dimanche 16 mars 2014

Blanche Neige, rouge sang (anthologie)


La mémoire est une chose assez amusante, à ne fonctionner que par association. Si je me souviens avoir acheté ce livre en 2003, c’est uniquement parce que je l’ai déniché en occasion le week-end où je passais le concours d’entrée de l’Ecole du Louvre. J’ai picoré quelques nouvelles avant de le laisser tomber dans l’oubli des années durant, jusqu’à que le challenge de Lhisbei me motive à le sortir de son étagère.

Blanche neige, rouge sang est un recueil qui a l’époque me faisait saliver d’envie : des contes de fées revisités en version adulte par des auteurs, comment résister, surtout quand la première nouvelle est signée par Tanith Lee (à l’époque je sortais à peine du Dit de la Terre Plate).

Pourtant je n’ai jamais réussi à le finir. Je me disais que c’était peut-être à cause d’un ton trop adulte qui me gênait, ou parce que c’était parce que les subtilités de certains textes m’échappaient, mais dix ans plus tard, je suis forcée de constater que c’est surtout une anthologie assez inégale en qualité.

A noter que la version française a été tronquée de trois nouvelles, j’ignore les raisons mais je suis un peu déçue de ne pas avoir l’occasion de lire les textes d’Elizabeth A. Lynn et de Caroline Stevermer. Le sommaire a également été complètement bouleversé si je me fie à la page wiki de l’anthologie (et c’est un peu dommage), à se demander ce qui se passe parfois pendant le processus de traduction.

Mais on ne va pas épiloguer sur le sujet, parlons plutôt des bons côtés de cette anthologie, et déjà, les introductions des deux anthologistes, Terri Windling et Ellen Datlow. Elles sont très intéressantes à lire, et celle de Terri Windling mérite pratiquement le détour à elle seule, en rappelant ce que sont réellement les contes de fées.

A part cela, l’anthologie (française) compte dix-sept nouvelles plutôt variées, leur seul point commun étant de presque toutes se baser sur un conte (plus ou moins connu) comme Blanche-Neige, Poucette, ou Le petit chaperon rouge.

Il y a de tout : de la réécriture à tendance SF ou fantasy, basée dans le monde moderne, des versions plus sexualisées, d’autres qui tirent vers la psychanalyse ou qui offrent une interprétation alternative. C’est un peu la loterie, on ne sait jamais sur quoi on va tomber ni si on va aimer ce qu’on lit.

Au final, j’ai l’impression d’être passée à côté de pas mal de textes. D’autres m’ont plus marquée heureusement, et c’est de ceux-là dont je vais vous parler :

Perce-Neige de Tanith Lee
Cette variation futuriste autour de Blanche-Neige s’intéresse (comme souvent dans ce genre de réécriture) à la figure de la belle-mère. J’ai mis des années à vraiment comprendre ce texte pas plus joyeux que le conte d’origine, mais j’aime beaucoup comme Tanith Lee arrive à remettre en scène tous les éléments symboliques (la pomme, le corset, la fille aux cheveux noirs et à la peau blanche…) à sa façon. Ceci dit il me semble avoir lu une autre version bien plus intéressante de la même auteure.

La Lune se noie tandis que je dors de Charles De Lint
Adapté d’un conte dont j’ignorais l’existence (celui de la Lune morte / Lune enterrée), cette histoire mêle rêve et conte avec ces deux amies qui discutent, l’une racontant le rêve très réel qu’elle vit chaque nuit. L’atmosphère est belle et féérique à souhait, l’intrigue n’est pas trop tarabiscoté, c’est donc un vrai plaisir à lire.

Carmina de Wendy Wheeler
Il s’agit d’une version moderne du Petit chaperon rouge où je me demande presque qui du loup (plutôt civilisé et raffiné pour le coup) ou du chaperon (qui est en fait la fille de la maitresse du loup) est le plus effrayant. Je suis tombée sur une critique qui évoquait un croisement entre le conte d'origine et Lolita, ça vous donne une idée du programme !

Les Enfants substituées de Melanie Tem
Tirant son inspiration d’un conte suédois, ce texte joue avec la notion de changeling (ces enfants fées qu’on retrouvait dans le berceau à la place du sien). Le résultat est très noir et extrêmement malsain, d’autant plus la noirceur ne vient pas du tout de sa partie « magique » mais de ses interrogations bien terre à terre sur la notion de maternité.

Comme les voix d'une chorale d'anges de Leonard Rysdyk
Il s’agit probablement du texte le plus surprenant du recueil, qui adopte un point de vue bien particulier dans un conte bien connu. C’est un peu confus à la lecture, mais délicieux quand on commence à comprendre de quoi il en retourne.

Chaton de Esther M. Friesner
Il s’agit là de mon deuxième texte favori du recueil (le premier reste à venir). Il réécrit le Chat botté en ajoutant de la noirceur bien sûr, mais aussi tout un background de fantasy qui justifie l’existence d’un chat parlant qui porte des bottes ou celle d’un ogre métamorphe. La fin est un peu étrange, mais j’ai beaucoup aimé cette variation qui contient presque matière à roman.

Miettes et cailloux de Lisa Goldstein
Le hasard fait plutôt bien les choses puisque je termine sur le texte le plus beau et le plus intéressant du recueil. En VO il était placé à la toute fin de l’ouvrage (et non à 3 ou 4 nouvelles de la fin comme en VF) et je comprends un peu car il est difficile de lire quoi que ce soit après.
Miettes et cailloux tisse des liens entre les contes qu’on raconte aux enfants et les secrets de famille, alors que deux sœurs se tiennent au chevet de leur mère mourante. C’est une nouvelle absolument poignante, et je pense que je ne lirais plus jamais Hansel et Gretel de la même façon. Voilà qui donne bien envie de s’intéresser aux autres textes de cette auteure.

Voilà pour le petit tour des textes qui m’ont le plus marqué dans cette anthologie. Ce qui est un peu étrange dans cette anthologie, c’est que pour la plupart des auteurs que je connais parmi les présents (notamment Tanith Lee ou Neil Gaiman, oui je ne vous ai pas parlé de sa nouvelle mais je la connais de Miroirs et fumées donc je l’ai parcourue en vitesse), je les ai tous vu écrire des textes bien plus réussis/marquants/bouleversants dans le domaine des contes.

Dommage pour cette anthologie bien alléchante, mais au contenu assez inégal. A emprunter de préférence, pour picorer les meilleurs textes !

CITRIQ

6 commentaires:

Tigger Lilly a dit…

Belle première participation !
C'est édité chez qui en fait cette antho ?

Vert a dit…

C'est (feu ?) la collection grand format Rendez-vous ailleurs de chez Fleuve Noir (donc adossé à Pocket quoi)

Lhisbei a dit…

Je l'ai trouvé d'occasion aussi cette antho. Je l'ai prise pour la nouvelle de Charles de Lint. Depuis elle végète dans ma PAL (alors que bon hein j'ai quand même lancé un challenge où elle a toute sa place ^^)

Vert a dit…

@Lhisbei
Pour une prochaine saison du WMF ? (ce qui me permettrait de parler de tout ce que j'ai pas eu le temps de lire cette fois-ci :P)

JainaXF a dit…

Pourquoi pas, j'aime bien les réécritures de contes...

Vert a dit…

@JainaXF
Tu peux y jeter un oeil en effet si tu le trouves en bibliothèque ^^