samedi 22 mars 2008

Abarat - Clive Barker



Dans la série “agréable surprise du rayon SF”, ou “la collec Livre de Poche Fantasy vous ferait acheter toute leur collec rien que pour les couvertures, mais aussi ce qu’il y a dedans”, il y a Abarat.

Ce petit roman m’a tapé dans l’œil un peu par hasard. Un espèce de bonhomme grincheux très coloré (l’image là ne lui rend pas justice), manifestement une peinture à l’huile, et un résumé qui vous raconte que ce sont les aventures d’une fille de notre terre dans un autre monde, jusque là rien de neuf, me direz-vous.

Et puis, par habitude, et aussi parce que la tranche me semblait bizarre, je l’ai feuilleté. C’est là qu’il m’a vraiment tapé dans l’œil. Ce livre de poche est illustré, et en couleur qui plus est, et pas 3 pages au milieu du bouquin, mais bien régulièrement, et ce en pleine page, en demi page, en double page, dans un coin de page… et le tout dans le même style superbe de la couverture (riche en couleur, un poil grotesque –dans le bon sens du terme-, avec une texture et une épaisseur qu’on sentirait presque au touché). Bref, un vrai petit bijou tout à fait abordable, vu son prix : 8 euros (on vous en vend moins que ça pour cette somme d’habitude…).

Et l’histoire ? Dans la lignée d’un magicien d’Oz, d’un Narnia et autres associés, elle n’est pas exceptionnellement originale, mais le voyage est très agréable et jamais ennuyeux, Candy, l’héroïne, ne restant jamais au même endroit. On y découvre un monde assez original d’îles où chacune correspond et vit en permanence à une heure de la journée (8h, midi, minuit…), des créatures franchement bizarres, et on arrive assez vite à la conclusion… où l’on découvre qu’en fait on vient une fois de plus de se lancer dans un cycle (ce qui n’était mentionné nulle part sur le livre), de 5 tomes, dont 3 encore à paraître…

Bref autant dire que l’histoire n’était qu’une mise en bouche, et la suite promet d’être alléchante, encore plus si on a toujours d’aussi belles illustrations… vivement la suite quoi ^^ !

Si dessous une représentation du monde d'Abarat, une des plus belles illustrations du bouquin...



lundi 3 mars 2008

Daniel Keyes : De Algernon à Billy




A votre gauche, un chef d’oeuvre, à votre droite, un autre chef d’œuvre. Voilà, le décor est posé. ^^

Il y a des tas de bons auteurs dont on apprécie chaque nouveau roman qui sort une fois l’an, tous les deux ans ou un peu plus… Et puis il y a ces très bons auteurs, ces incontournables, qui ont écrit peu, mais quels bouquins !

Evidemment Daniel Keyes entre dans la 2e catégorie, et jusqu’à récemment, les français n’avaient qu’un seul livre à se mettre sous la dent (et quel livre ! Du genre qui soit vous marque à vie, soit demande à être relu une fois l’an, soit les 2…) : Des fleurs pour Algernon.

Merci la collection Interstices de Calmann-Lévy…
(éditeur dont je tarirais pas de louanges s’il n’avait pas, comme un autre éditeur du genre ovin, une méchante tendance à publier plus de livres intéressants –et très jolis qui plus est- qu’on ne peut en lire –et surtout en acheter- dans l’année… tenez là j’ai aussi un recueil de nouvelles d’Alan Moore sous le coude, pour vous donner une idée… bref)
… Je disais donc, merci la collection Interstices, il y a en a un deuxième à se mettre sous la dent : Les 1001 vies de Billy Milligan (The Minds of Billy Milligan en VO).
Mais avant de parler du petit nouveau (paru en 81 à la base…) :

Des fleurs pour Algernon

Pour moi c’est un livre plein de souvenirs, dont je me rappelle encore mon premier exemplaire (éditions Castor Poche, ça m’a toujours surpris qu’il est été édité en jeunesse), avant que celui-ci égaré soit remplacé par un bon vieux J’ai lu SF. Si je ne l’ai pas lu d’office quand on me l’a offert (grave erreur…), je l’ai adoré dès la première lecture, et je l’ai pratiquement relu une fois l’an après, continuant encore aujourd’hui… Même qu’à chaque fois, je l’apprécie encore plus…

Je me souviens l’avoir même amener à mon prof de français de seconde sans savoir pourquoi exactement (ça avait un rapport avec la transcription de l’évolution de Charlie au travers de l’écriture sans doute…). Il parait que c’est un classique, mais je connais peu de gens l’ayant lu… menfin pour moi c’est un incontournable de ma bibliothèque, juste à coté de Papa-Longues-Jambes (toute une histoire celui-là, mais allez pas le chercher au rayons SF par contre ^^)

Bref à chacun ses madeleines…

Des fleurs pour Algernon, c’est l’histoire d’un attardé mental, Charlie Gordon, qui va devenir intelligent par le biais d’une opération miracle, et littéralement découvrir le monde, en même temps que les conséquences de son opération. L’histoire est intéressante en soi, le mode de narration vaut le détour.

L’histoire, c’est exclusivement Charlie qui la raconte, par le biais des carnets qu’il tient. Du coup, le mode d’expression retranscrit son état, et on a donc les premiers comptes-rendus bourrés de fautes et sans aucune construction, puis l’apprentissage de la langue, puis… Rien que pour ça, le livre est un tour de force, du fait que le contenant (l’écriture) en raconte autant que le contenu (l’histoire en elle-même).

Mais ce n’est pas tout. Ce faux bouquin de SF (en tout cas la partie « science » manque sérieusement…), se sert de ce prétexte d’expérience scientifique futuriste pour faire réfléchir sur l’intelligence, les relations qu’on a avec autrui, l’apprentissage de la vie, et l’humain en général…

En effet, au travers de son évolution, Charlie redécouvre les gens sous un regard nouveau, et réalise par exemple que ce qu’il prenait comme des marques d’amitié de la part de ses collègues de travail n’étaient que des moqueries. Ou que ceux qu’il tenait pour des génies ne sont des gens « normaux » en comparaison de son cerveau maintenant surdéveloppé. Il découvre des dures réalités de la vie dont il avait pas conscience (et aussi quelques bons cotés, heureusement ^^), mais aussi

Faire la liste de toutes les pistes de réflexion de ce livre prendrait des pages, bien que le livre n’en fasse qu’à peine 250, néanmoins, rien que l’incroyable travail de rendu d’un personnage handicapé mental vaut le détour. Mais le travail sur son évolution psychologique (avec « l’autre Charlie ») vaut le détour, de même que son rapport avec Algernon… (parce que je n’ai pas précisé, mais la Algernon du titre est une souris qui a subi la même opération que Charlie…)

Pour la note finale sur ce livre, je suis personnellement fan de la couverture française actuelle, qui vaut vraiment le détour en superposant un cerveau humain, un labyrinthe (référence certes aux tests du labo dans le livre, mais le choix ici d’un labyrinthe comme ceux qu’on trouve dans les églises sensé représenter un parcours spirituel vers Dieu est particulièrement juteux…), Algernon la souris et l’autre Charlie derrière sa fenêtre… le livre résumé en une image quoi…

Les 1001 vies de Billy Milligan

Dans un autre registre que des Fleurs pour Algernon, même si on peut relever quelques similarités, à commencer par l’intérêt de l’auteur pour le fonctionnement de l’esprit humain. Néanmoins, si Algernon était une fiction, ce roman là est très particulier dans la mesure où on a affaire à une histoire vraie.

En l’occurrence, l’auteur s’est penché sur le cas de Billy Milligan, affaire qui eut un sacré retentissement aux Etats-Unis à la fin des années 70. Il s’agit d’un homme arrêté pour viol dans l’Ohio dont on découvrit qu’il souffrait d’un syndrome de personnalité multiple, c'est-à-dire que cohabitait dans sa tête, prenant le contrôle à tour de rôle, quelques 24 personnalités (hommes, femmes, enfants, brutes, voleurs, gentlemen et j’en passe des meilleurs)… Et quand je dis que Keyes s’est penché sur son cas, le terme plus exact serait « enquête et entretien », puisque c’est par ce biais qu’il a construit son livre.

On peut donc se demander ce qui pouvait sortir de cet imbroglio de psychiatrie, de procédures judiciaires et autre… et bien un résultat étonnant. Le livre se divise grosso-modo en trois parties : une partie, racontée au présent, qui court de son arrestation à l’apparition, lors de son traitement en clinique de la personnalité du professeur (la fusion des 23 autres personnalités) ; la 2e partie, la seule au passé raconte la vie de Billy (enfin plutôt de ses différentes personnalités, qui prennent le micro chacune à leur tour) jusqu’à son arrestation ; la troisième, de nouveau au présent, revient sur la suite de ses déboires psychiatriques et judiciaires, et se termine en queue de poisson…

(en fait il existe une suite qui n’est sortie qu’au Japon, car la loi américaine interdit la publication d’ouvrages sur des affaires judiciaires en cours, si j’ai bien compris l’histoire…).

Nous voilà donc partis, à travers un récit, mais aussi parfois des discours rapportés et des extraits de journaux/correspondance, pour une formidable plongée dans l’esprit humain, dans toute sa folie et sa santé d’esprit dont il peut faire preuve en même temps. C’est fascinant, étonnant et flippant à la fois. En tout cas, cela ne laisse pas indifférent.

Ce qui est incroyable dans cette histoire, en plus de réussir à faire un compte rendu de cette affaire (ce qui ne devait pas être une mince affaire, sans tomber dans le jeu de mots…), c’est l’incroyable neutralité dont a fait preuve l’auteur. En effet, je n’ai personnellement jamais senti sa présence, à aucun moment dans l’histoire (bien qu’il y apparaisse comme personnage). On se doute bien qu’il devait en penser quelque chose, de toute cette histoire, vu son implication, mais dans l’ensemble, il nous place, nous lecteurs, face à la vérité brute de décoffrage. Et notre avis, c’est vraiment à nous de le créer.

Bref, un sacré morceau dans son genre, à lire et à apprécier comme Algernon, quoique je ne sois pas sûre de le relire une fois l’an celui-là. Parce que quand on referme cet ouvrage, pourvu qu’on l’ait lu d’une traite, on est carrément déphasé de la réalité, ce qui, pour une histoire vraie, n’est pas banal…

Et sur ce moi je retourne à ma littérature de gare, après tant de trucs intelligents, Star Wars, me voilà :D