Avec tous ces films à aller voir au cinéma ces temps, il faut que je choisisse celui dont la programmation est la plus restrictive : film de 1h15, pour les enfants et peu connu, allons bon, restreignons les séances à celles de l’aprem ! Bref c’est un peu le parcours du combattant, même à Paris pour trouver une séance, mais tout vient à point à qui sait éplucher les horaires, et nous voilà devant Brendan et le secret de Kells.
Nul besoin de prendre la suite, ceci n’est pas un énième ersatz d’Indiana Jones, l’affiche devrait vous en convaincre. Non, ici, nous avons affaire à un charmant conte médiévalisant qui tourne autour du Livre de Kells…
… Ce qui ne parle pas aux non-historiens d’art, c’est pourquoi je me permets de vous infliger un petit rappel sur le sujet, tiré directement de mes cours de moyen-âge si bien rédigés :
L’Europe insulaire (Ecosse, Irlande, aux VIIe et VIIIe s) Toutes ces terres n’ont été conquises ni par Rome ni par les barbares. L’Irlande, éloignée, conserve donc ses traditions celtiques. Le christianisme s’y impose au Ve s. Après cela, l’Irlande devient le berceau du monachisme. De nombreux monastères sont fondés, qui possèdent une importance religieuse et culturelle.
De nombreux moines quittent en effet l’Irlande pour aller fonder des monastères sur le continent. On assiste alors à un phénomène de fusion entre l’art celtique irlandais et la tradition locale mérovingienne/carolingienne. Le médium le plus important de ce phénomène est le support le plus abondant en Irlande, le livre, support de la culture. Les livres contiennent des images et des textes importants traitant de théologie, de culture et d’apprentissage. Ce phénomène fait d’ailleurs des abbayes des lieux de haute culture et d’avant-garde.
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=> Livre de Kells (le plus beau et le plus riche), réalisé vers 800 en Irlande ou en Northumbrie (nord de l’Angleterre), et conservé à la Bibliothèque du Trinity College à Oxford.
Bref pour ceux qui voudraient surtout voir, parce que les enluminures sont magnifiques, Wikipedia est votre ami, ainsi que ses liens externes.
Revenons à nos moutons irlandais donc… Brendan et le Secret de Kells raconte les aventures du jeune Brenan, vivant dans une abbaye fortifiée que construit son oncle abbé dans le but de se protéger des vikings. Il fréquente beaucoup les moines enlumineurs, et fait la connaissance d’un maître en la matière, Aidan, auteur d’un sublime livre enluminé, le livre de Iona.
Et la suite, vous verrez bien. Bien que le film soit en effet court (1h15), il est suffisamment dense pour qu’on ne s’y ennuie pas, et se paye le luxe de mélanger un peu les intrigues…
Mais bon, ce n’est pas l’histoire qui fait que ce film est magnifique, mais bien l’animation. Ce dessin animé est essentiellement un film qui se regarde et s’admire. Toute l’animation puise en effet cette source dans ces illustrations celtiques de l’époque, que ce soit en terme de forme comme de couleurs. Les décors sont extrêmement fouillés et bourrés de motifs d’entrelacs et autres celticisme, jusqu’au moindre petit détail.
Du coup, on a vraiment l’impression de se retrouver dans une sorte de livre animé géant, qui réutilise nombre de ficelles comme la perspective à plat et un mépris assez général pour les lois usuelles d’occupation de l’espace, les bandeaux décoratifs, la juxtaposition de différents tableaux, etc…
Il y a juste les personnages qui ne sont pas super sexys, mais bon c’était aussi le cas pour les manuscrits irlandais de l’époque, alors si ce point. Bref, si vous voulez voir un beau dessin animé dans les jours à venir, n’hésitez pas, Brendan et le Secret de Kells est un vrai petit bijou d’animation magnifique à voir...