants, il n’y a qu’à lire son échange avec Harry à la fin du tome 5.
Les autres personnages ne sont pas en reste, mais j’avoue que le tome 5 a tendance à vite choquer les consciences dans le fait qu’il présente les personnages sous un jour nouveau qui peut franchement perturber : Sirius n’est plus le sage parrain mais un jeune écervelé la moitié du temps ; Dumbledore est vieux et surtout capable de se tromper ; Trelawney suscite de la pitié ; le père d’Harry était un crétin ; l’enfance de Rogue n’était pas si éloignée de celle de Harry.
Le passage du souvenir de Rogue est d’ailleurs un des pires passages de l’histoire, plus que la mort de vous-savez-qui (à ne pas confondre avec Vous-Savez-Qui)… euh non peut-être pas mais quand même. Personnellement en tout cas ça m'a beaucoup plus frappé. Le fait que Harry ait désespérément besoin d’entendre une justification sur le comportement de son père montre à quel point il a été bouleversé par l’évènement, ayant l’impression de perdre son père (en fait l’image qu’il avait de lui mais c’est tout comme).
Dans ces moments là Harry est vraiment seul. Après un tome 4 riche en soutien, le tome 5 est celui de sa bataille seul contre tous et contre tout le monde. Il se dépatouille tout seul face à Cho (si si c’est une bataille ça) si on omet les conseils d’Hermione. Il tient à affronter Ombrage seul en cachant la nature de ses punitions. Il part en vengeance contre Bellatrix sans même réfléchir une seconde. Un peu comme s’il fallait justifier la réalité de la prophétie qui le place à part (« always a marked man », le genre de phrase qui marque).
(tiens pendant que je finis ma 2e page word –à croire que la taille de l’article est proportionnelle à la taille de l’ouvrage-, je me rend compte que le fait d’avoir lu la première fois ce tome en anglais se ressent, je privilégie instinctivement les VO sur les VF dans les citations, sans doute parce que quand on a lu la VO on trouve la VF un peu moins riche).
Le support des autres est bien moins présent dans ce tome comparé au tome 4 : pas de Dumbledore, peu de Sirius –et pas forcément celui qu’on attend-, son emportement perpétuel contre Ron et Hermione. Pourtant le final au Ministère lui rappelle qu’ils sont toujours là. Ceci dit il faudra attendre le tome 6 pour que le message passe vraiment (je compare beaucoup mais je suis déjà assez avancée dans le 6 pour faire la liste des différences).
Quelque part je pense que l’Ordre du Phénix fonctionne en diptyque avec la Coupe de feu, de même que le 6 et le 7. Chacun à leur manière le 4 et le 5 sont le pivot central de la série : la Coupe de feu met en branle des évènements décisifs, le 5, lui s’attache plutôt à donner un contexte à ces évènements (le passé, la situation actuelle), le tout pour arriver aux deux suivants.
Le tome 5, d’ailleurs, est le tome du monde réel : on n’a jamais suivi d’aussi près (ou même suivi tout court, à l’exception de l’évasion de Sirius Black mais comme il était supposé courir après Harry ça concernait Poudlard) la vie du monde sorcier : justice, politique, presse, on en observe tous les aspects (tous aussi moisis les uns que les autres d’ailleurs).
A coté de ça, on a largement le temps de profiter de l’ambiance scolaire, année des BUSE oblige : cours difficiles, surcharge de travail scolaire, on se demande comment ils arrivent à survivre à cela (quand je disais que c’était des héros de sauver le monde en faisant leurs devoirs, c’est encore plus vrai dans celui-ci !).
On parle orientation, examens… c’est vraiment un tome scolaire, mine de rien et en dépit de tout. Notez d’ailleurs qu’à la base, on vend la DA comme une association pour préparer son BUSE en Défense contre les forces du mal notamment. Ce qui n’empêche pas de traiter de la vie à Poudlard (clubs, histoires d’amour, quidditch…).
Il y a d’ailleurs de très bons passages autour de tout ça. Les meilleurs moments étant lorsque Umbrige perd complètement pied : face à McGonagall (excellente dans ses répliques du style « Bien sûr que j’ai eu votre message, sinon je vous demanderais ce que vous faites dans ma classe »), face aux jumeaux (quels phénomènes avec leurs inventions et les dialogues mordants), et de manière général face au bordel ambiant qui se met à régner en fin d’année, au point qu’on se demande comment tous trouvent encore le temps de préparer leurs exams.
Quand on revient dessus, il y a de très bons moments dans ce tome, même parfois on rigole. J’avoue que j’ai beaucoup ri au détriment d’Harry dans ses aventures amoureuses avec Cho (mais quelle horreur !). Accessoirement le tome est riche en informations à assimiler, et en émotions. La fin est à vous briser le cœur. Personnellement, j’ai toujours été profondément choquée par l'enchainement de la mort subite et inattendue de Sirius et Harry qui lance un Crucio (même s’il n’y arrive pas, ça reste un impardonnable !). Derrière, on a le chapitre « La Prophétie perdue » qui donne tellement de réponses en même temps qu’il y a de quoi être submergé.
Mais bon, la longueur n’aide pas, et le manque d’explications avant la fin maintient le lecteur dans la confusion à propos de beaucoup d’éléments (même si comme d’habitude tout s’emboîte à la fin). Bon certes ça justifie la colère perpétuelle d’Harry qui ne pige pas plus que le lecteur, mais quand même.
Bref, quelques coupes et éclaircissements n’auraient peut-être pas fait de mal. C’est assez paradoxal parce qu’on a un tome quand même assez capital à cause de la prophétie (et de plein d’autres choses qu’on ne comprendra qu’à la fin), mais il est long, et il ne se passe pas grand-chose.
Sentiment mitigé au final. Paradoxalement, pour un tome de cette importance, c’est le moins abouti de tous. Je pense qu’il a été dur à écrire de toute façon, sinon on ne l’aurait pas attendu aussi longtemps à l'époque.
Ca reste un passage obligatoire (car riche en informations). Et puis c’est pas grave, le 6 qui vient derrière est bien plus sympathique !